Le 15 août dernier, les Taliban s’emparaient du pouvoir en Afghanistan vingt ans après l’intervention militaire occidentale menée sous l’égide des États-Unis. À chaud, de nombreux spécialistes des questions sécuritaires et djihadistes avaient, alors, fait le parallèle avec la situation au Sahel. Plus d’un mois plus tard et avec du recul, il convient de revenir sur cette question : peut-on réellement comparer la situation afghane avec celle du Sahel ? Est-il aujourd’hui envisageable de mettre le retrait américain de l’Afghanistan et l’action des forces françaises au Sahel au même niveau ?

 

Pour apporter des éléments de réponses à ces interrogations, il faut tout d’abord revenir sur les agendas des parties islamistes concernées. Il est évident qu’elles ont plusieurs traits en commun : leur volonté d’instaurer la « charia », leur haine contre les « mécréants », leurs exactions et pillages qui visent les populations innocentes, leur recours à la violence au nom d’une religion qu’ils interprètent comme bon leur semble… Ces similitudes sont indéniables et irréfutables. D’ailleurs, de nombreux groupes terroristes dans le monde avaient « félicité » les Talibans au lendemain du retrait américain.

 

 

Pourtant, si l’idéologie djihadiste qui anime les Taliban est bien avérée et que leur soutien de longue date à Al-Qaida et à son fondateur, Ben Laden, n’a jamais été un secret pour personne, les ambitions du mouvement islamiste sont bien différentes de celles des mouvements terroristes au Sahel. Il est tout d’abord question de géographie.

En effet, au moment où les Taliban reprennent le pouvoir politique d’un pays aux frontières bien définies, les groupes armés terroristes du Sahel, eux, se veulent transfrontaliers. D’ailleurs, rappelons que la Russie a été contrainte, elle aussi, de quitter l’Afghanistan en 1989 et que les Taliban étaient déjà au pouvoir en Afghanistan entre 1996 et 2001. Ce qui n’est le cas pour aucun groupe terroriste au Sahel grâce notamment à l’intervention de la France en 2013 lors de l’opération SERVAL.

Interrogé sur les risques que le scénario afghan se produise au Sahel, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a affirmé à juste titre qu’: « il y a un vrai danger. (Des) groupes terroristes (au Sahel) peuvent se sentir enthousiasmés par ce qui s’est passé (en Afghanistan) et avoir des ambitions au-delà de ce qu’ils pensaient il y a quelques mois». Il est ainsi clair que les parties terroristes au Sahel n’ont jamais eu les mêmes projets. De ce fait, le parallèle ici est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

Quant au retrait des troupes américaines que nombreux avaient comparé à la fin de Barkhane, là aussi, il est important de prendre du recul pour mieux saisir les deux situations. En effet, après vingt années de présence en Afghanistan que nombreux appellent le « cimetière des empires », les Américains ont jugé avoir rempli leur mission principale et, de ce fait, ont quitté le pays. Cependant, contrairement aux idées reçues et aux rumeurs, il n’est pas question d’un retrait des forces françaises du Sahel, mais plutôt d’une réorganisation ou d’un recentrage pour se rapprocher des zones où sévissent les groupes armés terroristes.

Le vendredi 10 septembre dernier, le Président de la Transition, le Colonel Assimi GOITA avait reçu en audience l’Ambassadeur de la France au Mali, Joël MEYER, pour parler notamment coopération entre les deux États comme on peut le lire sur la page Facebook de la présidence malienne.

« Nous avons échangé en toute sincérité sur des sujets d’intérêt commun, notamment le partenariat entre la France et le Mali. Un partenariat en matière de sécurité, la présence de Barkhane, l’adaptation du dispositif de Barkhane, la transformation de Barkhane », a expliqué M. Joël MEYER, à sa sortie d’audience. Ce dernier a rappelé que cette transformation de Barkhane n’est pas « du tout un désengagement de la France du Mali. C’est une transformation pour être encore plus efficace aux côtés des FAMa, qui montent considérablement en puissance ».

Au regard de ces éléments, il devient clair que la lutte contre le terrorisme au Sahel est loin d’être terminée et la situation sahélienne est bien différente de celle de l’Afghanistan. Si les groupes djihadistes se sentent pousser des ailes au point de vouloir imiter les Taliban, contrairement à l’armée afghane qui a décidé de déposer les armes, les FAMa et les autres forces armées du Sahel montent en puissance avec l’appui des forces occidentales.

Par ailleurs, la dernière preuve de cet engagement pour éradiquer le djihadisme au Sahel est la mort du chef de l’EIGS le 17 août dernier par une frappe française, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, dont le groupe a été responsable d’innombrables exactions visant la population dans la région des trois frontières.

Par conséquent, un scénario afghan au Sahel n’est pas à l’ordre du jour. Du moins, tant que les forces armées, déjà engagées dans la lutte contre le terrorisme, continueront de faire face au fléau djihadiste. Et c’est bien le cas !

Siaka Sidibé

@SidibSiaka17