L’ancien président Burundais, Pierre Buyoya actuellement au Mali comme Haut Représentant de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel) a donné un point de presse le mardi 4 décembre 2018, où il s’est exprimé sur le mandat d’arrêt lancé contre lui, le 24 novembre 2018, par la justice de son pays. Selon lui, ce mandat d’arrêt lancé contre sa personne est une manipulation politique, une manœuvre pour faire oublier les difficultés énormes du régime en place actuellement au Burundi. A cet effet, il a invité les autorités Burundaises à abandonner cette approche qui ne sert aucune cause. « Il n’y a pas de solution à une crise politique par des voies judiciaires », a souligné Pierre Buyoya.

L’ancien président du Burundi, Pierre Buyoya a organisé à Bamako, au siège de la Misahel, un point de presse pour « avoir l’occasion de répondre aux graves accusations portées contre moi par le procureur général de la République du Burundi ». Le 24 novembre 2018, le ministère public a sorti un mandat d’arrêt international contre Pierre Buyoya et contre 16 autres personnalités burundaises qui pour la plupart sont des officiers supérieurs en retraite ou des dignitaires de l’ancien parti unique. « Que tous, nous aurions joué un rôle dans l’assassinat du président Melchior Ndadaye en octobre 1993, c’est pour cela, nous sommes poursuivis », a indiqué l’ancien président Burundais, Pierre Buyoya, prenant très au sérieux cette menace de l’actuel régime burundais. Selon lui, depuis quelques jours, le gouvernement du Burundi a entrepris une vaste campagne médiatique, ponctuée d’arrestations et de menaces de toutes sortes, autour de ce que le ministère public présente comme une opération de lutte contre l’impunité, à travers la réouverture du dossier de l’assassinat de l’ancien Président Melchior Ndadaye. « Nous avons appris avec stupéfaction que de graves accusations étaient dirigées contre notre personne, avec l’intention manifeste de porter atteinte à notre honneur et à notre probité », a déclaré Pierre Buyoya. Selon lui, « l’assassinat du regretté Président Ndadaye – il y a de cela vingt-cinq ans -, a fait l’objet de traitements multiples et variés. Sur le plan judiciaire, il a été instruit, conformément à la loi nationale et un jugement a été rendu à cet effet. Sur le plan politique, cet événement, comme beaucoup d’autres que le Burundi a malheureusement connus au cours de son histoire, a été longuement débattu au cours des négociations d’Arusha, indique le conférencier. « Un consensus a été dégagé sur la voie à suivre pour résoudre ce qu’il a été convenu d’appeler le contentieux de sang, en vue d’amener le peuple burundais à se réconcilier avec lui-même », a expliqué Pierre Buyoya. Sur le plan international, il a fait savoir que le même événement a fait l’objet d’une enquête internationale, par la voie la plus autorisée de l’Organisation des Nations Unies, poursuit-il.

Revenir à l’accord d’Arusha

« Dès lors, la réouverture de ce dossier par le gouvernement, treize ans après son installation au pouvoir, ne peut que soulever de nombreuses interrogations. Tout laisse à penser qu’il s’agit là d’une simple manipulation politique et d’une nouvelle manœuvre de diversion visant à faire oublier les questions douloureuses non résolues – et elles sont nombreuses -, depuis que les autorités nationales ont choisi de tourner le dos à l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi », a déclaré Pierre Buyoya. Il a mis l’accent sur les difficultés auxquelles le régime Burundais est confronté dont la pression des bailleurs de fonds depuis 2015, la pression de la communauté internationale à négocier avec l’opposition, l’ouverture d’une enquête préliminaire de la CPI (Cour Pénale internationale) au Burundi sur les violations des droits de l’homme. « Il est symptomatique que la réouverture du dossier de feu Melchior Ndadaye intervient au moment où, face aux multiples sollicitations de la communauté internationale, le gouvernement a choisi de s’emmurer délibérément dans le refus du dialogue pour résoudre la crise qu’il a lui-même provoquée et qu’il alimente depuis l’année 2015. Ainsi, au nom du noble principe de lutte contre l’impunité, qu’aucune âme bien pensante ne saurait récuser, la justice risque, une fois de plus, d’être instrumentalisée à des fins purement électoralistes, au risque de ramener le pays dans les conflits et les haines ethniques », a souligné Pierre Buyoya. Pour lui, il serait difficile d’imaginer que le régime actuel soit à même de mener une procédure judiciaire, dans une affaire aussi grave, avec un minimum de garanties et de crédibilité. « Fidèle à l’esprit et à la lettre de l’Accord d’Arusha, nous en appelons plutôt chacun à reprendre ses esprits, à savoir raison garder et à concentrer ses efforts à la recherche d’une issue à la crise politique actuelle, à travers le dialogue inclusif comme suggéré par les institutions régionales et internationales. L’œuvre de vérité, d’établissement des faits et de justice doit être conduite dans la dignité, la sérénité, l’équité, la neutralité et non dans un esprit de division, d’instrumentalisation de la justice et de manipulation de la mémoire à des fins qui ne répondent ni à la cause d’une paix durable, ni à celle d’une véritable lutte contre l’impunité », a-t-il souhaité. Aux dires de Pierre Buyoya, ce mandat d’arrêt contre lui est une stratégie pour le régime de neutraliser ses opposants. A l’en croire, le gouvernement Burundais qualifie ses opposants de putschistes. « C’est une manœuvre dangereuse politique qui enterre l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, c’est une manœuvre qui nous ramène tout droit au conflit ethnique. Je lance un appel aux autorités de mon pays d’abandonner cette approche comme celle-là parce qu’elle ne sert aucune cause », a déclaré Pierre Buyoya. Répondant aux questions des journalistes, Pierre Buyoya a demandé aux autorités Burundaises de privilégier la voie du dialogue politique. Le Haut représentant de la Mission de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel), Pierre Buyoya ne craint pas son extradition et précise avoir informé les autorités maliennes du mandat d’arrêt lancé contre sa personne. Mais selon lui, il est difficile de comprendre que les gens soient extradés au Burundi compte tenu de la situation des droits de l’homme dans le pays. Enfin, l’ex président Burundais s’est dit prêt à témoigner devant la commission vérité justice et réconciliation de Burundi.

Aguibou Sogodogo

B.Daou

SourceLerepublicainmali