Notre pays, au fil des décennies et par la force des choses est devenu, malheureusement un vétéran en matière de rupture constitutionnelle, quatre ou cinq coups d’état selon les opinions.  Les causes sont multiples notamment  la mauvaise gouvernance, l’objet de ce post n’est pas d’en énumérer, mais plutôt les leçons  que nous devons en tirer,  pour bâtir un avenir qui rassure. 

 

De son indépendance à nos jours le Mali a connu et cela à une fréquence régulière l’irruption du kaki sur la scène politique,  en prenant le pouvoir par la force des armes, particulièrement les décennies de l’ère de la démocratie multipartite. Un véritable paradoxe si nous savons que l’arme qui prévaut en démocratie pour arriver au pouvoir est le bulletin de vote du citoyen.

Cela étant dit, de fait le pays est de nouveau sous l’emprise du treillis militaire. Quelles sont les leçons que nous devons  tirer du passé, pour façonner notre avenir commun ? Que devons-nous faire, pour que jamais, nous n’ayons encore à revivre un coup d’état au Mali ?  Ces deux questions, à mon sens, sont les plus importantes du moment, leurs réponses doivent requérir l’attention bienveillante de chaque citoyen et même de tous les amis du Mali, au-delà de toutes considérations partisanes.

La transition enclenchée depuis les évènements d’août 2020, pour une durée de 18 mois selon la charte en vigueur, a amorcé sa phase descente, sans que nous sachions de quoi demain sera fait pour le pays, toute chose qui suscite des inquiétudes et des débats  sur le respect du calendrier ultérieurement indiqué par les autorités.  D’aucuns estiment que la mission fondamentale de cette période doit se résumer à l’organisation des élections, comme en 2012 et par conséquent de laisser la latitude des réformes indispensables aux nouveaux élus. Cette position est tenue en grande partie par les hommes politiques dont, bon nombre ont assisté ou ont souvent  participé pour certains à l’effondrement lancinant et inéluctable de l’état depuis 1993.  Cette classe politique dont, la gestion partisane  a conduit le pays dans l’abime aujourd’hui, pourra encore convaincre le peuple que le mieux pour son avenir est d’aller aux élections vaille que vaille en occultant toutes les réalités du jour ?

La constitution de 1992, eu égard  qu’elle a permis de vulgariser les libertés individuelles et le multipartisme intégral, fait du Président de la République la clé de voute de l’architecture institutionnelle du pays. Elle concentre entre les mains du chef de l’état tous les leviers du pouvoir, faisant de lui un monarque républicain. Toute chose qui fausse le jeu d’équilibre des pouvoirs.

Les pouvoirs législatifs et judiciaires sont réduits à leur simple expression. Pour l’un, une caisse de résonnance de l’exécutif et l’autre totalement inféodé. Avec pour conséquence la gestion familiale du pays au bénéfice exclusif d’un clan, d’une famille, au mépris de l’intérêt général.

Espérer  qu’un président élu pourrait engager des réformes, allant dans le sens de la réduction de ses prérogatives, bien qu’une nécessité impérieuse pour rétablir l’équilibre des pouvoirs, condition sine qua non de la vitalité démocratique, constitutionnellement acquises,  relève de la démagogie politique. Pour qui connait le rapport de nos responsables publics aux privilèges et aux avantages du pouvoir.

Qu’à cela ne tienne admettons qu’on élit un messie, qui dans sa mission prophétique accepte de faire le sacrifice. Rien ne prouve qu’il réussira là où tous ceux qui ont tenté avant lui ont échoué, au regard de l’émiettement de la classe politique en des entités aux intérêts divergeant et du faible niveau de culture politique de la majorité écrasante des populations.

Dans les conditions identiques les mêmes causes produisant implacablement toujours les mêmes effets, devons-nous encore se hâter à élire des hommes et des femmes susceptibles d’être déposé encore d’ici une dizaine d’années ?

À mon humble avis, le pragmatisme et le réalisme politique ou même le bon sens tout simplement doit nous guider vers les leçons à tirer de notre passé récent notamment 2012. Nous devons intégrer dans notre conscience politique que la vitalité d’une démocratie se ne mesure pas uniquement à la régularité des élections.

Une démocratie véritable, c’est d’abord le souci du bien-être du citoyen, son épanouissement global est le seul déterminant qui doit motiver tout homme politique imbu de justice social.  Cette démocratie réelle ne saurait être une réalité dans notre pays sans réformes profondes, courageuses et volontaristes donnant naissance à de fortes institutions. Une transition a l’avantage d’être impartiale et désintéressée manifestement en ce qui concerne les reformes éventuelles. Pourquoi ne pas en profiter pour enfin doter le pays d’institutions fortes capables de résister aux péripéties et aux tempêtes  sociales  inhérentes à toute évolution démocratique ?  Pour ma part j’espère que  la raison emportera  sur nos passions, pour le salut du peuple qui n’a que trop souffert.

Issa Coulibaly, CNCA  AN KAN JOYORO FA