60 ANS APRES, LES FAMA SUR LES REMPARTS
Alors que spirale macabre se poursuit au Centre et au Nord, les Forces armées maliennes, au prix de leur sang, jour et nuit, sont sur le front pour sortir le grand Mali de l’étau jihadiste. D’où vient notre outil de défense qui fait notre fierté nationale ? Quelles sont les épreuves qu’il a eu à traverser ? Quelles en sont les figures marquantes. Retour sur les origines de l’Armée malienne.

 

UNE DATE, UNE HISTOIRE : 20 JANVIER 1961
Dans son discours du Nouvel an, le Président Modibo KEITA, convaincu de la justesse du combat à mener, exhorte la Jeune République à l’effort et à la conscience nationale : « c’est à présent que nous devons réussir ou échouer… et je dis avec force et conviction que nous réussirons, inch’Allah ».
Le Président Modibo KEITA rappela par « décision politique » le Colonel Pianana DRABO pour jeter, sous le commandement du général SOUMARE, les bases de la nouvelle armée du Mali. Ce jour-là, le tout nouveau Commandant s’attela avec d’autres officiers, dont son frère Kélétigui DRABO, à structurer l’armée du Mali avant que le président ne demande l’évacuation des troupes coloniales, vingt jours plus tard.
Le 20 janvier 1961 : quatre mois après la proclamation solennelle de l’indépendance de la République du Mali le 22 septembre 1960, les députés, réunis en séance plénière de l’Assemblée nationale, adoptent la loi n° 61-26 qui crée le drapeau national du Mali. Celui-ci sera composé de trois bandes verticales et égales de couleur verte, or et rouge.
À l’origine, le drapeau du Mali tel qu’il est décrit à l’alinéa 5 de l’article 1er de la Constitution de la République du Mali, du 22 septembre 1960, est composé de trois bandes verticales et égales de couleurs vert, or et rouge ; il porte en noir sur la bande or, l’idéogramme de l’Homme les bras levés vers le ciel.
Cette première version du drapeau national, portée par l’émotion de la proclamation de l’indépendance nationale, fut immédiatement adoptée par la population.
20 Janvier 1961 : Le Président Modibo KEITA se fait réinvestir dans sa charge par l’Assemblée nationale unanime. Ce même 20 Janvier, il exige le départ du pays des troupes françaises, ce qu’il entend comme une manifestation de solidarité avec le FLN algérien. La base de Kati est évacuée en juin. En septembre, les dernières troupes françaises quittent le Mali.
20 janvier 1961 : Malgré les incompréhensions de première heure (l’éclatement de la Fédération du Mali, le problème de l’admission du Mali à l’ONU, l’évacuation des bases militaires françaises à la demande du gouvernement de Modibo KEITA) la volonté de normaliser les rapports entre les deux pays était réelle, de part et d’autre. De Gaulle dépêcha auprès de Modibo KEITA André MALRAUX, lequel a défini ainsi les bases de la coopération entre le Mali et la France, le 20 janvier 1961, dans une déclaration au moment de l’évacuation des bases militaires françaises.
FAMa : 60 ans de parcours
Plus connue que le 1er octobre 1960, jour de naissance de l’armée malienne, le 20 Janvier 1961, est et restera inscrit en lettre d’or dans les annales de l’histoire comme l’un des tournants majeurs dans l’affirmation et la concrétisation de notre souveraineté nationale, ainsi que de notre fierté et de notre dignité de Maliens. En effet, c’est le 20 janvier 1961 que le Président Modibo KEITA, après son investiture devant l’Assemblée nationale, devant le corps diplomatique accrédité dans notre pays, a solennellement demandé l’évacuation des troupes coloniales françaises du territoire malien…
De cette date emblématique à ce jour 20 janvier 1961, 55 années auront vu la vaillante armée malienne au front, sur les champs de l’honneur et de la gloire ; des épreuves ont jalonné son parcours, des tourments, des frictions et des problèmes de discipline n’ont pas manqué. Mais la grande muette du sein de laquelle sont issus deux des cinq présidents élus que le Mali a connus « debout sur les remparts » est devenue progressivement une institution loyale au service de la République et de la Nation. Elle est aujourd’hui vouée exclusivement au développement socio-économique, à la sauvegarde de la paix et de la sécurité « au dedans ou au dehors » de nos frontières.
Des maquis tanzaniens au Congo, des oueds algériens à la forêt centrafricaine en passant par le Rwanda, Libéria et la Sierra Leone…, de Ouhigouya à Abeïbara, Tinzawaten, AGUELHOCK…, ils ont été, ils y sont et seront toujours prêts à se battre et à mourir pour le drapeau malien.
En dépit de la trahison dont elle a été objet à partir de janvier 2012, et de la profonde cure qu’elle subit depuis trois ans, les historiens ont chanté, chantent et chanteront « Janjo » pour ces hommes (et femmes) qui ont honoré l’uniforme malien, qui ont protégé et défendu l’intégrité territoriale du Mali. Pas seulement. Ils ont, aussi, avant d’être aidé aujourd’hui fortement par leurs frères d’armes de la France et de la Communauté internationale, aidé à libérer avant-hier des peuples frères sous le joug du colonialisme et de l’apartheid, aidé à imposer et maintenir la paix et la sécurité, protéger et défendre les populations civiles à travers le monde.
