«Ce qui est demandé à l’Etat c’est de favoriser la normalisation, le peuple se chargera de construire la paix dont il a besoin»…

 

600 MILITAIRES FRANCAIS SUPPLEMENTAIRES DANS UNE CRISE MALIENNE AUX CONTOURS INSAISISSABLES FAUTE DE PROSPECTIVE NATIONALE.

Le 13 janvier, le Président français Emmanuel Macron a animé à Pau une réunion sur l’avenir de l’opération Barkhane dans le Sahel, avec les 5 Chefs d’Etats du G5 (Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Tchad).

Plusieurs décisions furent retenues dont celle d’augmenter l’effectif des soldats français. Un premier chiffre de 220 éléments a été annoncé, avant de faire évoluer ce rajout à 600 personnes. L’effectif global de l’opération atteint désormais 5100 militaires.

Cette décision qui démontre clairement l’absence de réussites décisives depuis 6 ans, fut pourtant accueillie avec soulagement et enthousiasme par les autorités locales. Les dirigeants maliens ne manquent aucune occasion pour affirmer que le Mali doit son existence actuelle à la France, en mettant en avant l’opération Serval. De son côté, la France rappelle que c’est à la demande du Mali, à travers un courrier écrit qu’elle est intervenue.

Depuis 2013, les années passent la crise n’est toujours pas terminée, pire, elle se complique davantage. L’annonce du retrait des Américains complique encore plus la situation, car ils sont les seuls à maîtriser le domaine de l’Intelligence Surveillance Reconnaissance (ISR) dans la zone sahélienne.

La transformation de la crise malienne

Après six ans d’intervention internationale au Mali, les Groupes Terroristes Armés (GAT) possèdent toujours une capacité de régénération, car l’enjeu n’est pas de remporter des victoires symboliques, mais d’arrêter la capacité des GAT à recruter, à former et à attaquer. La crise au Mali s’est transformée au fur et à mesure. Le fait djihadiste a évolué devenant rapidement une couverture sous laquelle se règlent de nombreux contentieux entre des groupes communautaires ayant les mêmes intérêts : la terre et le bétail.

Diverses rancœurs sont venues également se greffer à cet environnement dominé par l’anarchie provoquée par la démission de l’Etat. Certaines personnes issues de basses castes n’hésitent pas à profiter de cette situation pour tenter d’obtenir une position avantageuse qui leur a été refusée pendant de longs siècles. Egalement des débiteurs et des créanciers s’affrontent, tout comme des rivaux sentimentaux.

Le recrutement a aussi évolué, il ne s’agit plus d’anciens combattants devenus terroristes, mais de simples paysans, éleveurs et des jeunes au chômage. Ce terrorisme endogène sur fond de rivalités internes et sur des ressentiments envers l’administration centrale s’est confortablement installé et a réussi à passer sous les radars de l’Etat qui ne dispose d’aucun mécanisme interne pour lutter contre ce processus profitable aux GAT. Progressivement la situation se complique pendant que les acteurs étatiques restent concentrés sur le seul aspect militaire. Plusieurs alertes ont été données en vue de construire de la pertinence en faveur des actions politiques. Il ne s’agit plus simplement de mener des actions de développement, mais de créer un véritable écosystème permettant, d’une part, la réparation des liens sociaux et, d’autre part, le rétablissement de la confiance avec l’Etat.

Une armée d’élan et d’ouverture d’esprit

Lors de la récente mise en œuvre de l’opération « Maliko », par le gouvernement malien, celui-ci a rappelé la nécessité pour les autres ministères de s’impliquer sous l’autorité du ministre de la Défense. Quel en sera le processus et surtout comment cela atteindra les populations, qui en sont les destinataires finaux ? Les gouverneurs, préfets et sous-préfets ont-ils été formés à cette nouvelle approche ? Existe-t-il des délégués de préfets en charge de ces questions ? Tout laisse à croire qu’aucune de ces conditions n’a été satisfaite. Le ministère de la Défense doit organiser sa transformation dans le but de favoriser la construction d’un élan sur le plan opérationnel, tout en faisant preuve d’ouverture d’esprit vis-à-vis des autres couches de la nation. Le consensus véritable dépend de l’Armée, c’est autour d’elle que les populations construisent l’émergence d’un esprit patriotique. Le défi de l’Armée malienne est donc double : créer du lien et de la puissance. La réussite de la lutte contre les GAT repose sur la capacité des forces armées maliennes à présenter une vision sur le court, moyen et long terme autour des enjeux de protection nationale dans toutes leurs dimensions. L’isolement et le renferment sur soi sont à proscrire.

Barkhane reste une force d’entrave

Avec 5100 hommes déployés sur plus de 4 millions de km², Barkhane ne peut être qu’une force dont l’objectif consiste à entraver les GAT, afin de permettre aux armées nationales des pays sahéliens d’engager leur reconstruction. Au Mali se message ne semble pas être complètement compris, le retard pris dans le processus de réforme des forces de défense et de sécurité en témoigne. Les résultats sur le terrain tardent à arriver. Les autorités maliennes doivent se mobiliser autour d’un objectif clair qui n’est pas la paix, mais la normalisation. L’Etat doit retrouver un fonctionnement normal et laisser aux populations le soin de construire la paix dans un environnement sécurisé par des forces de défense et de sécurité bénéficiant à leur tour de la confiance des citoyens. L’augmentation du personnel de Barkhane ne doit pas faire oublier que dans la situation actuelle l’armée malienne doit être celle qui montre l’exemple par son engagement dans l’effort quotidien.

Boubacar Salif Traoré

NB : le titre est de la Rédaction

Source : INFO-MATIN