Alors qu’on dénombre dans le monde plus de 1.347.245 cas confirmés de coronavirus et plus de 74.767 morts causées par cette pandémie, la psychose gagne du terrain. Pour endiguer cette progression effrénée de la COVID-19, les populations d’un peu partout s’astreignent à des mesures de confinement inédites.

A l’instar des autres pays africains, la Guinée doit agir maintenant et rapidement afin d’éviter cette situation dramatique sans précédent vécue par les pays occidentaux. Nous avons tous en tête l’épisode Ebola, et ne souhaitons pas revivre ce traumatisme à nouveau surtout en ces périodes où les aidants d’alors sont eux-mêmes touchés donc dans l’incapacité de nous assister.

Monsieur le président, nous avons assisté avec stupéfaction à l’aveu d’impuissance de Dr Sakoba Keita en personne ces derniers jours. Au-delà des problématiques de finance, ce qui nous interpelle c’est l’absence de capitalisation effective en matière de gestion de crise sanitaire après Ebola pour ne parler que de cela.

Nous avons tous entendu un jour en Guinée que la grippe n’est pas une maladie… pourtant elle tue ! Surtout celle nommée COVID19, elle est un danger réel pour notre population. Gloire au créateur que nous ne comptons pas de morts en Guinée, et notre vœu le plus cher est que ce compteur reste nul. Pour ce faire, des actions s’imposent.

Nous, citoyennes et citoyens guinéens de l’étranger, attentifs et préoccupés par la prise en charge de cette pandémie, souhaitons exprimer ici nos suggestions concernant la gestion à mettre en place afin de lutter efficacement contre sa propagation.

Certes le gouvernement a pris, depuis le début de la crise des dispositions en matière de coopération notamment avec la Chine et les équipes médicales ont été au front malgré les moyens limités. Nous les saluons et appelons de tous nos vœux que ces dispositions s’améliorent pour le bien de tous. Toutefois, des inquiétudes perdurent, c’est pourquoi nous vous proposons un plan d’action de gestion de cette crise, structuré en quatre (4) volets que vous trouverez ci-dessous :

Dans un premier volet axé sur les moyens matériels et financiers, nous insistons sur la nécessité de mettre en place des postes de commandes dans des domaines spacieux et loin des zones d’habitation pour le traitement des malades. Il serait intéressant de les classifier selon la gravité des patients affectés. Ensuite impliquer les grands centres de santé afin de soutenir les actions de dépistage et l’acheminement des cas avérés vers ces lieux. Enfin, mettre à disposition des équipes des différents hôpitaux tous les véhicules de l’administration au compte du ministère de la santé. Bien conscients des exigences financières de cette démarche, nous recommandons la mise à contribution des partenaires des mines et autres bailleurs de fonds pour faciliter les problématiques logistiques, de mise à disposition de matériels médicaux et autres. Aussi, il serait bénéfique de faire une loi de finance rectificative afin d’assurer la réallocation des budgets affectés aux différents projets non indispensables par temps de crise sanitaire et supposément à l’arrêt à cause des mesures de confinement.

Dans un deuxième volet axé quant à lui sur les compétences techniques en matière de santé et de logistiques pour soutenir et pérenniser nos actions, il est important de faire appel aux partenaires historiques de notre pays que sont la Chine, la Russie et le Cuba avec pour objectif principal de bénéficier de leur savoir-faire dans le traitement de cette maladie. Il n’est pas utile de rappeler l’intérêt d’un tel partenariat quand on sait qu’ils sont les trois pays qui sont au chevet des pays du monde entier… Pour accompagner nos partenaires, prévoir en support les médecins en fonction ou à la retraite, les épidémiologistes, les assistants des centres de soins, les étudiants en santé en fin de cycle.

