Sans provoquer d’éclats, l’État ghanaen a décidé de se passer des crédits du Fonds monétaire international et de financer son budget grâce à ses propres recettes.

« Notre reprise économique va financer notre budget« . C’est le raisonnement du président ghanéen Nana Akufo-Addo, élu fin 2016. Ce chef d’État a décidé de ne pas solliciter de renouvellement du programme du FMI qui arrive à échéance dans deux mois.

Devant le parlement, il a fait part de sa détermination à assurer l’irréversibilité de la stabilité économique, de sorte à n’avoir « aucune raison de demander à nouveau l’aide de ce puissant organe mondial ». Cet avocat de métier, ancien ministre des Affaires étrangères, considère que la croissance de son pays le permet dorénavant.

Une économie plus diversifiée que celles du continent

D’après la Banque mondiale, la croissance du PIB ghanéen sera la plus forte du continent africain, devant celle de l’Éthiopie, à pratiquement 8,5%. Le gouvernement compte en faire bon usage pour combler le déficit, qu’il a pour objectif de réduire à 3% en 2019.

Un expert d’un bureau d’analyse londonien explique que le Ghana dispose d’une économie « plus diversifiée que beaucoup de ses pairs en Afrique ». Son essor est dû à l’exploitation pétrolière depuis 2010, combiné à celui de deux autres ressources -l’or et le cacao- dont le Ghana est le deuxième producteur du continent africain. Les investissements ont par ailleurs été accrus pour développer l’agriculture vivrière, et Nana Akufo-Addo s’est engagé à faire émerger une industrie manufacturière. Il évoque même une usine par district, au nombre de 216 dans le pays.

Certains se demandent si le président ghanéen n’est pas un peu emporté par son élan. Dans son éditorial, un quotidien du pays met en garde contre « l’illusion que procurent les slogans ».

Un sérieux budgétaire qui fait chuter l’inflation

Mais une économiste d’une banque sud-africaine estime de son côté que le Ghana se distingue à présent d’autres bénéficiaires d’aides internationales par son sérieux dans la gestion de ses finances et dans la redéfinition de ses politiques publiques. Sérieux qui lui a permis de réduire considérablement l’inflation. Ainsi, la Banque centrale du pays a pu baisser de façon accélérée les taux d’intérêt, donnant au crédit à l’activité la possibilité de décoller sainement.

Un professeur de l’Université d’Accra redoute toutefois que sans l’aiguillon du FMI, à l’approche des élections en 2020, le gouvernement soit tenté de s’affranchir de cette discipline, malgré toutes les bonnes intentions initiales.

Par certains aspects, les propos du président ghanéen rappellent ceux du Capitaine Thomas Sankara, à la tête du Burkina Faso de 1983 jusqu’à son assassinat en 1987. De nombreux Africains se souviennent de sa joute verbale avec François Mitterrand, alors qu’il l’accueillait à Ouagadougou un soir de novembre 86. Celle de Nana Akufo-Addo avec Emmanuel Macron, début décembre à Accra, dont la vidéo de huit minutes vues près de 300.000 fois en trois mois, pourrait de la même façon passer à la postérité (ci-dessus).

Un discours sans la moindre agressivité

Le chef de l’État ghanéen s’y tient aux côtés du président français. Il explique, tout en rondeur et sourire, qu’il n’admet plus qu’on vienne de Paris, de Bruxelles ou de Washington, lui faire la leçon sur l’avenir de l’Afrique. « Nous devons abandonner notre mentalité de dépendance qui compte sur l’aide et la charité, dissocier l’Afrique de l’image de mendiante qui lui est associée », énonce-t-il. Pour le président Akufo-Addo, cela commence par se passer des « nobles bailleurs qui nous soutiennent ». Un discours prononcé sans la moindre agressivité.

Le dirigeant ghanéen a également tenu ce propos lors d’un discours marquant au Sénégal. Son mot d’ordre, répété à l’envi par les membres de son gouvernement, est « Ghana beyond aid » (Le Ghana au-delà de l’aide en français). Le professeur de l’Université d’Accra précédemment cité espère seulement qu’un retournement brutal du cycle des matières premières ne viendra pas briser prématurément un nouvel idéal politique.

BFM