Adam,   tu auras vécu ta vie, comme tu l’entendais, dans le respect des autres, mais, sans compromis aucun. En homme libre, tu as vécu, ne célébrant que ce qui émancipait l’homme, l’autre, ton prochain de toute forme de servitude !

Tu étais à la quête permanente de lieux de liberté,  havre de quiétude et ces lieux étaient très souvent des lieux dédiés à la musique et à la littérature.

Comme  dans un désir de suspendre le temps, je te revois dans mon bureau d’éditeur  où aussitôt arrivé, tu te prosternais devant nos deux maîtres en partage :  les poètes Aimé  Césaire et Rabindranath Tagore.

Adam, tu étais à  chaque fois, terrassé par la beauté de leur verbe et bouleversé par la part du divin qui émanait de leurs vers. Cette part du divin, traduction de l’excellence, que tu as incarnée toute ta vie durant !

Au moment de ce dernier Janjo, j’ai juste envie de te chanter ces deux poèmes que tu scandais, avec le sourire médusé d’un adolescent qui s’éveille à la vie et à toutes ses promesses à venir.

Hommage à mon père

«Là où l’esprit est sans crainte et où la tête est haut portée

Là où la connaissance est libre

Là où le monde n’a pas été morcelé entre d’étroites parois mitoyennes

Là où les mots émanent des profondeurs de la sincérité

Là où l’effort infatigué tend les bras vers la perfection

Là où le clair courant de la raison ne s’est pas mortellement égaré dans l’aride et morne désert de la coutume

Là où l’esprit guidé par toi s’avance dans l’élargissement continu de la pensée et de l’action

Dans ce paradis de liberté, mon Père, permets que ma patrie s’éveille.»

L’Offrande lyrique,  Rabindranath Tagore, Gallimard 1963

 

Dorsale Bossale

« il y a des volcans qui se meurent

il y a des volcans qui demeurent

il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent

il y a des volcans fous

il y a des volcans ivres à la dérive

il y a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent

il y a des volcans dont la gueule émerge de temps en

temps, véritables chiens de la mer

il y a des volcans qui se voilent la face, toujours dans les nuages

il y a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatigués

dont on peut palper la poche galactique

il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments

à la gloire des peuples disparus

il y a des volcans vigilants

des volcans qui aboient

montant la garde au seuil du 
Kraal des peuples endormis

il y a des volcans fantasques qui apparaissent et disparaissent

(ce sont jeux lémuriens)

il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindres

les volcans qu’aucune dorsale n’a jamais repérés

et dont de nuit les rancunes se construisent

il y a des volcans dont l’embouchure est à la mesure

exacte de l’antique déchirure. »

Aimé Césaire, Moi, laminaire, Editions du Seuil, 1982

 

Seidi Thiam ! Dors donc en paix !

Madame Dramé Kadiatou Konaré