“Laurent Gbagbo n’aurait jamais dû être à la CPI, si Louise Moreno Ocampo n’avait pas été un procureur truand”

Présent à Bamako dans le cadre des états généraux du franc CFA qui s’est tenu du 16 au 17 février dernier, au Mémorial Modibo Kéita, Pr Mamadou Koulibaly, économiste, ancien ministre des Finances et ancien président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, nous a accordé une interview exclusive dans laquelle il parle de son parti LIDER (Liberté et Démocratie pour la République), de la libération du président Laurent Gbagbo à la CPI et enfin de sa vision sur le franc CFA.

Aujourd’hui-Mali : Professeur Koulibaly, comment se porte aujourd’hui le parti LIDER ?

Pr Mamadou Koulibaly : Merci de m’avoir donné la parole. Je peux dire qu’aujourd’hui, le parti de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) se porte très bien et il continue sa montée en puissance. J’espère que le travail que nous sommes en train d’abattre à l’intérieur comme à l’extérieur du pays pourra nous conduire lors de la prochaine élection présidentielle à notre accession à la présidence de la République de la Côte d’Ivoire.

Que pensez-vous de la libération du président Laurent Gbagbo ?

Par rapport à la libération du président Laurent Gbagbo, je pense que c’est ce qu’il y avait de mieux à faire. Cette libération est en retard de 7 ans parce qu’il n’aurait jamais dû être là-bas, si Louise Moreno Ocampo n’avait pas été un procureur truand, si le président Alassane Ouattara et ses amis n’avaient pas fait pression et des arrangements pour le faire partir. Il n’aurait jamais dû être à la Haye (Pays-Bas). Il y a eu vice de procédure dès le début, il y a eu manquement à toutes les procédures. Vivement qu’il revienne et qu’il se mette dans le jeu politique du pays.

Pourquoi êtes-vous si engagé dans ce combat contre le franc CFA ?

Je me suis engagé dans ce combat contre le franc CFA parce que je me préoccupe de l’emploi des jeunes, de la modernisation des instruments de production en Afrique. Je me préoccupe également de l’émigration massive des jeunes hors d’Afrique et le franc CFA, malheureusement, ne permet pas aux gouvernements actuels de résoudre ces questions. D’abord parce cette monnaie ne permet pas de financer l’investissement risqué dans une longue période.

Aujourd’hui, quand vous regardez les comptes de la Banque centrale, que cela soit celle de l’Ouest comme du Centre, l’accent est mis sur le financement de courte période. On finance les biens de consommation et pas l’investissement long et s’il n’y a pas d’investissement long cela veut dire que les entreprises ne s’installent pas.  Ensuite, les taux d’intérêt sont plus élevés quand vous été une entreprise privée que quand vous êtes l’Etat ou une société du secteur public. Dans ce genre de situations, on décourage les entrepreneurs privés d’accéder au crédit pour faire des investissements.

Pouvez-vous expliquer un peu plus les idées que vous avancez sur le franc CFA ?

Les banques centrales du franc CFA encouragent l’exportation et l’importation de marchandises, de biens de consommation ou produits agricoles, mais n’encourage pas la production locale qui ajoute de la valeur à ces marchandises.

Quand la situation est comme cela, il n’y a pas d’entreprise, pas d’emploi et les jeunes se retrouvent en difficulté. Le point le plus choquant, c’est que depuis toujours ces pays africains qui ont de productivité faible, de niveau d’éducation faible, une main-d’œuvre très mal qualifiée, une population large et analphabète, on a connecté et arrimé ces pays à une Europe très productive, moderne avec une main-d’œuvre qualifiée, de bonnes écoles, de bons centres de recherche et des entreprise performante.

Avec toutes ces différences, comment voulez-vous la parité fixe entre les gens performants avec le rendement élevé et des gens peu performants et très mal gouvernés ? Comment voulez-vous que cette parité puisse conduire à l’entreprenariat en Afrique ? Partout, la science économique l’explique, les experts vous le diront, les techniciens vous le diront et même en Europe, aujourd’hui, cela se constate. Quand vous mettez dans le même panier des pays comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal qui ont un rendement de capital faible, des productivités faibles, vous les mettez en arrimage fixe à travers l’Euro avec l’euro-deutschemark, en réalité avec une Allemagne forte, vous brisez complément la dynamique de ces économies du Sud de l’Europe. Les entreprises vont s’installer en Allemagne et puis les chômeurs et le déficit se retrouvent dans les autres. Nous vivons cette situation en Afrique depuis l’instauration du franc CFA.

Avec tout cela, nous pouvons dire que le franc CFA est une monnaie de domination ?

Oui le franc CFA est une monnaie de domination parce qu’il a été conçu pour cela. Les entreprises choisissent de s’installer en Europe et viennent chercher des matières premières chez nous en Afrique et puis vont ajouter de la valeur là-bas. C’est une logique coloniale que d’aller chercher les matières premières chez nous pour améliorer les conditions de vie de leurs peuples. La structure de la zone du franc CFA encourage ce système.

Les entreprises en Europe, les matières premières en Afrique et les commerces sont financés et l’investissement n’est pas financé. Qu’est-ce que vous voulez que les jeunes fassent dans cette condition ? Ils vont là où il y a ces entreprises, donc ils courent, l’Afrique est trop peu éloignée, et traverser l’océan Atlantique n’est pas aisé, l’Asie est trop peu éloignée, mais traverser la forêt, la savane, le sahel et la Méditerranée pour aller là où les entreprises sont, c’est ce que ces jeunes font et c’est ce qui est déplorable avec le franc CFA.

La sortie du franc CFA peut-elle alors être la solution à nos problèmes ?

Si on brise le franc et CFA qu’on a notre monnaie, qu’elle soit commune ou individuelle, qu’elle soit faible ou pas, peu importe, au moins on la gère nous-mêmes comme les autres le font (Dollar, Yen, etc.). Comme vous voyez, à chaque instant la valeur du dollar change et ces changements permettent à des entreprises de faire des choix stratégiques d’investir et puis de créer des emplois. Nous, nous voulons que d’autres viennent trouver des solutions pour nous et les solutions qu’ils nous donnent optimisent non pas nos problèmes, mais leurs problèmes. Nous sommes des contraintes autour de leurs problèmes qu’ils utilisent dans la question, mais l’objectif recherché, c’est de maximiser le niveau de vie de leurs populations.

Réalisé par Mahamadou TRAORE

Source: Aujourd’hui-Mali