L’armée malienne, c’est aussi cela, cette dimension et cette vocation panafricaine (voir universaliste) conformément à l’engagement des pères fondateurs. Retour sur la belle page de l’histoire de notre armée, fierté nationale.
De l’armée coloniale à l’armée fédérale
En cette année 1863… la conquête du Soudan est en chantier. Un officier français, le Général Louis Faidherbe, « FEDRABA » comme le disent les soudanais, en sera le principal artisan. Elle se fera suivant son plan opérationnel et son timing, par la diplomatie, mais bien souvent par la force : Sabouciré en 1878, Kita en 1881, Bamako en 1883, Ségou en 1890, Nioro en 1891, Tombouctou en 1894, Sikasso en 1898, Gao en 1899…
Mais là, au Kénédougou, dernier rempart et bastion de la résistance, en dépit des canons et mortiers de l’envahisseur qui percent le Tata de toutes parts, ce 1er mai, le Roi mais Chef de guerre, Babemba Traoré refuse de capituler et se donne la mort : « plutôt la mort que la honte ». (Saya ka fussa malo yé) !
La boucle est bouclée, le pays des Fama et des Mansa est soumis. Mais non sans combattre héroïquement, de Saboucié à Sikasso.
Embryon d’Armée coloniale
Le territoire malien, désormais unifié et dénommé Haut-Sénégal-Niger (puis Soudan français en 1920) devient, en 1895, une colonie française intégrée à l’Afrique-Occidentale française avec une portion de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Niger. Kayes devient son chef-lieu pour laisser la place, en 1907, à Bamako.
Incorporés de force dans l’armée coloniale, forte de 275.000 hommes dont 122.300 ouest-africains et dédaigneusement appelés tirailleurs sénégalais, les Soudanais ont mouillé le maillot pour libérer par deux fois la France en faisant preuve de bravoure et d’héroïsme dans les tranchées de Verdun, en Indochine, et Europe même. Mais il aura fallu cinquante ans après la Seconde Guerre mondiale pour que la France reconnaissante accepte d’aligner les pensions des « anciens combattants » nègres sur ceux de leurs compagnons d’armes blancs. Mais ça aussi, c’est une autre histoire.
Disons simplement qu’avant d’octroyer l’indépendance à la Fédération du Mali, la France colonisatrice n’avait laissé qu’un embryon d’armée constitué autour du seul bataillon autonome du Soudan occidental (BASO) composé de Soudanais et Sénégalais basés à Kayes.

Éclatement de la Fédération
Les origines de l’armée maliennes sont donc à situer en 1959 dans la courte saga de la Fédération du Mali et de son éclatement. Éclatement dû essentiellement à de profondes divergences politiques et stratégiques entre soudanais et sénégalais, notamment leurs dirigeants, les présidents Modibo KEITA et Léopold Sédar SENGHOR.
Tandis que SENGHOR du Sénégal prônait et préconisait des relations privilégiées et des accords de défense avec la Métropole, le Soudanais, Modibo Keïta, était un irréductible partisan d’une souveraineté totale, notamment en matière de défense.
Très tôt, des divergences apparurent donc entre les deux entités fédérales, notamment lorsqu’il s’était agi de pourvoir au commandement de l’armée de la Fédération du Mali, notamment à la fin juillet 1960, à l’occasion de la nomination du chef d’état-major.
En effet, le 30 juillet 1960, le conseil de ministre du gouvernement fédéral décide de la nomination du Colonel Abdoulaye SOUMARE (un sénégalais qui a des attaches soudanaises) au poste de chef d’état-major. Mamadou DIA, alors ministre de la Défense, qui avait lui, proposé le Colonel FALL, qui protestait ainsi contre ce qu’il considérait comme un empiétement sur ses prérogatives, refusera de contresigner le décret de nomination comme l’exige la Constitution fédérale du 18 juin 1960.
Ce premier accroc dans le fonctionnement des institutions de la jeune Fédération sera lourd de conséquences sur la suite des événements…
Et la suite est connue : la fédération du Mali ne survivra pas au complot de l’impérialisme et du néo-colonialisme ; elle éclatera dans la nuit du 18 au 19 août 1960.
Armée soudanaise
En visionnaire et fin stratège, sans avoir fait une école de guerre, le Président Modibo KEITA anticipera sur les événements en prenant la décision de rapatrier, dès le 15 février 1959, le capitaine Pinana DRABO qui servait à Antananarivo à Madagascar, pour lui confier la mission de bâtir une armée nationale.
Le Capitaine Pinana, architecte et maître d’œuvre de l’armée malienne en gestation, rappellera donc tous les officiers soudanais déployés, à travers le monde au service de l’armée de la Communauté française : les capitaines Sékou TRAORE et Kélétigui DRABO, les lieutenants Bougari SANGARE et Demba DIALLO. L’appel sera étendu à tous les sous-officiers et hommes du rang déployés à travers les unités de la Communauté, au Sénégal, en Guinée, au Niger, en Haute-Volta (actuel Burkina Faso), au Dahomey (actuel Bénin), au Togo, etc.
Ces pères fondateurs et pionniers pour servir la patrie furent regroupés au camp de N’Tomikorobougou appelé à l’époque « Camp Guifflot » pour donner naissance à un embryon d’armée nationale commandée par le capitaine Pinana Drabo qui était alors l’officier malien le plus ancien dans le grade le plus élevé.
