C’est demain, mardi 22 septembre 2020, que la République du Mali fêtera  ses 60 ans en tant qu’État indépendant jouissant normalement de tous les attributs de la souveraineté nationale et internationale. Mais cette tranche de vie, dix ans après le cinquantenaire célébré en 2010 avec faste et solennité, se passera malheureusement, au-delà de la morosité, dans la désillusion et les angoisses du futur.

Pour la première fois, en effet, le jour de la fête nationale du Mali a lieu sans président de la République et sabs gouvernement, encore qu’en réalité aucune des institutions n’est viable, toutes étant claudiquantes en vérité, alors que le pays est confronté à d’énormes problèmes qui menacent son existence en tant qu’État souverain dans des frontières intangibles. Le saut des militaires dans l’arène politique le 18 août dernier à la faveur d’un coup d’État, quatrième du nombre par l’arrestation du président Ibrahim Boubacar Keïta mais qui ne dit toujours pas son nom, a provoqué la mise en place d’une indispensable Transition démocratique dont l’architecture, plus d’un mois maintenant après,  peine à être  dessinée. Il s’ensuit un asphyxiant embargo imposé par la CEDEAO qui risque de se prolonger en s’alourdissant si les militaires auteurs du pronunciamiento ne se hâtent pas de permettre la désignation d’un Président et d’un Premier ministre civils avant le 23 septembre, lendemain de l’anniversaire de la fête nationale.

C’est constater combien le Mali de 2020 se trouve dans la panade, embourbé comme il ne l’a jamais été. C’est peut-être pour cela que le général Moussa Traoré, devenu deuxième président du Mali après avoir écarté du pouvoir le père  fondateur, Modibo Keïta, par un coup d’État le 19 novembre 1968, a choisi de tirer sa révérence une semaine avant, le mardi, 15 septembre 2020, emportant avec lui le plus long règne à la tête du pays, presque 23 ans.

Le Mali souffre aujourd’hui, c’est peu dire. Les deux tiers du territoire national échappent dramatiquement à la souveraineté nationale. Les frontières sont des plus poreuses, commode et triste  réalité qui favorise l’infiltration et les mouvements de diverses hordes malintentionnées, en particulier les djihadistes et les narcotrafiquants, en plus des groupes armés irrédentistes et séparatistes. Dans ce chaos déstabilisant qui met à mal la cohésion nationale, les conflits  intercommunautaires sapent la stabilité sociale en endeuillant des familles et des localités. Les drames atteignent le plus souvent des proportions incroyables.

Face à la virulence des attaques ennemies, l’armée nationale ne dispose plus, manifestement, des moyens indispensables à l’accomplissement de ses missions régaliennes de défense du territoire national et des citoyens. C’est parce que la corruption, les vols, les détournements de deniers publics et autres surfacturations ont mis à mal les possibilités de l’État, en affaiblissant celui-ci jusqu’à le rendre totalement impuissant. L’école malienne, qui a hier produit des sommités mondiales dans presque tous les domaines de l’activité humaine, n’est plus qu’un fantôme, en tout cas une institution en agonie et dont les diplômes délivrés sont désormais suspects à l’étranger.

Conséquences inéluctables de tant de déconvenues, la jeunesse est en perdition alors même que la compétitivité qu’exige l’intégration sous-régionale ne s’accommode nullement avec la médiocrité.

Pays continental partageant des milliers de kilomètres de frontières avec sept autres (Algérie, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Mauritanie, Niger et Sénégal), le Mali est, comme on le voit, dans une situation d’encerclement facile. Mais c’est une grande nation qui s’est élevée sur le substrat de plusieurs glorieux empires. Aux Maliens d’être conscients de leurs ressources intrinsèques pour reprendre l’initiative historique.

Amadou N’Fa Diallo

Source: Journal l’Aube-Mali