Après la mort brutale de DJ Arafat à Abidjan, Moussa Soumbounou, le directeur général d’Universal Music Africa, explique pourquoi il l’avait engagé il y a cinq ans.

RFI : Comment réagissez-vous à la mort de DJ Arafat ?

Moussa Soumbounou : C’est une nouvelle qui nous a fait beaucoup de peine chez Universal Music Africa. Aujourd’hui, on réagit comme des personnes qui viennent de perdre un ami, un voisin. Arafat est une icône de la musique africaine et de la culture afro urbaine. Donc, nous, on est très attristés pour sa famille, pour ses enfants. Les enfants qu’il laisse derrière lui, mais aussi pour tout un peuple qui est endeuillé et tout un continent. Aujourd’hui, on est dans un état compliqué. Et en même temps, on a envie d’honorer sa mémoire. Je regardais ce matin des vidéos, les dernières vidéos qu’il m’a envoyées et on a envie d’honorer sa joie de vivre, toute cette puissance, toute cette force qui caractérisaient DJ Arafat.

DJ Arafat était la star du coupé-décalé. Qu’avait-il de plus que les autres ?

DJ Arafat irradiait de lumière. C’était un artiste puissant, il faut l’avoir connu pour comprendre. C’est un créateur, il excelle dans les domaines du coupé-décalé, il a une musicalité incroyable. C’est un compositeur, c’est un arrangeur, c’est un chanteur, c’est un DJ, c’est un autodidacte, une personne d’une compétence incroyable. Et en même temps, qui a une grande force de caractère, une grande confiance en lui. Il ne pouvait être que le patron du coupé-décalé, même l’un des grands patrons de la musique africaine tout court.

Il était né dans le milieu de la musique. Sa mère était chanteuse et son père ingénieur du son. Il vous en parlait parfois ?

Il en parle de manière même libre. Il a eu comme tout un chacun des moments de disparité avec son cercle d’éducation premier, mais il m’a toujours montré une grande marque de respect pour tout ce qui l’a constitué tout au long de sa carrière : ses parents, sa famille, ses amis, son groupe d’adoption de motards, sa famille d’adoption de son premier quartier. Et il a été toujours très respectueux de tout cela.

DJ Arafat a débuté il y a 15 ans comme DJ dans les clubs de l’ancienne rue Princesse à Yopougon [haut lieu de la nuit à Abidjan détruit en 2011 dans le cadre des mesures de réhabilitation et d’assainissement]. Est-ce la raison pour laquelle il était si populaire ?

Alors je pense que sa popularité dépassait ce cadre-là. Effectivement oui, parce que c’est quelqu’un qui est proche du peuple et qui a porté cette couronne parce qu’on la lui a donnée. Il n’a pas pris cette couronne, on la lui a donnée, parce qu’il a été le premier artiste coupé-décalé à remplir à l’époque le palais de la Culture. Et on la lui a donnée. Le public lui voue un culte incroyable. Mais ça dépasse les frontières de la Côte d’Ivoire. Moi, j’ai pu le voir en show au Cameroun, je l’ai vu au Mali, je l’ai vu en France, je l’ai vu en discothèque, je l’ai vu en salle, je l’ai vu dans les Caraïbes. Arafat est un phénomène qui a un socle culturel commun à tous les afrodescendants et tous les Africains, et tous les autres autour de la planète.

Et puis DJ Arafat est l’un des rares artistes africains à avoir signé dans une grande compagnie comme Universal Music France, il y a cinq ans. Qu’est-ce qui vous a motivé dans ce choix ?

Je pense que c’est évident : Universal Music cherche comme toutes les entreprises commerciales à faire des collaborations avec des talents, des personnes qui ont un fort potentiel de développement ou une grande base de données de fans. Et Arafat est l’artiste le plus influent de la Francophonie. C’est le troisième artiste le plus influent du continent. Donc il cumule le plus de followers, plus de deux millions.

Le troisième après lesquels ?

Après deux Nigérians : Tiwa Savage, de mémoire, et Wizkid, il me semble.

Donc le premier francophone…

Le premier francophone de très loin. D’ailleurs, il s’est fait appeler notamment « InfluenMento », [ou César, 2 Fois Kora Man, Zeus d’Afrique, Termistocle, Yôrôbô, Sao Tao le Dictateur…], tous des noms qui sont toujours dans la mégalomanie qui le caractérise. C’est quelqu’un qui prouve au quotidien qu’il aime les challenges, qui les relève et qui les gagne.

Et il a fait sortir le coupé-décalé de Yopougon. Il l’a fait connaître en Afrique et dans le monde entier. Il a collaboré avec de grands autres musiciens internationaux, comme Maître Gims…

Exactement, Maître Gims [origine congolaise]. Il a fait beaucoup de collaborations, il a travaillé avec Niska, avec Naza [origine congolaise]. Il a travaillé aussi avec Dadju, il a travaillé avec énormément de monde. Et les artistes de la scène urbaine française lui vouent un respect énorme et le reconnaissent comme un leader absolu, écrasant sur la musique africaine, et même la culture urbaine dans le monde entier.

Source: http://www.rfi.fr/