Chassés du Sénégal après avoir été arrêtés et séquestrés le 21 août 1960, le Président Modibo KEITA et les responsables soudanais arrivent, à Bamako au petit matin, accueillis en héros, par un peuple uni et debout comme un seul homme.
Bien que viscéralement acquis à l’idée de la Fédération, le Soudan doit s’assumer. L’Assemblée soudanaise, par la loi N° 60-33, promulguée par le décret N° 59 du 6 septembre 1960, donne les pleins pouvoirs au gouvernement de la République soudanaise et fixe les conditions de création de notre armée.
Gestation de l’Armée malienne
L’histoire de l’armée malienne fait corps avec celle de la République. Une République née un certain 22 septembre 1960. Ce jour-là dans la fierté et la dignité retrouvée ainsi que dans l’exaltation nationale du Collège Technique de Bamako (actuel Lycée technique), la Vox populi par ses légitimes représentants notamment l’Union des Travailleurs du Soudan (Mamadou Fanta Mady SISSOKO), le Mouvement Soudanais pour la Paix (Sani Moussa DIALLO), la présidente des femmes du Soudan (Mme Awa KEITA)… demande le rappel sans délai sous le nouveau drapeau de la jeune République de tous les fils du pays engagés sur les fronts à travers le monde et que celle-ci soit dotée ipso facto d’une armée nationale, composée de Maliens et commandée par des Maliens.
L’appel et la recommandation ne tomberont pas de l’oreille de sourds.
Déjà le 31 août 1960, un décret N° 12-TER-POM portant nomination du commandant du bataillon malien et des membres de l’État-major en République soudanaise du Président Modibo KEITA, par ailleurs ministre de la Défense, crée, et organise, en République soudanaise, un bataillon commandé par le Capitaine Pinana DRABO et un État-major commandé par le Capitaine Sékou TRAORE qui avaient à leurs côtés comme officiers d’Etat-major : le capitaine Tiemoko KONATE, les lieutenants Demba DIALLO et Malick DIALLO et le sous-lieutenant Boukary SANGARE.
Le 29 Septembre 1960 (jour de l’adhésion du Mali à l’ONU), un accord est conclu avec Paris en vue du regroupement sur la base de Kati, près de Bamako, de diverses troupes françaises stationnées à Gao, Tombouctou, Kayes, Ségou et Nioro ainsi qu’en d’autres lieux du pays.
Naissance de l’armée malienne
Le 1er octobre 1960 (soit 8 jours, seulement après la proclamation et de l’indépendance et 2 jours après l’adhésion du Mali à l’ONU comme 98e membre), le Président Modibo KEITA, à travers une allocution radiodiffusée, annoncera la naissance de l’Armée malienne.
Ce même 1er Octobre 1960, le Chef d’État-major de l’armée malienne, le Capitaine Sékou TRAORE, après l’allocution du Commandant en Chef, ministre de la Défense, Modibo KEITA, rassemble ses hommes et leur tient le premier discours d’un Chef militaire malien :
« Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l’Armée du Mali.
La journée du 1er octobre 1960 fera date dans notre histoire, car elle a vu la naissance de notre Armée nationale.
C’est avec une joie et une fierté bien légitimes que je vous adresse le salut fraternel de celui que le gouvernement a bien voulu désigner pour vous commander. Je mesure dans toute son ampleur le redoutable honneur qui m’échoit.
Le peuple de la République du Mali et le gouvernement qui en est authentiquement l’émanation vous font confiance et sont convaincus que par votre tenue, votre discipline, votre dévouement exemplaire et votre sens élevé du devoir vous serez les dignes héritiers de nos pères, de nos anciens qui nous ont légué tant de traditions d’honneur, de loyauté, de fidélité et d’héroïsme.
Maintenant que vous avez une armée nationale, un drapeau et une patrie retrouvée à défendre contre les ennemis de l’intérieur et ceux de l’extérieur, vous saurez, j’en suis persuadé, utiliser pleinement votre bravoure légendaire.
La noble et exaltante mission qui vous incombe exige le don total de soi-même allant jusqu’au sacrifice suprême.
L’esprit d’abnégation qui vous caractérise tous et dont vous avez toujours fait preuve en d’autres circonstances et en d’autres lieux, vous le manifesterez, ici, sans défaillance pour que la République du Mali vive libre et prospère.
Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l’Armée du Mali, aujourd’hui plus qu’hier, ici, plus qu’ailleurs, le peuple et le gouvernement comptent sur vous.
Je suis convaincu que vous ne les décevrez pas quoiqu’il arrive.
Je salue vos drapeaux et étendards. »

“Mali sordassiw
An yan yerè ta bi,
An ka wili,
An ka na malo…”
Quelques jours plus tard, le 12 Octobre 1960, l’armée malienne fut présentée au Président Modibo KEITA à travers une cérémonie solennelle sur la Place Maginot, l’actuelle Place du Souvenir en face du Ministère de l’Éducation nationale et de la mairie.
