Artiste peintre, sculpteur, designer, opérateur culturel…, Amara Sylla dit Amsyl est décédé le dimanche 6 décembre 2020 à Bamako. Et ses obsèques ont eu lieu le lendemain (lundi 7 décembre 2020) dans sa famille à Quinzambougou. Pour ceux qui ont connu l’homme par ses œuvres ou l’ont côtoyé dans la vie quotidienne, c’est un Géant (dans tous les sens du terme) qui vient ainsi de s’écrouler. En lui, la culture malienne perd incontestablement l’un de ses ambassadeurs les plus talentueux et les plus engagés

Sans être un iconoclaste, Amara Sylla alias «Amsyl» a marqué la culture de son empreinte originale en tant qu’artiste polyvalent (peintre, designer, sculpteur, entrepreneur culturel…). Une polyvalence qui se nourrissait d’une «folie créatrice» très féconde.

Né le 7 mars 1951 à Bamako, l’artiste arraché à notre affection le 6 décembre 2020 est un ancien photograveur/imprimeur devenu peintre/sculpteur. Pour l’artiste, peindre et sculpter, «c’est exprimer tout le dedans qui fait mal. C’est féconder l’inépuisable fait d’influence, de coïncidence, de collusions et même de plagiat». Et de poursuivre, «l’imprimerie m’a appris la peinture qui, à son tour, m’a enseigné la sculpture. Mon école est donc ce clin d’œil de la vie», disait-il avec la sagesse et l’humilité de l’autodidacte.

Grâce à sa passion et son immense talent, Amara avait fait de la multiplication des supports de l’impression un atout pour mieux exprimer aussi son immense talent d’artiste peintre-designer-sculpteur. Si les pierres du Djoliba (fleuve Niger) ont fait sa réputation de sculpteur, ses fauteuils réalisés avec des cornes de mufles lui ont aussi conféré une notoriété internationale en dehors de ses tableaux qui faisaient le bonheur des galeries et des amateurs d’art plastique à travers le monde. L’homme avait ce talent unique de fidèlement traduire dans ses œuvres les émotions, les frustrations, les colères, les amertumes, les révoltes…, mais aussi l’espoir. Et sans jamais se prendre au sérieux. «Les autres me traitent d’artiste…sinon moi je suis là pour des moments forts, des moments de vibrations que je sens et que j’émets. Pour moi, c’est différent», se défendait-il.

Une vie d’engagement citoyen
Le surnom «Amsyl» était sans doute pour le néophyte le diminutif de son nom et prénom. Mais pour cet artiste jovial et courtois, cette signature était loin d’être un choix du hasard. Il la définissait en effet comme «le regard de mon âme» (AM comme âme et SYL comme regard). En tout cas, Amara Sylla, a été l’un des ambassadeurs les plus engagés de la culture malienne à travers le monde. Malgré le talent et l’engagement des plasticiens maliens presque célébrés dans le monde, l’art plastique a du mal à s’imposer dans le quotidien du Malien. «Ici, il y a un complexe qui est là et tant qu’on ne le bannit pas, je ne vois point l’envol de l’art plastique au Mali.

C’est la timidité culturelle, car nous avons de la peine à apprécier et adopter ce que nous produisons», a dénoncé le «Sorcier» (autre surnom de l’artiste) à maintes reprises. Et c’est cette timidité voire ce complexe socioculturel qui hypothèque l’émergence de notre pays dans tous les domaines. à la différence du Burkina Faso, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal…

Le Mali est pourtant un pays plus riche et plus diversifié pour se développer à partir de ses propres richesses et de la créativité de ses talents. À l’occasion du Cinquantenaire de notre accession à l’indépendance, Amsyl avait montré la voie à suivre pour «corriger l’homme malien» à travers une exposition. Et pour l’illustre disparu, au-delà de cette correction «le reste ne sont que des paramètres artistiques».

Et surtout que, pour lui, «l’avenir de l’art malien ne dépend que de l’audace. Ce n’est donc pas une agressivité de bannir le complexe et d’aller vers une réalité car c’est en cela que dépend la culture malienne dans sa généralité». Sa vie durant, le souci permanent d’Amara Sylla a aussi été de «former les jeunes, de les faire bouger pour dégager les mauvaises ondes».

Humble, Amara n’avait pas besoin de chanter sur tous les toits qu’il était un artiste engagé car cet engagement était déjà reflété par l’esthétique de sa créativité. Et sa jovialité cachait un conflit interne : ce sentiment de ne pas être à la hauteur de l’engagement souhaité et celui de trop en faire au point de porter préjudice à ceux qu’il aime ! Passionné, Amsyl pouvait vous retenir pendant des heures (sans vous ennuyer) pour parler de l’essence et de la finalité de sa création, de l’art et de la culture…

À dieu l’artiste !