Chaque année, le Quai d’Orsay publie un rapport sur les Français à l’étranger. Ces données précises permettent de relativiser toutes sortes d’idées préconçues sur la présence de communautés françaises en Afrique – le 3e continent de l’émigration en provenance de l’Hexagone, bi-nationaux inclus.

Le Quai d’Orsay estime la présence française à l’extérieur à 3,4 millions de personnes sur les cinq continents, soit l’équivalent de 5% de la population française.

Un chiffre important qui reste curieusement méconnu, et bien moins commenté que celui de l’immigration, alors qu’il n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Sur ce total, 1,6 million sont inscrits dans les consulats – soit une hausse de plus de 12% sur la période 2010-20, et 35% sur 2005-15.

L’Afrique, troisième continent de destination des Français à l’étranger

Pour être plus précis, 14% environ des Français à l’étranger inscrits aux consulats se trouvent en Afrique, dont 117 500 en Afrique francophone et 109 000 en Afrique du Nord en 2020. L’Afrique non francophone attire beaucoup moins, même si le Nigeria (1 177 inscrits en 2019, 800 en 2020) est le quatrième partenaire commercial africain de la France, après la Tunisie et avant l’Afrique du Sud (7 300 inscrits).

L’Afrique représente donc le troisième continent de destination de l’émigration française après l’Europe (400 000 dans la zone UE et 350 000 hors UE) et l’Amérique du Nord (275 000, dont près de 100 000 au Canada). Viennent ensuite le Moyen-Orient (150 000) et l’Asie Océanie (150 000).

Un part très importante de bi-nationaux

Donnée importante, là encore très sous-estimée dans les analyses de la présence française en Afrique, parfois susceptibles d’alimenter un ressentiment anti-français : la part importante des bi-nationaux. Ils sont plus des deux tiers (71 %) parmi les Français installés en Afrique du Nord et près de la moitié (48 %) en Afrique francophone, contre une moyenne de 42% pour tous les Français installés à l’étranger.

Comme le rappelle le sociologue Francis Akindes, enseignant à l’Université de Bouaké, au sujet de la Côte d’Ivoire, « Le ressentiment anti-français n’a jamais réussi à faire disparaître le lien affectif entre les deux peuples. Ce lien se retrouve plus en Côte d’Ivoire qu’ailleurs, avec la présence française dans le secteur privé, la vie sociale, et une communauté de Français importante, présente depuis parfois trois générations. Les métis franco-ivoiriens traduisent une proximité culturelle et religieuse plus forte qu’au Sénégal par exemple, avec des administrateurs et des entrepreneurs qui portent des noms français, et sont de souche ivoirienne à travers leur mère. La Côte d’Ivoire sous Houphouet-Boigny a fait de la place à ces enfants, considérés comme ceux de la nouvelle patrie ivoirienne ».

Maroc, Algérie et Tunisie en tête dans les destinations africaines

Les premiers pays de destination des « expatriés » français qui comptent aussi bien des actifs que des retraités, sont dans cet ordre la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne. Le Maroc et l’Algérie représentent les 8e et 11e destinations, la Tunisie la 18e, avant le Sénégal (19e), la Côte d’Ivoire (22e) et Magadascar (24e).

En 2020, la pandémie a fait partout baisser leur nombre. Sauf au Sénégal (+1,8%), l’un des rares pays à attirer plus de Français en 2020 avec le Cambodge, la Turquie, le Mexique et les Émirats arabes unis.

Quid des autres anciennes puissances coloniales ?

L’émigration française reste cependant inférieure à d’autres pays d’Europe de l’Ouest ayant comme la France un passé colonial, à l’instar de la Grande-Bretagne (10 % de la population émigrée) et du Portugal (20 %).

En Afrique anglophone subsiste une « diaspora britannique » qui fait partie intégrante de la population de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe ou de la Zambie. Ces descendants de colons n’ont pas forcément la nationalité britannique, mais restent identifiés comme tels. En Afrique du Sud, cette « diaspora » atteint 1,6 million de personnes (contre 40 000 en Zambie et 30 000 au Zimbabwe).

Il faut la distinguer des émigrés britanniques, 212 000 sujets de la Couronne en Afrique du Sud en 2005 selon l’Institute for Public Policy Research, sur 5,5 millions de Britanniques à l’étranger, dont 1,3 million en Australie.

En Afrique lusophone, où les colonies de peuplement établies par Lisbonne avaient connu un fort mouvement de retour (« retornados ») lors des Indépendances en 1975, l’émigration portugaise vers l’Afrique a fait couler de l’encre au tournant des années 2010. Il y aurait 115 000 et 17 000 Portugais établis en Angola et au Mozambique selon l’Observatoire portugais de l’émigration, sur un total de 2,3 millions de Portugais à l’étranger. Ces flux ont fortement ralenti ces dernières années, en raison de la crise économique.

Source : RFI