Évacuation des bases militaires françaises
Trois mois plus tard, le 20 janvier 1961, après avoir été adoubé par l’Assemblée nationale et investi à l’unanimité comme Chef de l’État, le Président Modibo KEITA invite le corps diplomatique accrédité dans son pays et leur tient ce discours sans ambiguïté : « je vous remercie de vous être distraites de vos augustes occupations et de vos nombreuses préoccupations pour répondre à mon invitation.
L’importance de la communication exige que je vous la fasse moi-même.
À l’heure qu’il est, l’Ambassade de France en République du Mali est informée par mes soins de la décision de mon parti et de mon gouvernement de voir la France évacuer les bases militaires de Bamako, de Kati, de Gao et de Tessalit, qu’elle occupait du fait des accords franco-maliens signés à Paris le 22 juin 1960, entre elle et la Fédération du Mali et qui deviennent caducs après les événements du 19 au 20 août 1960 et l’acte de reconnaissance par la France du gouvernement du Sénégal, acte qui consacre la dislocation de la Fédération du Mali.
La République du Mali a affirmé sa volonté de coopérer avec la France sur la base de la non-ingérence dans nos affaires intérieures et du respect de notre souveraineté. La décision de mon parti et de mon gouvernement ne met nullement en cause cette volonté. Elle est l’expression de notre conviction qu’à moins d’abandon volontaire de souveraineté de la part d’un État jeune ou d’accords particuliers dans le domaine de la défense, les troupes de l’ex-puissance coloniale ne peuvent stationner sur le territoire de l’ex-colonie aux côtés des troupes du jeune État. D’autre part, le peuple du Mali, l’Union Soudanaise-R.D.A., et le gouvernement de mon pays ont toujours affirmé leur option en faveur de la politique de non-alignement sur l’un ou l’autre des deux blocs. Cette attitude est en contradiction avec la présence, sur son territoire, des troupes d’une puissance étrangère et à laquelle ne le lie aucun accord et qui d’autre part est engagée dans le pacte militaire d’un bloc.
Je prie vos Excellences d’informer vos gouvernements respectifs et d’attirer leur attention sur notre ferme décision de l’évacuation rapide des troupes stationnées en République du Mali.
Je vous remercie. »
Les troupes françaises sont donc priées de plier bagage, telle est la volonté et la position clairement affirmées des nouvelles autorités souveraines de Bamako. Volonté de matérialiser l’indépendance ? Affirmation de la souveraineté ? Ou une manifestation de solidarité sans faille à l’égard du peuple frère algérien qui à travers le FLN était passé à la lutte armée contre l’armée coloniale ?
Les historiens diront que l’anticolonialiste, le progressiste et panafricaniste Modibo Keïta n’était pas homme à laisser sur son territoire une armée coloniale continuer de dominer et d’asservir un peuple frère qui lutte pour recouvre sa liberté et sa dignité. Mais ça, c’est une autre histoire.
Continuons et disons simplement comme le Président de l’AMEMOK (Association pour la Mémoire de Modibo Keïta), M. Sanounou KEITA que « Dans les conditions de l’époque, pour les combattants de l’indépendance, ce fût un acte courageux, téméraire, patriotique et surtout visionnaire de créer dès le 1er octobre 1960 notre armée et d’exiger dès le 20 janvier 1961 l’évacuation des bases militaires maliennes qui étaient occupées par les troupes coloniales. ».
Mais l’Histoire retiendra que c’est à partir du juin 1961 que l’armée coloniale a commencé son retrait de notre territoire. Ainsi, de juin à Septembre 1961, toutes les bases françaises ont été évacuées. La dernière, la Base 162 de Bamako, actuelle Place d’armes du Génie, sera évacuée le 5 Septembre 1961.
C’est donc, ce 5 septembre 1961, et non le 20 janvier 1961, que le dernier contingent des militaires français a quitté le sol malien. À cette occasion une cérémonie militaire solennelle a été organisée au cours de laquelle le drapeau malien a été hissé à la place du drapeau français. C’est pour cette raison du reste que l’avenue reliant le Monument de la paix et celui de l’Indépendance sera baptisée, « Avenue du 5 septembre 1961 ».
Les missions de la nouvelle armée
C’est le 3 août 1961, que l’Assemblée nationale souveraine du Mali, a adopté la loi N° 81/AN-RM portant organisation générale de la défense dont l’ambition est d’assurer en tout temps, en toute circonstance, contre toutes les formes d’agressions, la sûreté et l’intégrité du territoire, ainsi que la sauvegarde de la vie des populations. Elle pourvoyait en outre le respect des alliances, traités et accords internationaux.
L’armée malienne est donc légalement créée. Avec la naissance de l’armée malienne, notre pays ne confiera plus de responsabilité de sa défense à une puissance tierce (du moins jusqu’à la crise de 2012) et développera d’ailleurs une diplomatie militaire multiforme et diversifiée, fondée sur l’intégration et la recherche de la paix et la sécurité dans le monde.
Qu’à cela ne tienne, le concept de souveraineté militaire au double plan interne et externe ne nuira pas à la coopération technique avec des puissances étrangères, notamment en ce qui concerne la formation des cadres maliens. Nombre d’entre eux ont ainsi été formés dans les grandes académies militaires en France, dans l’ex-URSS, aux États-Unis, en République fédérale d’Allemagne, en Roumanie, en ex-Yougoslavie.
Les pères fondateurs de l’armée malienne
Après l’éclatement de la Fédération du Mali, le président Modibo Keïta fera appel au Général Abdoulaye SOUMARE, celui-là même par qui la crise au sein de l’exécutif fédéral a éclaté dans la nuit du 19 au 20 Août 1960, pour lui confier les destinées de la jeune armée nationale, pendant que le capitaine Pinana Drabo était envoyé à Ségou comme commandant en chef des armées.
Pour rappel, le Colonel Abdoulaye SOUMARE avait été arrêté en même temps que Modibo. Tandis que le président soudanais est expulsé manu militari vers Bamako, l’officier sénégalais de l’armée française est renvoyé en France. Mais les deux responsables gardent contact, fidélité et loyauté.
Après la proclamation de l’Indépendance, le Président Modibo KEITA proposera au colonel SOUMARE de rentrer à Bamako pour l’aider à mettre sur pied une armée nationale, dédiée à la cause du Mali et de l’Afrique. L’officier n’hésitera pas à rejoindre son ami et à se mettre à la disposition du Mali. On est décembre 1960.
À peine débarqué de Paris, le Colonel Abdoulaye SOUMARE est nommé le 28 décembre 1960 chef d’état-major de l’armée de la République du Mali forte déjà de 1.300 patriotes et élevé le lendemain au grade de Général de Brigade.
Le nouveau Chef d’État-major poursuivra la politique d’appel sous le drapeau et rapatriement des soldats maliens engagés sur les fronts extérieurs, une politique, on le sait, initiée par le Capitaine Pinana DRABO. C’est dans ce cadre que le Général SOUMARE fera revenir de Saint-Cyr, six jeunes aspirants, dont le Sous-Lieuteant Moussa TRAORE, pour compléter leurs études sur le terrain et participer à la formation des hommes et au commandement des unités.
Avec l’éclatement de la Fédération, les architectes de l’armée ont dû privilégier cette approche pour fonder et redimensionner une armée qui se limitait en fait, outre les groupes nomades (GN) de Tombouctou, à deux bataillons : le BASO (Bataillon autonome du Soudan occidental basé à Kayes et le BASA (Bataillon saharien basé à Nioro). Aussi, face au manque d’effectifs, les autorités militaires d’alors se sont contentées d’un redimensionnement autour de trois bataillons stratégiques : Ségou qui coiffait les secteurs de Tombouctou et Gao ; Kati qui commandait les zones militaires de Bamako et Kayes et Kidal avec une compagnie saharienne motorisée (CSM).
La construction d’une armée moderne, patriotique engagée et panafricaniste va se poursuivre progressivement sous la direction du Général SOUMARE jusqu’en 1967… avec les complications de la milice populaire et le coup d’État du Comité militaire de libération nationale.
Ce 19 novembre 1968, une page de l’histoire du Mali est tournée, l’armée ouvre une nouvelle page.

Les grandes épreuves de l’armée malienne
Du 22 septembre 1960 à ce 20 janvier 2016, que de triomphes et de gloires remportées sur les champs de bataille et sur les chantiers de développement, ici ou ailleurs. Mais que d’épreuves traversées, que mutations subies !
Janjo pour nos FAMA, pour nos hommes (et femmes) comme le dirait l’historien, poète d’un jour, pour magnifier les héros de notre défense nationale, de notre sécurité et de notre quiétude.
22 septembre 1960 : une exigence du peuple
L’histoire de la vaillante armée malienne commence dès le 22 septembre 1960.
Ce jour-là, au Collège technique de Bamako, à l’appel des femmes du Mali de rappeler tous les fils du pays qui combattaient en dehors des frontières, Daouda TRAORE, au nom des anciens combattants et victimes de guerre, dont il était le président, exigera le rappel sous les drapeaux de tous les officiers et sous-officiers pour défendre l’indépendance et la souveraineté acquises dans l’honneur et la dignité. À sa suite, le président du Mouvement Soudanais de la Paix, Sani Moussa DIALLO demandera le démantèlement de toutes les bases étrangères et retrait des forces étrangères de notre territoire.
C’est dans cette exaltation nationaliste et patriotique que le 20 janvier 1961 le Président Modibo KEITA, au nom de la souveraineté du Mali et de son non-alignement, demandera le départ des troupes françaises stationné sur notre territoire.
L’armée malienne, à la suite de cette résolution historique des autorités politiques, signera une des plus belles pages de l’histoire de notre pays le 5 septembre 1961 avec le remplacement du dernier drapeau français flottant sur notre territoire par celui de la jeune République du Mali.
19 NOVEMBRE 1968 : décapitation de la hiérarchie militaire
« Vive la vaillante armée malienne », c’était le cri de délivrance et de soulagement du Peuple malien le 19 novembre 1968 après avoir entendu ceci : « Maliens Maliennes, l’heure de la liberté a sonné : le régime dictatorial de Modibo Keïta et de ses valets a chuté. Le comité militaire de libération assume désormais tous les pouvoirs politiques et administratifs et promet des institutions démocratiques qui seront issues d’élections libres ».
Une page de l’histoire que chacun apprécie à sa façon en fonction de sa sensibilité et de sa chapelle politique. Mais quoi qu’il en soit, le coup d’État du 19 novembre 1968 a marqué un tournant dans le parcours de l’armée malienne… ne serait-ce que par le fait qu’il s’est soldé par le départ à la retraite d’un certain nombre d’officiers supérieurs (2 colonels, 4 lieutenant-colonels, 5 commandants) qui étaient du nombre des artisans et des architectes de la grande muette.
