Les observateurs de la Chine contemporaine relèvent aisément que chaque intervention du Président Xi Jinping constitue une mine d’enseignements sur la gouvernance de la Chine, la politique extérieure du Pays et la vision du dirigeant chinois pour qui «les aspirations du peuple à vivre une vie meilleure est l’objectif de ses efforts».

 

Lors de la Xème Réunion du Comité Central des Finances et de l’Économie, tenue, le 17 août 2021, avant-dernière réunion en prélude au XXème Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC), prévu en 2022, le Président Xi Jinping a délivré un important discours qui a fait une large place au concept de «la prospérité commune». (gongtongfuyu).Ce concept, véritable initiative pragmatique a suscité des questionnements relatifs à la signification, à la philosophie et à la politique de mise en œuvre de ladite initiative.

Selon un responsable du Parti Communiste Chinois, «la prospérité commune» n’implique pas de “tuer les riches pour aider les pauvres“. Elle ne signifie «pas nationalisation ou collectivisation». C’est une politique sociale de réduction des inégalités, de redistribution de la richesse du pays. «Il s’agit de faire prospérer l’ensemble du pays, et non pas de le polariser. Le fondement philosophique de cette politique s’inscrit en droite ligne des aspirations du peuple chinois à vivre une vie meilleure, objectif de la lutte du Parti Communiste Chinois (PCC). Cette politique que la gouvernance de la Chine entend mettre en œuvre s’inspire de l’expérience historique du PCC et des luttes héroïques du peuple chinois. C’est aussi l’objectif majeur du «socialisme aux caractéristiques chinoises».

Dans son intervention, XiJinping a proposé un «ajustement des revenus excessifs» de manière à créer une structure de «redistribution» des richesses «en forme d’olive».Il a appelé les plus fortunés et les grandes entreprises à «rendre davantage à la société». La «prospérité commune» comprend également une composante morale et éthique, ambitionnant d’apporter des solutions à divers problèmes de la société.

Pour y parvenir, le gouvernement chinois a pris des décisions fortes portant notamment sur l’encadrement du  rythme de travail «996» (de 9h à 19h, 6 jours sur 7), la règlementation de l’industrie des cours particuliers ainsi que les conditions de travail notamment des «petits métiers» tels que les livreurs, etc. La mise en œuvre de la politique de la réforme et de l’ouverture a provoqué un extraordinaire développement du pays,  procuré des richesses dont le peuple chinois bénéficie de nos jours.

Selon le classement des principales fortunes mondiales, publié, le 2 mars 2021, par l’organisme Hurun basé à Shanghaï, la Chine compte cette année 2021 environs 992 milliardaires devançant les États-Unis (696) et l’Inde (177). Le nombre de millionnaires devrait continuer à progresser dans les années à venir. Dans le même temps 600 millions de Chinois vivent avec moins de 130 euros par mois. Il y a donc de bonnes raisons d’engager la lutte contre «l’expansion désordonnée du capital».

Depuis près de vingt (20) ans la Chine représente l’essentiel de la réduction des inégalités dans le monde. Cependant l’extraordinaire production de richesses a davantage enrichi les plus riches. Une redistribution généralisée des richesses entre les différentes couches de la population s’avère nécessaire d’autant plus que la «Société de moyenne aisance» a été réalisée. Cette politique est un passage à un «nouveau modèle de développement». Il s’agit d’ajuster les revenus jugés excessifs par des formes d’impôts ou de taxes qui pourront en retour soutenir de nouvelles mesures sociales.

Les grands groupes doivent respecter les règles, baisser leurs tarifs, mettre fin aux pratiques monopolistiques, réviser leurs relations avec leurs salariés, diminuer la durée de travail, augmenter les salaires, limiter les heures supplémentaires.

Les hauts revenus et les grandes entreprises sont encouragés à augmenter leurs contributions à la Société. L’extrême pauvreté étant éradiquée, en 2020, la nouvelle voie de développement vise à améliorer les revenus des ménages et à faire grossir les rangs de la classe moyenne. Cette stratégie devrait soutenir la consommation et assurer la croissance à long terme.

