Depuis 2013, la République du Mali est confrontée à une série de crises politiques, institutionnelles, sécuritaires et socio-économiques graves. Elles sont caractérisées par trois décennies de gouvernance chaotique, trois coups d’Etat (mars 2012, août 2020, mai 2021) et par les sanctions politiques, économiques et financières injustes, illégales et inhumaines imposées au Mali par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Ces crises multiformes, ont sapé les fondements de la République fragilisée et caporalisée par la Communauté internationale, y compris la France.  La Constitution du Mali et ses Institutions sont ignorées et piétinées par une certaine catégorie de citoyens en rupture de ban. Fort heureusement, à partir de 2020, les forces du changement (M5-RFP), dénonçant les faits de corruption, d’injustice, d’impunité, de gabegie financière et du népotisme, etc., érigés en système de gouvernance (notamment sous le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta) sont aux commandes.

La situation antérieure  n’avait pas permis aux contribuables du pays, très remontés contre le régime défunt, de jouir pleinement des retombées d’une démocratie qui a donné très peu d’espoir après trente ans de pratique. C’est ainsi que le Colonel Assimi Goïta,  avec ses quatre autres camarades officiers militaires, décident de mettre fin à une cacophonie qui n’a que trop duré. Il se trouve que, depuis 2013,  le Mali connaît un  déferlement d’une horde de terroristes. Lesquels ont eu à incendier  des infrastructures, piller et détruire des villages, brûler  des récoltes, emporter des têtes de bétails et faire de nombreuses victimes civiles et militaires pendant plus de dix ans, etc.. Ce sont autant de faits qui ont endeuillé la République du Mali et sapé ses fondements essentiels.

C’est dans cette situation chaotique, où mon pays ressemble à un bateau qui tangue sous la force des vagues géantes, que regrette de voir  la  République du Mali transgressée  dans ses principes de légalité et  laïcité.  La dignité et l’honneur de la majorité écrasante des pratiquants de l’islam, sont actuellement indignés par une secte dite « Kémite » dont on ignore aujourd’hui encore, ses annonciateurs et ses adhérents.

C’est pourquoi, il convient de faire l’exercice d’éclairage de l’opinion publique sur le concept du « kémitisme » ou « khémitisme ». Qui désigne, un ensemble de croyances et de pratiques, donc une spiritualité s’inspirant de la religion de l’Égypte antique et qui a fait son apparition aux Etats Unis dans les années 1970. En France où il a fait son apparition en 2007, il est connu sous l’appelation « netjerisme », pour le différencier de ses pratiquants panafricains Kémites ou kamites.

Aussi, il est important de savoir, quand-est-ce que cette secte, qui fait autant parler d’elle ces dernières semaines, s’est  implantée au Mali ? Cette hérésie qui vient heurter les esprits des fidèles musulmans du Mali, à partir d’une vidéo virale postée sur les réseaux sociaux, a-t-elle obtenu à ce jour, un récépissé pour sa reconnaissance officielle par l’Autorité publique ou exerce-t-elle ses activités dans l’anonymat le plus total ? Il urge dès lors, d’avoir ces éléments de réponses à ces questions afin de connaitre davantage cette pensée à controverse, véhiculée par un individu venu de nulle part et que d’aucuns qualifient déjà de mécréant, pour talocher toute la communauté musulmane du pays qui n’a pas pu contenir sa colère, tellement l’affront est cinglant.

C’est dans cette atmosphère délétère que le Haut Conseil Islamique du Mali a lancé un appel à manifester, à l’endroit de la « Umma islamique » du pays. La riposte fut immédiate avec une démonstration de force des fidèles musulmans sortis, le vendredi 04 novembre 2022, par plusieurs milliers, sous un soleil de plomb, sur un boulevard de l’indépendance plein à craquer. Il s’agissait de dénoncer avec force, mais dans la sérénité, le respect du caractère laïc de la République du Mali, les propos blasphématoires gravissimes et inacceptables proférés par un certain Mohamed Dembélé, pas du tout connu du grand public.

Cet individu égaré, immoral, amoral et irresponsable en profanant le nom d’Allah, l’unique Dieu Créateur des choses et des êtres et de celui de son Prophète Mahomet (PSL), en violant le caractère sacré du livre Saint de l’Islam, le Coran et la Kaaba, l’auteur mérite à la proportion de l’acte grave commis, la sentence ultime telle qu’édictée par les préceptes du Coran au nom de la religion d’Allah, l’islam, basé sur la tolérance et respectueux des valeurs sacrées des autres cultes.

Etabli sur la Péninsule arabique en 622, 12 ans après la révélation, le  Prophète Mahomet (PSL) recoit les premiers versets coraniques de l’Islam. C’est cette religion de l’espoir et de l’espérance, qui a mis fin à l’anarchie et au désordre que le monde  arabe connaissait à cette époque. Parlant au nom de cette secte monolâtre, c’est-à-dire, polythéiste, Mohamed Dembélé avait franchi la ligne rouge. Il avait trop osé, ainsi peut-on entendre auprès des fidèles de l’islam. On pourrait ainsi donc se poser la question de savoir, s’il avait réellement besoin de toutes ces gesticulations maladroites, malsaines, inappropriées et insolentes, pour défendre sa secte le « Kémitisme » ou « khémitisme » qu’il pratiquait jusque-là en toute liberté.

Certains de ses adeptes non encore identifiés sur le territoire, répondront sans doute qu’il a agi de la sorte, au nom de la laïcité de l’Etat du Mali ; une laïcité pourtant fondée comme sa définition l’indique, sur la tolérance religieuse, le respect, le dialogue et la compréhension mutuelle et aussi, sur la liberté de culte. Le culte étant l’ensemble des pratiques d’hommage ou de vénération rendue à une divinité, par un groupe d’individus, une communauté, et à qui ce groupe reconnaît une dimension « de supériorité ou de sacré ».

C’est effectivement au nom de la liberté de ce culte et de la forme laïque de l’Etat du Mali, stipulées dans la Constitution de février 1992 et dans l’avant-projet de Constitution d’octobre 2022, respectivement dans leurs articles 4 et 14, que Mohamed Dembélé s’est versé dans les excès pour créer le désordre et le chaos qui ont failli embraser tout le pays. Heureusement, le sens de la responsabilité et le respect de la laïcité de l’Etat, ont inspiré les leaders religieux dont Chérif Ousmane Madani Haïdara et l’imam Mahamoud Dicko, pour désamorcer ce qui pouvait être fatal à une République du Mali déjà très fragilisée par la série de graves crises qu’elle traverse depuis une décennie.

Ceci est aussi à mettre à l’actif des plus hautes Autorités de la Transition qui ont réaffirmé le respect des principes sacro-saints des valeurs fondamentales de l’islam, en dénonçant les propos blasphématoires de l’auteur incriminé car la liberté de culte n’accorde à personne le droit de profaner ou de blasphémer les valeurs sacrées d’une religion.

Face à une République affaiblie par des crises multiformes et complexes, attaquée de toutes parts par une communauté internationale, y compris la France. Qui cherche par tous les moyens à la déstabiliser,  le pays avec l’aide de certains de nos compatriotes en rupture de ban, chaque malienne, chaque malien soucieux de maintenir et de consolider la cohésion sociale et l’unité nationale, est  interpellé en tant que « sentinelle » de la République. Chacun  a l’obligation de protéger et de défendre jusqu’aux sacrifices ultimes, contre l’ennemi commun, au-dedans ou au dehors !

Dr. Allaye GARANGO, Enseignant chercheur / Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)

Source: Le Pélican