Le lundi 2 septembre 2019, à l’issue de 18 mois de procédure tumultueuse devant le tribunal militaire, le verdict du «coup d’État»  manqué de septembre 2015 des deux principaux prévenus est connu. Le Général Gilbert Diendéré est  condamné à une peine de 20 ans de prison ferme tandis que l’ex-ministre des Affaires étrangères, le général Djibril Bassolé, qui bénéficie de circonstances atténuantes, écope de 10 ans. Un verdict diversement apprécié selon que l’on soit d’un bord ou de l’autre. Si les parents de victimes et avocats de parties  civiles en sont généralement satisfaits, la défense estime en revanche que le procès est plutôt politique.

 

Ainsi Ali Sanou, secrétaire général du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples, se réjouit qu’un procès, en soi, ait pu avoir lieu. «Nous espérons que ce verdict fasse déchanter tous ceux qui rêvent de conquérir le pouvoir par un coup d’État. Nous espérons que les verdicts qui ont été rendus seront effectivement appliqués, et que sur l’autel de la réconciliation nationale on ne viendra pas essayer d’amnistier des personnes qui ont eu à commettre des violations des droits humains.».

Quant à Me Guy Hervé Kam, avocat des parties civiles, «C’est déjà un très grand soulagement qu’on ait pu mener ce procès jusqu’au bout. Nous sommes totalement satisfaits du verdict parce que nous disions dès le départ que chacune des parties avait sa vérité mais que la plus importante était la vérité du tribunal. Le tribunal a fait application de peines que nous trouvons tout à fait clémentes mais nous disons que notre objectif n’était pas la vengeance».

Toutefois, l’avocat du général Diendéré, Me Mathieu Somé, dénonce un procès politique. « Sur l’attentat à la sûreté de l’Etat, nous posons la question de savoir s’il y avait un État légal le 16 septembre. Chacun a une idée du coup d’Etat. Nous, nous avons visé des dispositions légales qui disent qu’il y a coup d’Etat quand on renverse par la violence un régime légal. La question qu’on se pose tout de suite, c’est ce qu’est un régime légal. On a la réponse dans la Constitution.

L’article 167 dit que tout pouvoir légal doit tirer sa source de la Constitution. Or le pouvoir qui était en place le 16 septembre était assis sur une charte et non la Constitution. Alors pourquoi nous condamner sur l’attentat à la sûreté de l’Etat ? C’est un jugement ostensiblement politique », argumente-t-il.

Mais a-t-il vraiment raison de considérer que le procès de son client est politique ? Un rappel de quelques  évènements et du contexte de la survenue de ce « coup d’Etat » du 15 septembre s’avère nécessaire  à la réponse  à  ce questionnement.

Une insurrection populaire avait déposé le régime de Blaise Compaoré en Octobre 2014. La Constitution a été suspendue.  Les ténors de l’insurrection et l’armée ont  substitué à ce régime constitutionnel un régime d’exception, le Conseil national de transition (CNT). Celui-ci a voté le 7 avril 2015 un nouveau Code électoral qui, par le biais de son article 135, interdit indirectement les partisans de l’ancien président de se présenter aux prochaines élections et, en particulier, à l’élection présidentielle d’octobre 2015.

Ainsi par la décision du 12 septembre 2015 du Conseil constitutionnel du Faso, six des vingt-deux candidats potentiels, proches de l’ancien régime, avaient été exclus  à l’élection présidentielle du 11 octobre 2015. De même que deux jours avant le coup d’État, la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR) du Burkina Faso avait recommandé la dissolution du  Régiment de sécurité présidentielle. Un corps militaire spécial dirigé par le général Diendéré. Qui a, durant le procès,  assumé son forfait. Mais en avait-ils, lui et les vaincus politiques, d’autres  choix ?

Pour l’ancien président Jean Baptiste Ouédraogo, qui a témoigné à la barre, certaines  décisions  de la Transition ont dû  pousser certaines personnes à se dresser contre elle. Ce qui  pourrait justifier le « coup d’Etat ». Lequel devenait  l’expression d’une défense dont ont usé naturellement certaines personnes.

Gaoussou M. Traoré

Source : Le Challenger