Le mouvement social contre l’insécurité et l’immigration clandestine qui touche depuis quatre semaines l’archipel français de Mayotte, dans l’océan Indien, semblait s’acheminer vers une sortie de crise, avec une proposition de lever les barrages routiers.

Fatihou Ibrahim, porte-parole du collectif des citoyens, a annoncé mardi soir, au bout de cinq heures de négociations avec la ministre des Outre-Mer Annick Girardin, qu’une levée des barrages routiers serait proposée mercredi à la population.

Il faisait partie de la délégation du collectif des citoyens et de l’intersyndicale, à la tête du mouvement de contestation, ainsi que des élus reçus par la ministre, qui avait reçu un accueil très houleux à son arrivée lundi sur le petit département français, situé entre la côte orientale de l’Afrique et Madagascar.

« On a des avancées réelles, le plan de lutte contre l’insécurité est acté » et « la ministre s’est engagée à remettre plus d’Etat sur le territoire ». La population est appelée à se rassembler mercredi à Mamoudzou et « nous allons voir avec eux s’ils voient favorablement la levée des barrages », au moins pendant un mois, le temps que des études sur les moyens d’améliorer la sécurité et la présence de l’Etat soient présentées, a-t-il dit.

« Je souhaite le retour au calme dans le territoire le plus vite possible puisque nous avons devant nous un court mois de travail », a déclaré de son côté Mme Girardin.

Autre signe de détente. Les maires de Mayotte se sont engagés à organiser la législative partielle de dimanche prochain, a annoncé mardi soir le ministère des Outre-mer après « l’accord de principe » obtenu sur place « entre l’Etat, les élus, les syndicats et les collectifs ».

Plusieurs maires avaient menacé de ne pas organiser ce scrutin portant sur un siège. Le gouvernement avait promis la semaine dernière qu’il en assurerait lui-même le bon déroulement si nécessaire.

– ‘Défier le gouvernement’ –

Avant les négociations, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté à Mamoudzou contre l’insécurité et l’immigration clandestine en provenance des Comores, à 70 km de là, mais aussi pour réclamer davantage d’actions de l’Etat.

« On est là pour crier notre colère. A partir d’aujourd’hui, nous allons défier le gouvernement », a lancé un porte-parole du collectif.

« Non à la conférence, oui aux actions », pouvait-on lire sur certaines banderoles en référence à la conférence sur l’avenir de Mayotte proposée par la ministre.

« Je suis là pour la sécurité principalement, et pour tous les problèmes sociaux », a expliqué Lisa, enseignante de 26 ans, énumérant le manque d’écoles et de lits à l’hôpital. « Que les clandestins retournent à Anjouan ou en métropole ! », hurlait une autre manifestante.

Dans le même temps, 200 à 300 manifestants ont investi l’assemblée départementale pour dénoncer la « trahison » de certains élus qui avaient accepté la veille de discuter avec la ministre à Dzaoudzi.

Annick Girardin « a toute la légitimité et toute latitude pour intervenir », a défendu le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

Lundi, la ministre a ouvert le chantier, qui fait débat, d’un possible statut d’extraterritorialité pour l’hôpital, dont la maternité est la première de France avec quelque 10.000 naissances chaque année.

– Une maternité internationale –

L’objectif est d’enrayer la multiplication de naissances d’enfants de mères venues des Comores voisines et en situation irrégulière, ce qui est perçu comme un abus du droit du sol.

« En 2015, plus d’un adulte sur deux vivant à Mayotte n’y est pas né », et les natifs des Comores « représentent 42% de la population du département », selon l’Institut des statistiques Insee.

Avec ce statut, la maternité serait « en quelque sorte une maternité internationale », mais le droit du sol ne serait pas remis en cause, a expliqué le député macroniste Aurélien Taché dans le quotidien français La Croix. « Au lieu d’obtenir automatiquement la nationalité française », les enfants de Comoriennes qui y naîtraient « pourraient être déclarés comme Comoriens au registre de l’état civil ».

Yves Jégo, ex-ministre des Outre-mer, ne voit pas, lui, « sur quelle base juridique cette extraterritorialité pourrait marcher », dans un entretien mercredi au journal français Le Parisien.

Une autre ex-ministre des Outre-mer et députée de la Réunion (Nouvelle gauche), Ericka Bareigts, s’est elle étonnée que « personne ne parle d’investissements aux Comores ».