C’est un imbroglio qui n’en finit pas au Maroc, où sont les médecins pendant la crise du Covid-19 ? La semaine dernière, il était apparu que de nombreux médecins avaient déserté leur Cabinet médical au lieu de s’investir en soutien de la population comme le serment d’Hippocrate les y oblige. Désormais c’est une nouvelle polémique qui agite le secteur médical marocain avec une demande de l’Ordre des médecins d’aide financière auprès de l’Etat pour assurer leur service.

Comme le racontait Afirk.com ce week-end, les médecins se font rares au royaume du Maroc. Certains ont été contaminés, notamment à Casablanca, ville la plus touchée du pays, mais d’autres ont tout simplement déserté leur Cabinet expliquait Yabiladi qui, lors d’un test, avait découvert que pour 60 médecins contactés, 19 seulement avaient ouvert et les autres s’étaient fait porter pales au mépris de leurs engagements et du serment qu’ils ont pu prêter en apprenant la médecine !

Face à cette situation, le Dr Mohammadine Boubekri, président du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), avait demandé au corps médical de se remonter les manches et rappelé qu’en cette période de crise sanitaire la place des médecins était plus que jamais au chevet de leurs patients.

Ce rappel à l’ordre paraissait de bon sens, c’est pourquoi la phase suivante a surpris désagréablement l’ensemble des observateurs. Voila que le Dr Mohammadine Boubekri a adressé une lettre à Saadeddine El Othmani, le chef du Gouvernement marocain, pour demander que les cliniques et cabinets médicaux puissent bénéficier « d’exonération et de facilités fiscales », laissant entendre que sinon ces lieux médicaux, pourtant indispensables pour lutter contre l’épidémie de Coronavirus, ne pourraient pas rester ouverts.

Cette demande qui va à l’encontre de tout principe déontologique, et peut être considéré comme une tentative de chantage, a été immédiatement contestée par de nombreux internautes, mais aussi par plusieurs organismes de représentation des médecins comme le CSNMSP (Collège syndical national des médecins spécialistes privés), le SNMG (Syndicat national de médecine générale), le SNMSL (Syndicat national des médecins du secteur libéral) et ANCP (Association nationale des cliniques privées) qui ont fait un communiqué commun afin de préciser qu’ils n’étaient en aucune façon solidaires de cette demande.

Leur communiqué est sans appel. Ils déclarent que « les syndicats médicaux du privé n’ont jamais sollicité l’ordre des médecins sur une quelconque aide ou intervention dans ce sens, de quelque nature que ce soit (…). L’Ordre des médecins n’a à aucun moment demandé l’avis, ou a mis au courant les syndicats médicaux du privé par rapport à la dite lettre », avant de conclure que « les syndicats des médecins et des cliniques du secteur médical privé marocain restent mobilisés avec professionnalisme, patriotisme et abnégation, main dans la main avec tous les autres secteurs médicaux et non médicaux avec un seul objectif et une seule préoccupation : faire face à la pandémie ».

Une polémique qui vient bien mal à propos, quelques jours après le scandale du directeur d’hôpital limogé après la publication d’une vidéo dénonçant les conditions de confinement. En espérant que cette mise au point permette de remettre les soignants sur le bon chemin pour que l’épidémie soit maitrisée avec le moins de décès possible.

Serment d’Hippocrate, traduction par Émile Littré :

« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivants :

Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.

Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté.

Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille, je la laisserai aux gens qui s’en occupent.

Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.

Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »