C’était il y a six mois, deux experts de l’ONU étaient portés disparus au Kasaï Central.

Zaida Catalan Michael Sharp expert onu assassine tue

Les corps de Michael Sharp et Zaida Catalan étaient retrouvés deux semaines plus tard. On est toujours sans nouvelles de leurs quatre accompagnateurs congolais. Un procès est en cours à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï. Dans le box des accusés, des miliciens Kamuina Nsapu que la justice militaire pense responsables de ce double meurtre. Des enquêteurs mandatés par l’ONU ont conclu à une version similaire de celle de la justice militaire congolaise en charge du dossier. Mais six mois après cette exécution, un crime inédit au Congo, RFI publie une enquête exclusive qui met en doute la version officielle et suggère la piste d’un guet-apens. RFI est entrée en possession d’un enregistrement d’une conversation entre les experts et des membres de la cour royale de Kamuina Nsapu. Une réunion infiltrée par des agents des services de sécurité de l’Etat qui ont induit en erreur les deux experts.

Michael Sharp et Zaida Catalan avaient rendez-vous avec un chef d’une des délégations de la cour Kamuina Nsapu venue négocier un accord avec le gouvernement congolais. Nous sommes à la veille de la mort des deux experts. Ils préparent une mission dans la localité de Bunkonde à deux heures de route de Kananga où, disent-ils, ils espèrent en savoir plus sur des groupes de miliciens « très différents » de ce qu’ils savent des adeptes de Kamuina Nsapu. Des miliciens « mieux armés » notamment.

L’interlocuteur des deux experts ne parle pas français. A plusieurs reprises, il met en garde les deux experts contre l’idée de se rendre à Bunkonde et leur suggère de se rendre plutôt dans le village Kamuina Nsapu, où il pense pouvoir contrôler les miliciens. Mais jamais ces mises en garde en ciluba, la langue locale, ne seront traduites, au contraire. Toutes les garanties de sécurité sont données. Et parmi les personnes qui mentent aux deux experts, RFI a réussi à identifier leur interprète présumé : Betu Tshintela qui va les accompagner, son cousin José Tshibuabua, agent de l’agence nationale des services de renseignement, l’ANR. Et un membre de la famille royale, proche du nouveau chef, Thomas Nkashama qui ment sur son identité et se fait appeler Tom Perriello, du nom de l’ancien envoyé spécial américain. Selon des proches et des témoins, Thomas Nkashama est aujourd’hui agent d’un autre service de sécurité congolais, la DGM.

Officiellement, le gouvernement congolais a dit après la mort des deux experts ne jamais avoir été informé de cette mission. Thomas Nkashama et José Tshibuabua n’ont jamais comparu devant le tribunal de garnison militaire de Kananga. Ils étaient tous deux injoignables ces derniers jours. RFI n’est donc pas en mesure d’expliquer les motivations.


■ Jean Bosco Mukanda, l’étrange témoin du procès de Kananga

Le principal témoin du crime est un informateur de l’armée congolaise, un chef de milice supplétif des FARDC, disent même des habitants de Bunkonde, ce que Jean Bosco Mukanda dément. Ces six derniers mois, le témoin était surtout un quasi-auxiliaire de justice pour l’ONU comme  la justice congolaise. C’est Jean Bosco Mukanda qui a indiqué la tombe des deux experts tués. Encore lui qui a désigné de potentiels suspects aujourd’hui arrêtés.

Devant la cour, l’excellent témoin dit avoir assisté à l’exécution, tout en assurant avoir été lui-même presque tué un mois plus tôt par les mêmes miliciens mais qui, ce jour-là, ne l’auraient pas inquiété.

Qu’est-ce que j’ai gagné? Aujourd’hui il y a des ennemis, là, qui continuent de jouer avec ces mauvaises accusations…
RFI