Dans un troisième volet portant lui sur la stratégie de dépistage et de préventions, nous recommandons d’opter pour un dépistage systématique des cas suspects sans attendre la déclaration ou la propagation de la maladie. Ensuite, la sensibilisation de la population peut être en effet un levier important dans la prévention de cette pandémie par la vulgarisation des bonnes pratiques. Cela pourrait se faire à travers la mise en place d’un numéro vert qui serait prioritaire et aurait au minimum de 2000 canaux de communications et de réponses. Mais également via les réseaux sociaux, les radios, la presse pour éventuellement permettre aux personnes malades de se déclarer et pour chaque commune des bus médicalisés. Faire assurer le confinement par la police et la gendarmerie national, puis solliciter l’armée pour assurer la construction des centres de prises en charge et le transport des cas avérés afin de prévenir les cas de manquement aux règles établies dans le cadre de la gestion de cette crise sanitaire.

Dans un quatrième volet, concerne la communication et l’accompagnement des personnes dans les centres. En effet, les équipes médicales doivent garantir aux personnes affectées le secret médical sauf en cas de manquement aux règles établies par les autorités médicales engendrant ainsi la mise en danger du reste de la population. Cependant, il est important de noter que les conditions de séjour dans les centres contribueraient fortement à la collaboration des patients et les encourageraient à suivre leur traitement sans mettre en danger leur concitoyen. Tout ça pour dire que l’amélioration des conditions de vie dans les centres est un facteur important voir indispensable pour une coopération des personnes affectées.

Monsieur le président, la mise en place de l’ANIES pour pallier entre autres en urgence au soutien financier des ménages est une bonne mesure, sans oublier les autres efforts consentis dans le plan de riposte économique annoncé par Monsieur le premier ministre.

Toutefois, nous recommandons dans un cinquième volet et non des moindres, une action supplémentaire en faveur des couches sociales les plus fragiles et celles les plus affectées par cette pandémie à travers le pays. Au vu de ce qui se passe à travers le monde, l’ANIES serait très loin de couvrir tous les publics en difficulté, et tous les besoins. Afin de permettre aux plus précaires de subvenir à leurs besoins essentiels pendant cette période délicate, nous vous prions, vous et votre gouvernement Monsieur le président, de bien vouloir accéder à l’instauration d’un fonds exceptionnel d’aide alimentaire dans les villes fortement touchées par l’épidémie. Nous vous demandons également que des mesures de dissuasion soient prévues pour les bailleurs indélicats qui ne respecteraient pas la mesure annoncée   par Monsieur le premier ministre en faveur des locataires, cela afin de permettre à tous les ménages modestes d’éviter tout risque d’expulsion locative au cours de cette période difficile qui s’annonce.

Monsieur le président, cette pandémie et la solution de confinement qui en découlent ont de lourdes conséquences sur les populations les plus précaires. Les évènements tels les arrêts des activités et la hausse de consommation affectent directement les ressources des ménages les plus modestes. Le confinement s’avère également dramatique pour les personnes qui ne rentrent pas dans la norme : vivant de mendicité, de travaux informels… Face à la crise sanitaire, il faut agir d’urgence et c’est le sens des dispositions prises par le gouvernement, comme de celles que nous vous recommandons. Cependant, il faut absolument anticiper la suite afin d’éviter que cette urgence sanitaire ne se transforme en crise sociale durable qui accentuerait la précarité dans le pays en adaptant le confinement à notre société.

Paradoxalement, la crise sanitaire que nous vivons a montré, à la fois, les failles de notre système de santé bien qu’heureusement nous n’ayons pas à déplorer de morts à ce jour. Il convient de féliciter Dr Sakoba, ses équipes et tout le corps médical ; les encourager à plus de respect du secret médical et une maitrise de leur communication pour rassurer la population et éviter l’installation de la psychose dans le pays.

Monsieur le président, nous restons à votre disposition pour travailler ensemble afin de construire des réponses adaptées pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent dans le monde.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre haute considération.

Paris le 8 Avril 2020

Diaka Camara

[email protected]