En décapitant la haute hiérarchie, si le souci de la junte militaire, composée essentiellement de jeunes officiers, qui s’est emparée du pouvoir était de rajeunir l’armée, le résultat aura été un certain flottement, voire un laisser-aller, avec comme conséquences, en son sein, une guerre feutrée de leadership et des règlements de comptes à n’en pas finir.
13 août 1969 : début des divergences au sein de la junte
La liesse populaire qui a accompagné la chute du régime du Modibo Keïta était-elle un signe d’adhésion des populations au programme de la Junte militaire articulé en trois promesses : réconciliation nationale, redressement économique et financier, retour à une vie constitutionnelle normale ? Le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), qui savourait sa victoire, à travers manifestations de soutien et campagnes d’explication, avait-il réussi à fédérer et à rallier à sa cause toutes les composantes de l’armée ?
Neuf mois après le 19 Novembre 1968, il faut bien croire que non avec un coup de force déjoué contre le Comité Militaire de Libération Nationale par le Groupe dit du Capitaine Diby Sillas DIARRA composé de 33 officiers et sous-officiers désignés pour ce faire les « 33 conjurés d’août ».
Selon différents récits, notamment de survivants de cet épisode de l’histoire tourmentée de notre pays, le Coup d’État avait été bien mûri et planifié et projeté pour le 13 août 1969.
Sur les raisons de la tentative de coup d’État déjoué dans la nuit du 12 au 13 août 1969 par les tombeurs de Modibo KEITA, plusieurs versions circulent, édulcorées, plus ou moins teintées d’intentions vertueuses et patriotiques.
Première hypothèse : les « 33 conjurés » auraient pris la décision de renverser le CMLN pour restaurer la légalité constitutionnelle par le rétablissement de Modibo dans ses fonctions de Président légitime du Mali afin qu’il poursuive l’œuvre progressiste et salutaire qu’il menait, depuis 8 ans à la tête du pays.
Seconde hypothèse : l’objectif principal des « 33 conjurés » n’était-il pas simplement, en perpétrant son coup d’État, d’allumer un contre-feu pour assurer leurs arrières et couvrir leur forfait ? En effet, lors de l’instruction de leur affaire, certains éléments du putsch avoueront avoir agi par crainte de la divulgation de leur terrible secret : l’exécution sur ordre en 1964 de Fily Dabo SISSOKO, Hamadoun DICKO et Kassoum TOURE.
9 mars 1971 : règlement de comptes internes au CMLN
Au niveau de l’armée, il n’y avait pas non plus d’unanimité autour des actions du CMLN. En effet, malgré les sympathies apparentes, les quatorze officiers qui ont pris le pouvoir le 19 novembre 1968 n’étaient pas d’accord sur tout. Et, même plus, ils manquaient de cohésion interne.
Rapidement, deux groupes se formèrent : celui des durs ou « faucons » autour de Tiécoro BAGAYOKO, Directeur des services de sûreté, Kissima DOUKARA, ministre de la Défense ; et celui des modérés ou « colombes » autour du Président Moussa TRAORE et du Colonel Youssouf TRAORE. Les autres membres du CMLN se rangeaient selon les circonstances sur l’un ou l’autre camp.
C’est dans ce contexte de bipolarité qu’est intervenu ce que l’histoire retiendra sous le nom de « Tentative de coup d’État » de Yoro DIAKITE et de Malik Diallo, tous deux membres du CMLN et le sergent-chef Siméon Sidibé.
Les causes profondes de la brouille entre ces deux capitaines et les autres membres du CMLN restent obscures. Selon la version la plus répandue, le Capitaine Yoro DIAKITE, « l’intellectuel » du Comité (car auteur d’un livre au titre évocateur « Une main amie »), était sans doute trop partisan du rapprochement avec la France comme son compagnon d’infortune, Malick DIALLO. Est-ce la raison pour laquelle, officiellement, il avait été exclu du gouvernement pour avoir voulu « faire admettre une position anti-nationale ; anti-africaine et rétrograde » ? Toujours est-il qu’ils sont arrêtés le 9 mars 1971 et traduits devant la cour de sûreté de l’État pour « atteinte à la sûreté de l’intérieure de l’État » et condamnés le 31 juillet à la perpétuité.
2 juin 1974 : le « retour à la vie constitutionnelle normale »
Le 02 Juin 1974 le Comité militaire pour la libération nationale (CMLN) fait adopter, à travers un référendum, une nouvelle Constitution à plus de 99 %.
Si dans les principes, la nouvelle Constitution dote le pays d’une assemblée nationale, d’un parti unique et d’un chef de l’État élu au suffrage universel pour cinq ans, dans la réalité, elle ne laisse le pouvoir qu’aux militaires qui, contrairement à leurs promesses, ne rentreront pas dans les casernes.
