Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a récemment mis en avant la relation “ancienne” que son pays entretient avec les Russes pour justifier leur présence controversée dans son pays.

La relation historique avec les Russes est l’un des arguments en Centrafrique et au Mali pour justifier une possible coopération avec le groupe paramilitaire Wagner. A l’instar des Centrafricains, les Maliens pourraient faire appel à cette société pour combattre le terrorisme, même si Bamako dément avoir conclu un accord.

Une relation “ancienne” avec les Russes

Cette histoire commune avec la Russie a été récemment évoquée par le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, dans un entretien accordé à Jeune Afrique (article payant) qui reconnaît la présence “d’instructeurs” et de “supplétifs” russes dans son pays, mais pas celle de membres du groupe Wagner dont la présence sur le sol centrafricain est largement documentée. “Nous avons demandé l’aide de tous les pays de bonne volonté et aussi de l’UE (…) Nous n’avons pas eu de réponse favorable. La Fédération de Russie, avec qui notre relation est ancienne, a quant à elle répondu présente. Un autre pourrait faire de même. Pour la Centrafrique, la solution ne passe pas par la Russie ou par la France, mais par la France et par la Russie. Ce qui nous a été donné est en deçà de nos besoins. Nous ne refusons donc aucune main tendue.”

Si les troupes françaises de Sangaris ont quittéen 2016 la Centrafrique, elle sont encore présentes au Mali avec Barkhane, opération déployée dans le Sahel. La possibilité d’un accord entre le groupe russe Wagner et les Maliensdéplaît à la France. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, Paris a prévenu le 16 septembre 2021 que la présence des mercenaires de cette société qui n’a aucune existence officielle “serait incompatible avec la présence internationale”. Un message réitérépar la ministre française des Armées Florence Parly qui a rencontré son homologue malien le colonel Sadio Camara le 20 septembre 2021 au Mali. En évoquant le dossier Wagner, rapporte l’AFP, Florence Parly a “insisté sur le fait qu’au moment où jamais la communauté internationale n’a été aussi nombreuse à combattre le terrorisme (au Sahel), un tel choixserait celui de l’isolement“.

Réagissant il y a quelques jours à la position française dans ce dossier, le Premier ministre malien Choguel Maïgaa déclaré que son pays allait “vers d’autres horizons”On ne peut pas nous interdire d’acheter du matériel avec un pays, si on a un accord, parce qu’un autre ne veut pas (…) On ne peut pas nous empêcher d’envoyer des gens être formés dans un pays donné parce qu’un pays ne veut pas. Et ce d’autant plus qu’au départ l’intervention des forces internationales était justifiée par trois raisons.” A savoir : “Détruire le terrorisme”, “aider l’Etat malien à étendre son autorité et sa souveraineté sur tout le territoire” et “appliquer les résolutions des Nations unies”. Mais, a-t-il constaté, “le terrorisme s’est étendu”, l’autorité et la souveraineté de l’Etat ne sont pas restaurées “partout” et les résolutions des Nations unies changent chaque année”. Il faut, a conclu le Premier ministre malien,“qu’on élargisse les possibilités de coopération pour maîtriser notre défense nationale”.

 

Une réthorique qui commence à dater

Elargir ses horizons pour Bamako, c’est aussi raviver de vieilles relations avec Moscou. “Il existe un vieux rêve malien, actuellement brandi par les courants dits patriotes, de voir le pays rompre avec la France pour embrasser une coopération avec Moscou”, confiait à France 24 Niagalé Bagayoko, spécialiste des questions de sécurité en Afrique francophone. “Ce vœu renvoie à une vision fantasmée de la coopération nouée avec l’URSS et le bloc soviétique, notamment sur le plan militaire, par le président Modibo Keïta et poursuivie par son successeur Moussa Traoré.” Dès 1961, le Mali nouvellement indépendant se tourne vers l’Union soviétique qui fait de ce pays “un centre de rayonnement soviétique possible en Afrique”, note Manon Tournon dans dans un article paru en 2017 dans le Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, une revue universitaire de Paris 1-Panthéon Sorbonne.

Cette réthorique est aussi celle de Moscou. Dans une étude publiée en 2020 par l’Institut français des Relations internationales (Ifri) sur la coopération militaire russe en Afrique subsaharienne, son auteur Sergey Sukhankin, soulignait que “le discours russe a pour défaut de se concentrer excessivement sur le rôle joué par l’Union soviétique dans la décolonisation”. Un discours, comme nous le rapportions sur Franceinfo Afrique, “un peu vieilli par rapport aux enjeux du moment”.

Source: francetvinfo