Monsieur le Président IBK, J’étais plus ou moins tranquille à propos de Kidal lorsque deux événements sont venus ébranler ma conviction. Le premier c’est l’interview de l’ex-Ambassadeur de France au Mali, Nicolas Normand, le 14 ou 15 mars 2019. L’ex-Ambassadeur, qui devait savoir de quoi il parlait, a dit que  »  la France a donné Kidal aux séparatistes  » (à l’époque c’était le MLNA) en ajoutant que le Mouvement a fait voter pour vous dans certaines localités lors de la dernière élection présidentielle.

 

Un représentant dudit Mouvement a réagi le lendemain en nuançant les propos de l’ex-Ambassadeur. Je n’ai pas entendu la réaction des autorités maliennes.

Ce  » don  » est illégal et d’ailleurs contraire à la position officielle de la France à l’époque et à l’heure actuelle. Et il convient de lever le flou à ce sujet, car je pense par exemple que l’ex-Premier Ministre, Moussa Mara, aurait réagi différemment s’il était au courant de ce don lorsqu’il a lancé les troupes maliennes à l’assaut de la localité. Les conditions de ce cadeau fait sans légitimité et en cachette ont dû être telles que les bénéficiaires ne lâcheraient pas facilement prise. Ce don, c’était bien avant l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du Processus d’Alger, a fortiori, l’Accord National Inclusif.

La restitution est due dans l’absolu (quels que soient les faits intervenus ultérieurement) et vous avez déclaré il y a quelques semaines que Kidal retournerait dans le giron du Mali ; ces paroles ont déclenché un tonnerre d’applaudissements de la part d’un  public qui n’imagine pas que le statu quo peut durer et qui ignore le travail à accomplir. C’est un travail  de diplomatie à mener auprès du Président Français favorable (qui devra convaincre les groupes de la CMA) et auprès de nos frères de ces groupes qui devront se préparer et préparer les populations  de Kidal en partie radicalisées. Ce sera une diplomatie où c’est vous qui aurez le plus à faire, loin du public et parfois loin de tout témoin. Ce dossier ne peut rester tel quel et le Président malien, même s’il n’y a pas contribué, doit assumer le fardeau pour une restitution qui ne doit pas attendre. Ma suggestion est bien entendu sans préjudice des efforts que vous menez à l’insu de vos compatriotes pour résoudre le problème.

Le second événement c’est la colère manifestée par le Président Nigérien, Mahamane Issoufou,  lorsqu’il a déclaré que le Mali devait asseoir son autorité sur Kidal qui, selon lui, abritait des groupes qui attaquaient son pays. Il a ajouté que certains signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation jouaient double jeu. Dès le lendemain de son interview, un représentant de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) (sur la défensive à propos de Kidal) réagissait, mais pas les autorités maliennes. Cette apparente  » non-gestion  » du dossier Kidal par les autorités maliennes et son apparente  » sous-traitance  » à la CMA doivent cesser. Le Président Issoufou aurait d’ailleurs pu proférer ces paroles il y a plusieurs années lorsque les premières attaques de djihadistes venus du Mali pour commettre des exactions en territoire nigérien (pour se replier ensuite au Mali) ont eu lieu.

Je ne suis plus aussi tranquille qu’auparavant et je nourris le ferme espoir que notre Président redressera la situation.

Une parenthèse sécurité

Monsieur le Président IBK, peut-être conviendra-t-il d’adopter en matière de sécurité une double stratégie. D’abord, retenir la stratégie de la France et de la communauté internationale qui consiste à travailler et à combattre les groupes djihadistes et terroristes dans le  » temps long « . Ensuite, mettre au point et en œuvre une stratégie qui consiste à s’armer psychologiquement et matériellement pour en finir avec ces groupes le plus tôt possible. En effet, le temps, comme vous pouvez vous-même le constater depuis votre avènement, ne travaille pas pour nous, la situation ne faisant que se dégrader. Admettre l’idée de  » guerre asymétrique  » peut inciter à la résignation qui pourra être nuisible et hypothéquer l’avenir des pays du Sahel. Une mobilisation populaire contre ces groupes  » invisibles  » qui vivent sur terre et même parmi nous galvanisera davantage et les foules et les soldats.

A preuve, lors de l’éclatement de la Fédération du Mali en 1960, la mobilisation générale et l’entraînement militaire effectué dans toutes les villes et tous les villages ont considérablement contribué à la libération de nos dirigeants retenus à Dakar ; nous avions alors peu d’équipements et peu de moyens mais une volonté inébranlable qui nous aurait conduits au combat pour la cause nationale. Ce sera dangereux de nous enfermer dans la stratégie de la communauté internationale, d’autant que l’opinion dans les pays occidentaux, y compris la France, peut évoluer en notre défaveur.

La cohabitation avec les groupes djihadistes ou terroristes ne tournera pas en notre faveur tandis qu’un peuple décidé ne peut être vaincu.

Le 13 décembre 2019

Macono Coulibaly

Citoyen en retraite

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