Dans un entretien publié jeudi sur le site du journal britannique The Guardian, le président nigérien soutient que le taux de natalité explosif est lié à une « mauvaise interprétation de l’islam ».

 

Mahamadou Issoufou appelle donc à une « parentalité responsable » afin de prévenir l’explosion démographique qui risque de saper les effets entrepris dans la lutte contre le changement climatique.

« Une mauvaise interprétation de l’Islam a conduit à l’explosion du taux de natalité au Niger, entravant la lutte du pays pour s’adapter à la crise climatique et préserver ses ressources de plus en plus rares », a déclaré le président du Niger.

« Cet enchevêtrement de questions est susceptible d’avoir un impact de plus en plus direct sur la politique européenne », a déclaré Mahamadou Issoufou.

Il a aussi averti que la migration pourrait dépasser les niveaux atteints pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Tout est lié dans un village global. Comme on dit, un papillon bat des ailes au Brésil et il peut y avoir une tornade à Houston « , a dit Issoufou.

Issoufou affirme qu’il a lentement fait baisser le taux de natalité de son pays de plus à sept enfants par femme, le taux de natalité le plus élevé au monde au cours de la dernière décennie.

Il était à près de huit enfants par femme.

Responsabilité parentale

Le président nigérien a déclaré au Guardien qu’ « avant l’avènement de l’islam, les femmes se mariaient à l’âge de 18 ans, mais à cause d’une mauvaise interprétation de l’islam, les jeunes femmes avaient des enfants à l’âge de 12 ou 13 ans.

« Mais que dit le Coran? Si une personne instruite lit le Coran, elle parle de responsabilité parentale. L’islam dit que vous ne devriez avoir des enfants que si vous pouvez prendre soin d’eux et les éduquer correctement », précise Mahamadou Issoufou.

« Les écoles doivent éduquer les jeunes filles parce que nous ne voulons pas qu’elles aient des enfants à 12 ou 13 ans. Idéalement, nous voulons les garder à l’école le plus longtemps possible, jusqu’à l’âge de 18 ans. C’est quelque chose de nouveau pour nous ».

Il insiste sur le fait que, dans un pays qui est musulman à 98%, ses opinions ne sont pas en conflit avec celles des imams ou des chefs religieux.

Bien qu’Issoufou se soit heurté à la résistance de certains dirigeants musulmans pour défendre la planification familiale, il insiste : « Les chefs religieux sont avec nous pour sensibiliser la population, et c’est pourquoi nous assistons à une diminution du taux de natalité « .

Avec la généralisation des écoles de contraception et de planification familiale pour hommes, le taux de natalité a lentement baissé à environ six enfants par femme, mais il reste encore beaucoup à faire, a dit le président.

Les derniers chiffres officiels de la Banque mondiale, à partir de 2016, situent le taux à 7,2 enfants par femme.

4 % annuelle de hausse de la population

La population du Niger s’élevait à 8 millions d’habitants en 1990 et a atteint 22,4 millions en 2018.

« Nous avons une augmentation annuelle de 4 % de la population », a déclaré M. Issoufou.

« La population doublera dans les 17 prochaines années. D’ici 2050, nous pourrions avoir la deuxième plus grande population d’Afrique après le Nigeria ».

C’est un phénomène à l’échelle du continent, a-t-il dit.

« En Afrique, il y a 1,3 milliard de personnes aujourd’hui…Il y en aura 2,4 milliards en 2050. Cela signifie que nous auront 30 millions de jeunes par an qui entrent sur le marché du travail. Si nous ne faisons rien pour garder les gens en Afrique en créant des emplois au niveau national, il y aura une énorme vague de migration, alors les gens chercheront du travail ailleurs », ajoute le président du Niger.

Il sait que l’ampleur des migrations en provenance du Niger, l’un des pays les plus pauvres au monde, dépend de l’évolution de la crise climatique.

Issoufou a averti que parmi les 230 millions de migrants prévus d’ici 2050, le Sahel sera l’un des principaux fournisseurs.

Un chiffre qu’il souligne sera beaucoup plus important que la migration massive causée par la seconde guerre mondiale.

« Au Niger, nous vivons déjà avec les conséquences du changement climatique. Les inondations qui alternent avec les sécheresses ont déjà d’énormes conséquences sur la production agricole. Il y a une dégradation des sols, les forêts se perdent, il y a moins de terres et une avancée du désert. Le lac Tchad a perdu jusqu’à 90 % de ses eaux et les fleuves posent davantage de problèmes. Le Niger perd 100 000 hectares (250 000 acres) de terres agricoles chaque année », a-t-il dit.

« Le peuple nigérien n’en comprend peut-être pas pleinement les causes, mais il en fait l’expérience au quotidien. Ils savent qu’il existe un lien entre la dégradation des sols et leur pauvreté. Le monde s’inquiète d’une hausse de deux degrés de la température, mais nous avons déjà connu cette augmentation depuis les années 60 », se désole M. Issoufou.

Risque croissant de colère à travers l’Afrique

Il a ajouté qu’ »il y a un risque croissant de colère à travers l’Afrique à mesure que les gens prennent conscience de la cause profonde de ce mal.

« Au fur et à mesure que les gens comprennent les causes du changement climatique, cela peut mener à la recherche de solutions, mais aussi à la colère et à l’agitation sociale », insiste le président du Niger.

« Les moins responsables du changement climatique en subissent les pires conséquences. La situation ne peut pas s’améliorer lorsque les pays industrialisés ne tiennent pas toujours leurs promesses », souligne-t-il.

Plus tôt cette année, Issoufou a participé au lancement d’un plan d’investissement climatique de 400 milliards de dollars US (311 milliards de livres sterling) pour la région du Sahel.

L’idée selon laquelle le changement climatique et la démographie en Afrique pourraient conduire à une migration vers l’Europe est contestée.

La plupart des experts affirmant que le réchauffement climatique conduira principalement à une migration interne en Afrique.

Un rapport de la Banque mondiale de l’année dernière affirmait que si aucune mesure n’est prise, l’Afrique subsaharienne pourrait compter jusqu’à 86 millions de migrants climatiques internes d’ici 2050.

Issoufou fait valoir que beaucoup d’autres facteurs dépendent de la capacité de l’Afrique à trouver des emplois pour cette nouvelle main-d’œuvre, qui à son tour dépend de la capacité du continent à croître selon le modèle des économies asiatiques, et à s’intégrer économiquement.

En tant que président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, M. Issoufou a participé à la création d’une zone de libre-échange panafricaine de 1,2 milliard d’habitants, désormais soutenue par 54 États africains.

Il soutenu que l’objectif est de mettre fin à ce qu’il décrit comme « la balkanisation du continent par les colonialistes ».

NORDSUD JOURNAL