DISCOURS DU COLONEL ASSIMI GOITA, PRÉSIDENT DU COMITÉ NATIONAL POUR LE SALUT DU PEUPLE (CNSP)
À L’OCCASION DE LA REUNION ENTRE DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE LA CEDEAO ET LE CNSP SUR LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE AU MALI

ACCRA, LE 15 SEPTEMBRE 2020

Excellence Monsieur Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la République du Ghana, Président de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO ;
Excellences Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement des États membres de la CEDEAO;

Excellence Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO ;
Honorables invités;
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, d’abord, d’adresser mes sincères remerciements à Son Excellence Monsieur Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la République du Ghana, Président de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernements de la CEDEAO, pour l’aimable invitation qui nous a été adressée, pour prendre part à cette importante réunion consacrée à l’examen de la situation sociopolitique dans mon Pays.

Je saisis l’occasion, Monsieur le Président, pour vous adresser nos chaleureuses félicitations pour votre élection à la tête de notre organisation et nos vœux de succès pour l’accomplissement de votre noble et exaltante mission.
Je voudrais également, saluer très respectueusement, l’ensemble des Chefs d’État et de Gouvernement ici présents ou représentés, pour l’intérêt qu’ils manifestent à
l’évolution de la situation au Mali.

Notre appréciation va également au Représentant Spécial du Secrétaire General des Nations-unies au Mali et à celui de l’Union Africaine pour leur précieux accompagnement.
Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;

Le Mali demeure sensible à l’intérêt particulier que la CEDEAO manifeste à son endroit, en cette période cruciale de son histoire contemporaine comme en témoignent les nombreuses missions de médiations qu’elle a effectuées après le 05 juin 2020.

Ces différentes missions ont permis la mise en place d’un cadre de discussions entre les nouvelles autorités du Mali et la CEDEAO, d’une part, et de tenir des journées de concertation nationale entre toutes les forces vives du Mali, d’autre part.
Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
Depuis plusieurs mois, la situation sociopolitique était marquée par un blocage total avec des manifestations occasionnant l’affaiblissement des institutions et même des pertes en vies humaines.

Une tension sociale et politique grandissante avec de forts risques de dégénérer nécessitait une intervention de l’Armée sur la scène politique nationale.

Une intervention d’ailleurs favorablement accueillie et saluée par une écrasante majorité de la population malienne.

Ce qui a été fait n’est pas un coup d’état.
Ce qui a été fait est un acte salvateur qui à éviter la guerre civile au Mali.
L’armée républicaine du Mali ne pouvait rester insensible au cri de détresse des enfants innocents qui ne partent pas à l’école depuis plusieurs mois, à des populations dont le pouvoir d’achat diminue de façon drastique, de milliers de déplacés internes et externes qui abandonnent champs et villages pour se réfugier dans les centres urbains et échapper aux affrontements intercommunautaires et au terrorisme.

Nous avons encore en mémoire les massacres perpétrés contre de paisibles populations dans plusieurs localités notamment les villages de OGOSSAGOU, SOBANE-DA pour ne citer que cela.

A la profonde crise sécuritaire et de gouvernance que traverse le Mali depuis 2012, aggravée par une série de crises sociales, s’est ajoutée, à la suite des élections législatives de mars et avril 2020, une crise postélectorale et institutionnelle sans précédent.

Cette dernière a exacerbé le déficit de confiance entre les gouvernants et les citoyens.
Les multiples tentatives de médiation nationales appuyées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que d’autres partenaires bilatéraux et multilatéraux n’ont pas permis de trouver des réponses adéquates.

Ce qui a conduit , le 18 août 2020,à la démission du Président de la République, précédée de la dissolution de l’Assemblée nationale et de la démission du Gouvernement.
Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
Notre réunion d’aujourd’hui se tient au lendemain de la tenue des journées de concertation nationale ayant rassemblé toutes les composantes de la nation malienne , du 10 au 12 septembre 2020 à Bamako. Cet évènement reflète la volonté du CNSP de convenir de la gestion de la transition de manière inclusive et consensuelle avec toutes les maliennes et les maliens. Elle traduit également l’engagement des nouvelles autorités à inscrire leur action dans un esprit de dialogue et de responsabilité avec la CEDEAO.

L’objectif de ces concertations inter maliennes était de convenir des modalités pratiques devant aboutir à une refondation de l’État malien et de son système de Gouvernance.

Elles ont connu une large participation de toutes les forces vives de la Nation malienne tant au niveau de Bamako que de toutes les régions.