Le Président Xi Jinping a défini sa vision de “la prospérité commune” comme celle d’une richesse, tant en termes matériels que culturels, qui soit partagée par tous. La stratégie de «la prospérité commune» s’appuie sur trois (03) piliers:

– La première porte sur l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations. Il s’agit de faire passer un très grand nombre de la population actuelle à faible revenus (notamment les habitants du monde rural, travailleurs migrants dans les grandes villes, et les personnes âgées ne bénéficiant pas de pensions de retraites) dans la classe moyenne.

– Le second levier repose essentiellement sur les taxes sur des profits échappant jusqu’ici à l’assiette mais aussi en ciblant les revenus non déclarés en provenance de l’étranger notamment.

– Selon UBS (banque), la priorité donnée à l’amélioration des revenus, à l’enrichissement de la classe moyenne et à l’emploi est positive pour la croissance à long terme. L’orientation stratégique est bien de nature à soutenir la consommation dans le pays. Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’en Chine la loi a assoupli les conditions d’investissement pour les étrangers, notamment, la possibilité de devenir propriétaire à 100% d’une entreprise dans le pays, un très grand marché pour les entrepreneurs étrangers.

La politique de «la prospérité commune» ne concerne pas uniquement la redistribution des richesses. C’est une stratégie politique qui est au cœur du projet socialiste. Sa mise en œuvre complète produira un «miracle humain» dont la Chine est coutumière.

L’objectif est de construire une Chine plus égalitaire en «augmentant la proportion des groupes à revenu intermédiaire… en ajustant raisonnablement les revenus élevés et en interdisant les revenus illégaux». La «construction d’un pays socialiste moderne, prospère, fort, démocratique, harmonieux et hautement civilisé» est à l’horizon de 2049, année du centenaire de la fondation de la République Populaire de Chine. «La prospérité commune est une exigence essentielle du socialisme et une composante clé de la modernisation aux caractéristiques chinoises».

Le Président Xi Jinping a appelé à adhérer à la philosophie de développement centrée sur l’être humain. Cette Xème Réunion du Comité Central des Finances et de l’économie a encouragé la création de conditions plus inclusives et équitables pour que les populations obtiennent une meilleure éducation et améliorent leurs capacités de développement ainsi que de façonner un environnement de développement qui offre des chances à plus de personnes de devenir riches. On a appris de la réunion que «la prospérité commune est la prospérité matérielle et spirituelle de tous les peuples».

L’intervention du Président Xi Jinping m’a rappelé l’engagement pris par le dirigeant chinois lors Sommet du Forum sur la Coopération Sino-africaine, tenu à Pékin, en septembre 2018. À cette occasion la Chine et les pays africains ont travaillé ensemble sur le thème: «La Chine et l’Afrique: Construire une Communauté de Destin encore plus solide par la coopération gagnant-gagnant».

À Beijing 2018, la Chine a étroitement associé les pays africains à «l’Initiative la Nouvelle Route de la Soie», au Programme de développement durable (PDD) des Nations Unies pour 2030. Elle a engagé avec les pays africains des initiatives pour la réalisation du Programme de développement 2063 de l’Union africaine (UA). Le Président Xi Jinping a réaffirmé que «la Chine sera toujours un bon ami, un bon partenaire et un bon frère de l’Afrique». Il a proposé de «construire ensemble une Communauté de destin Sino-africain marquée par la prospérité commune…». Cette vision traduite en dix (10) programmes et huit initiatives majeures a propulsé «la construction de la Communauté de Destin Chine-Afrique encore plus solide dans la nouvelle ère».

Le prochain Sommet du Forum sur la Coopération Sino-africaine prévu à Dakar à la fin de cette année prendra certainement des initiatives en faveur de «la prospérité commune» Chine-Afrique./.

Professeur Yoro DIALLO, Chercheur Principal/Directeur Exécutif du Centre d’Etudes Francophones/ Directeur du Musée Africain

Institute of African Studies, Zhejiang Normal University, CHINA

E-mail: [email protected]/Tél: (0086)15888991173

Source : L’Inter De Bamako