Deux ans plus tard est fondée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), et l’armée malienne qui en est membre siégera dans son Conseil national jusqu’à la chute de Moussa Traoré. Mais avant…
28 février 1978 : l’affaire de la bande des trois
Révolution de palais ou plus simplement de règlements de comptes au sein du CMLN entre rivaux, opposés pour des questions plus personnelles que politiques ? En tout cas, en ce début d’année 1978, l’épreuve de force ne traduit qu’imparfaitement la rupture du rapport de force au sein d’une Junte militaire déjà très divisée, en tout cas, clairement compartimentée.
Les « Quatorze » du Comité Militaire de Libération Nationale qui arrêtèrent le Président Modibo Keïta n’avaient-ils été unis que par leur ambition commune de prendre le pouvoir ?
Après la liquidation des « capitaines », le Colonel Moussa TRAORE (promu à ce grade à titre exceptionnel en 1971) avait-il réussi à s’imposer comme le seul Chef au sein du CMLN ? Malheureusement, en cette année 1978, la junte au pouvoir reste encore divisée et régentée par deux clans : le clan des durs représenté par les lieutenants Kissima Dounkara, Tiécoro Bagayoko et Karim Dembélé et le clan des modérés dont le chef de file était le président Moussa TRAORE et comprenait Youssouf TRAORE, Filifing SISSOKO. Autant les faucons étaient opposés à toute idée de retour des civils au pouvoir, autant les colombes hésitaient sur la marche à prendre. Mais dans le fond, les deux groupes tenaient à garder le pouvoir et ce qui les distinguait était plus personnel que politique, plus la forme que le fond.
C’est dans cette ambiance de déficience et d’autoritarisme exacerbé que le Président Modibo décède à Bamako le 16 mai 1977. Le peuple en colère défie la junte, sort massivement pour rendre le dernier des hommages au premier président du Mali et pointe un doigt accusateur sur ses « assassins ». La machine de la répression aveugle se déchaine : plusieurs dizaines voire des centaines d’arrestations, à travers la capitale et tout le Mali.
Au sommet de l’État, la situation est explosive, la cohabitation presque impossible entre colombes et faucons qui décident alors de mettre un terme à l’épreuve de force par un coup de force. Le Président Moussa Traoré, qui avait réussi à les infiltrer, sera mis très rapidement au parfum de leur Projet de Coup d’État.
C’est ainsi que dans un ultime instinct de survie et de conservation, Moussa Traoré et ses alliés renversent la situation à leur avantage en procédant à l’arrestation des principaux membres du Clan des durs, le 28 février 1978, annoncée par la radio, pour « haute trahison » : les lieutenants-colonels Kissima DOUKARA, Tiécoro BAGAYOKO, Karim Dembélé, respectivement ministre de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité, ministre des Transports et des Travaux publics et Directeur général des Services de sécurité.
Quelques jours plus tard, c’est au tour du colonel Charles Samba SISSOKO, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, d’être incarcéré.
Mais les arrestations se multiplient au sein de l’armée où plus d’une trentaine d’officiers sont accusés de « participation ou complicité dans la tentative de coup d’État de la bande des quatre »- référence à la Révolution culturelle chinoise – et l’épuration gagne toutes les sphères de l’administration, y compris le secteur des sociétés d’État.
25 décembre 1985 : la guerre de Noël
Année 1983, un jeune officier est à la manette au Faso : le capitaine Thomas SANKARA dont l’ambition est de prendre à bras-le-corps l’ensemble des problèmes du pays, y compris le conflit territorial avec le Mali. En effet, en 1985, les relations personnelles entre les deux présidents (Thomas SANKARA et Moussa Traoré) sont déjà assez tendues depuis un certain temps et celles du Mali et de la Haute-Volta, devenue entre-temps le Burkina Faso, sont en voie de détérioration avancée quand le Faso révolutionnaire expulse un diplomate malien au Burkina Faso, Drissa KEITA. Les divergences autour du dossier frontalier de l’Agacher entre le Mali et le Burkina ne s’amenuisent point.
Aussi, l’échec de rencontres entre des responsables diplomatiques des deux pays au sujet de la question ne fera-t-il que cristalliser et radicaliser les positions, en particulier au Burkina Faso où les médias d’État traitent le Mali des Généraux en basin de tous les noms et lui prêtent l’ambition de planifier une invasion du pays des hommes intègres. La tension monte d’un cran.
Pour certains observateurs, le conflit de 1985 sera provoqué de façon délibérée pour distraire l’attention de l’opinion publique des problèmes intérieurs amenés par le retour d’une junte militaire au pouvoir lors de la révolution burkinabé et par la popularité faiblissante du régime militaire du président malien Moussa Traoré.
À la fin de l’année 1985, le gouvernement burkinabé organise un recensement sur l’ensemble du territoire. Les agents recenseurs pénètrent dans le territoire malien pour opérer dans des camps Peul dans la bande d’Agacher.
Jaloux de sa souveraineté et à cheval sur le principe de l’intangibilité des frontières, le Mali dénonce la violation flagrante de son territoire par son voisin et en appelle vainement à ses pairs de l’OUA d’intercéder auprès de son jeune homologue burkinabè, Thomas SANKARA, pour qu’il arrête la provocation et les incursions intolérables sur son territoire. Faute d’obtenir une solution par la médiation, les troupes maliennes passèrent à l’action la nuit de Noël 1985.
Le 25 décembre 1985, la vaillante armée malienne, forte de 7 600 hommes, lança plusieurs attaques terrestres contre des postes de frontière burkinabé.