C’est ainsi qu’une Charte et une Feuille de route pour la transition ont été élaborées qui reflètent largement la volonté du peuple malien.

La Charte issue de cette concertation nationale a pour objet :
le rétablissement et le renforcement de la défense et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;
la promotion de la bonne gouvernance ;
la refondation du système éducatif ;
les réformes politiques et institutionnelles ;
l’adoption d’un pacte de stabilité sociale ;
l’organisation des élections générales.

Quant aux organes de transition, ils sont constitués de :
un Président de Transition (personnalité civile ou militaire), qui sera choisi par un collège de désignation ;
un Vice – président désigné dans les mêmes conditions ;
un Gouvernement de 25 ministres au plus, dirigé par un Premier ministre nommé par le Président de Transition ;
un Conseil national de Transition, composé de 121 membres répartis entre les Forces de Défense et de Sécurité, les représentants du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques du Mali (M5-RFP), les partis et regroupements politiques, les Organisations de la Société civile, les centrales syndicales, les Maliens de l’Extérieur, les Mouvements signataires de l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, les Mouvements de l’inclusivité, les groupements de femmes et de jeunes, les personnes vivantes avec un handicap, les confessions religieuses, les autorités traditionnelles, les chambres consulaires, les faitières de la presse et de la culture. Le Conseil national de transition est l’organe législatif de la transition.

En raison de la profondeur de la crise, les Maliens ont décidé de porter à 18 mois, la durée de la transition.
Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
Depuis les événements du 18 août 2020 et en dépit des actions pour la stabilisation de la situation sociopolitique en cours, le Sommet ordinaire de la CEDEAO, tenu le 07 septembre 2020, à Niamey au Niger a maintenu les sanctions prises contre le Mali, lors du Sommet extraordinaire du 28 août 2020.

Les sanctions décrétées par la CEDEAO contre le Mali interviennent, faut-il le rappeler, dans un contexte particulier marqué par les difficultés économiques causées par la pandémie de la covid-19 et par des défis sécuritaires sans précédent au Mali et dans notre sous-région.

Il convient d’attirer l’attention sur la nature de ces sanctions qui affectent durement les populations déjà fragilisées par la crise multidimensionnelle.

Le maintien de ces sanctions risque d’annihiler les efforts importants fournis par la communauté internationale et de remettre en cause les fragiles acquis des actions de la lutte contre le terrorisme, engagées par les FAMA avec le soutien de la MINUSMA, de BARKHANE, du G5-Sahel et des autres partenaires bilatéraux.

L’arrêt des transactions financières et des flux économiques et commerciaux a de graves conséquences sur l’économie malienne.

Oui, ces sanctions pourraient contribuer à renforcer l’économie souterraine dans notre sous-région, en intensifiant les transferts financiers hors système bancaire, donc échappant à tout contrôle.

Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
J’aimerais souligner avec force que si l’embargo était maintenu, cela serait dramatique pour un pays enclavé comme le Mali.

En effet, 90% des produits manufacturés consommés au Mali sont importés.
L’embargo a exclu certains produits : denrées de première nécessité, produits pétroliers et énergétiques, produits pharmaceutiques. Cependant, il faudrait réapprécier la nature des mesures édictées surtout au niveau du système bancaire afin de faciliter les transactions financières, faute de quoi les opérateurs économiques ne pourront plus continuer à assurer l’approvisionnement du pays en denrées de première nécessité et en produits pétroliers.
Or, le niveau des stocks de ces produits a considérablement baissé. La prolongation de cette situation impactera inéluctablement la vie des populations.
Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
Je lance un appel pressant pour la levée immédiate de toutes les sanctions contre le peuple malien qui s’est résolument engagé depuis les journées de concertation nationale, du 10 au 12 septembre 2020, dans un processus de transition inclusif, transparent et pacifique.

Monsieur le Président, Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
Je ne saurais terminer mon propos sans renouveler mes sincères remerciements et ma profonde gratitude à la CEDEAO qui ne cesse de consentir des efforts inlassables afin de promouvoir la paix et la sécurité dans l’espace communautaire pour un développement économique et social harmonieux auquel aspirent nos populations.
Il est important de souligner ici que les populations maliennes attendent de la CEDEAO un accompagnement de notre processus de transition dans le même esprit comme elle l’a fait en Guinée en 2008, au Niger 2010, et au Burkina Faso en 2014.
Vive le Mali,
Vive l’intégration régionale.

Je vous remercie de votre aimable attention !