Ils ont créé un français « universel », « créolisé », « corporel », « composite », « libérateur ». Quand des artistes transforment la langue française en horizon… À l’occasion de la première de leurs pièces présentées à l’édition 2020 du Festival des Francophonies à Limoges, nous leur avons demandé quel rôle le français joue dans leurs créations.

Ils font grandir le français avec leurs langues, leurs gestes, leurs corps et leurs idées. Des ravages provoqués par l’histoire coloniale à la beauté du geste de l’hospitalité en passant par la force libératrice des mots et des mouvements, des écrivains, comédiens, metteurs en scène et chorégraphes nous racontent, dans cette vidéo, comment ils mettent à l’épreuve et en valeur la langue française.

« Pour nous, en Afrique, la francophonie n’est pas l’apologie de la langue française, explique Fargass Assandé, metteur en scène ivoirien de la pièce “Là-bas”mais plutôt l’apport de nos langues maternelles pour l’enrichissement de cette langue que nous avons en commun. » Avec la comédienne camerounaise Yaya Mbilé Bitang, il fait chanter leurs langues maternelles pour donner corps au récit en français de la perte d’un fils.

Avec Congo Jazz Band, l’écrivain algérien Mohamed Kacimi et le metteur en scène burkinabè et directeur du Festival des Francophonies, Hassane Kouyaté, nous font vivre l’histoire coloniale du Congo dans un français rythmé par le kotéba malien et la rumba congolaise. « Le français est un outil comme un autre, mais qui nous permets de parler à tout le monde », remarque Mohamed Kacimi. Pour eux, c’est une langue habitée par des « doubles cultures », une langue « muée » en langue francophone.

« Vivre le monde  »

Souleymane Bah, le lauréat guinéen du prix RFI Théâtre 2020, a transformé son rapport – « conflictuel au départ » – à la langue française en une relation lui permettant de « vivre le monde que j’ai du mal à vivre dans ma propre langue, parce que ma langue m’enferme dans un certain nombre de contraintes auxquelles je dois obéir et des choses que je ne peux pas dire ».

Dans La nuit sera calme, pièce de Moïse Touré, écrite avec, et, pour Rokia Traoré, le texte en français se retrouve fusionné avec du chant, de la musique, de la danse, des projections vidéo. Ce savant mélange fait surgir un français « universel » et accueillant, qui offre l’hospitalité à d’autres voix.

L’imaginaire corporel d’un français « créolisé »

Les chorégraphes Héla Fattoumi, née en Tunisie, et Éric Lamoureux, né en France, ont présenté aux Zébrures d’Automne, à Limoges, la première de leur spectacle : Akzak, l’impatience d’une jeunesse reliée. Inspirés par l’akzak, ce rythme à contretemps dans la musique ottomane, des jeunes danseurs du Burkina Faso, d’Égypte, du Maroc, de Tunisie et de France, composent et décomposent une esthétique du soulèvement dans toutes ses formes. Dans l’espace-temps, créé par les mouvements et la musique, apparaît alors l’imaginaire d’un français « créolisé », exprimé par les corps.

RFI