L’armée burkinabé (4 600 hommes) achemina des soldats dans la région et lança des contre-attaques.
Mais notre armée montra des degrés de préparation et d’organisation supérieurs avec des nombreuses attaques et bombardements couronnés de succès, ce qui l’amena à libérer les villages occupés par le Burkina Faso et à poursuivre son offensive au-delà des positions initiales.
Il y eut une réaction de la part des burkinabés, mais ceux-ci essuyèrent des pertes supérieures aux nôtres.
L’épisode le plus sanglant de la guerre fut le bombardement par les forces aériennes maliennes du marché de la ville de Ouahigouya, dans lequel de nombreux civils furent tués.
Bilan du conflit : 141 morts et 257 blessés, côté Burkinabè ; contre 38 morts et 57 blessés, côté malien.
Le gouvernement libyen essaya, sans succès, d’amener les belligérants à un cessez-le-feu.
Un deuxième cessez-le-feu promu par le Nigeria et la Libye, le 29 décembre, fut également un échec. Une trêve signée le 30 décembre sous l’égide de l’ANAD mit fin à ce qui allait être connu par la suite comme la « guerre de Noël ».
En janvier 1986, lors d’un sommet de l’Accord de non-agression et d’assistance en matière de défense (ANAD), dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), les présidents burkinabé et malien acceptèrent de retirer leurs troupes aux positions qu’elles occupaient avant le conflit.
Les prisonniers de guerre furent échangés en février et les relations diplomatiques rétablies en juin.
En dépit de ces signes positifs, le contentieux resta sans solution.
Le cas fut soumis à la Cour internationale de justice. Dans son jugement, rendu le 22 décembre 1986, la Cour partagea les 3000 kilomètres carrés de façon presque égale entre les deux États. Le Mali reçut la partie occidentale et le Burkina Faso la partie orientale. Le président malien qualifia le jugement de « très satisfaisant » et de victoire pour les « peuples frères » du Burkina Faso et du Mali.
La dernière borne de la frontière entre nos pays a été fixée en février 2010.
26 mars 1991 : retour dans les casernes
Voilà près de 23 ans que le Président Moussa TRAORE à travers le CMLN puis l’UDPM règne sur le Mali.
En ce mois de mars 1991, un soulèvement populaire, suscité et encadré par les forces dites démocratiques, secoue le pays depuis plusieurs mois. Ce soulèvement populaire avait pour but, publiquement proclamé, d’instaurer le pluralisme démocratique et la transparence dans la gestion des affaires du pays. Le bilan des manifestations est lourd en vies humaines.
Aussi, face à la résistance du régime du parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), qui voulait conduire le changement et lui imprimer son propre rythme, un coup d’État militaire conduit par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani TOURE, ATT, sera perpétré dans la nuit du 25 au 26 Mars 1991… pour arrêter le bain de sang.
Un Conseil de réconciliation nationale (CRN) dirigé par ATT exerce le pouvoir, engage des pourparlers avec l’opposition. Le CTSP (Comité de transition pour le salut du peuple) est mis en place. Composé de militaires et de civils, il est dirigé par le Chef de la junte, Amadou Toumani TOURE, qui nomme, le 2 avril 1991, l’ancien ministre des Finances Soumana SACKO comme Premier ministre.
En marge de la conférence nationale (29 juillet – 12 août 1991) chargée de poser les balises de la 3e République et de faire l’état de la Nation, l’armée, par la voie du Colonel Karamoko NIARE, présentera ses excuses au peuple meurtri et martyr du Mali.

17 juillet 1991 : menace sur la démocratie
Malgré la dissolution du Conseil de Réconciliation nationale (CRN), son remplacement par le CTSP et la nomination d’un Premier ministre avec les pleins pouvoirs, c’est bien l’armée qui détient la réalité du pouvoir. Or, en son sein, c’est loin d’être la cohésion et l’entente parfaites. Tous les généraux ayant été écartés, c’est la guerre feutrée des Colonels.
Déjà, au lendemain du 26 Mars, une polémique s’installe au sein de l’opinion sur le « vrai auteur de l’arrestation de Moussa ». Qui est le vrai Chef ? ATT ? Kafougouna KONE ? Le tout puissant DG de la SE, le Colonel Oumar DIALLO Birus ? Ou le très populaire Commandant DIABIRA dont les louanges étaient à l’époque sur toutes les ondes des radios libres naissantes ? Le suspens ne va pas durer.
Dès le 17 juillet, six mois à peine après le Coup d’État, le gouvernement de transition annonce avoir déjoué une tentative de coup le 14 Juillet, dirigé par le ministre de l’Administration territoriale, le major Lamine DIABIRA. Est-ce parce qu’il avait par le passé nourri l’ambition de renverser le régime ou parce qu’il a tenté réellement de renverser la Transition démocratique ?
Pour beaucoup, l’ancien gouverneur est victime de sa popularité tant au sein de l’armée que la population malienne. Aussi, ce 14 juillet, le major Lamine DIABIRA et 8 autres officiers seront arrêtés et emprisonnés à la base militaire de Kati. Puis, ce sera le tour du Colonel Oumar DIALLO dit Birus, arrêté lui aussi pour tentative de Coup d’Etat… qui se transformera après en infraction économique.

Source : INFO-MATIN