Malgré plusieurs initiatives, le retour de la paix reste un vœu pieux pour les populations des régions du Centre. Les tueries, les vols, l’insécurité alimentaire, l’effritement de la cohésion sociale continuent de semer le doute quant à la possibilité d’un retour de la paix et du vivre-ensemble qui régnaient entre les différentes communautés.

Depuis le basculement des régions du centre du Mali dans la violence en 2015, avec en toile de fond l’activisme des groupes djihadistes et les conflits locaux, plusieurs activités ont été menées par des organisations de la société civile, des organisations non gouvernementales et des organismes étatiques. Mais la crise n’a pas arrêté de s’aggraver.

L’échec des initiatives pour le retour de la paix viennent de la non-implication de toutes le couches de la société, explique l’ancien ministre de l’Administration territoriale, M. Ousmane Sy. «Pour arriver à une paix, il faut impliquer dans les initiatives pour la paix les acteurs et les leaders locaux, femmes et jeunes. Mais ils sont écartés », constate M. Sy. Le président de la jeunesse de l’association Tabital Pulaakou, Hamadoun Dicko, abonde dans le même sens : « Les jeunes sont invités juste pour remplir les salles et prendre des per diem. Nos avis ne sont pas pris en compte ».

Approche culturelle

Pour le vice-président de l’association pour la protection et la promotion de la culture dogon, Ginna Dogon, Hamidou Ongoïba, « les initiatives pour le retour de la paix n’intègrent pas une approche culturelleUne partie de l’échec vient de là. » Il explique que le cousinage à plaisanterie est l’une des approches à mettre en avant pour le retour de la cohésion, comme ce fut le cas en 2012 quand son association a rencontré les rebelles indépendantistes au nord du Mali. «  Notre culture est dotée de mécanismes de règlements de conflits solides qu’il faut mettre en avant dans la consolidation de la cohésion nationale, les initiatives et mécanismes internationaux doivent venir en seconde position ».

Toutes les initiatives pour le retour de la paix, ajoute M. Ongoïba, doivent être coordonnées par la Mission d’appui à la réconciliation nationale pour atteindre les résultats escomptés : « La Mission d’appui à la réconciliation doit jouer le rôle de coordination des initiatives pour la paix et la cohésionElle doit au moins servir à ça. »

La dimension économique du conflit doit être prise en compte dans les réponses pour la paix, explique Djimé Kanté, un acteur de la société civile. « Il faut offrir des alternatives aux jeunes qui vivent du conflit ». Il estime que, le conflit étant en grande partie alimenté par des « étrangers » qui ne savent rien de la culture locale, une approche culturelle se basant sur nos us et coutumes présenteraient des limites.

« C’est une machination, du pur banditisme »

Partout sur toute l’étendue du territoire national, les Maliens aspirent à la paix avec un État fort et protecteur. « Les populations sont fatiguées de la crise, les gens cherchent une issue », explique Issa Guindo, un ressortissant du cercle de Koro, venu récemment s’installer à Bamako pour fuir le conflit. Elles ont compris qu’elles ne gagnent rien dans ce conflit, indique-t-il. À Sénou, dans le champ de Ila Cissé sont installées des centaines de personnes, en majorité des femmes et des enfants qui ont fui les violences.

Sous un manguier au milieu des cases faites en plastiques, Mariam Diallo, originaire d’Ogossagou, explique qu’elle ne sait rien des raisons pour lesquelles les gens s’entretuent. Avant d’ajouter : « C’est une machination, du pur banditisme. Aucun projet de paix qui n’impliquerait pas ceux qui sont armés est voué à l’échec. » Des propos que soutient Allaye Samba, un sexagénaire : « Si l’État lutte contre la criminalité aujourd’hui, nous retournerons tous chez nous. C’est parce que l’État a déserté que les extrémistes de tout genre ont occupé le terrain. Donc ce sont eux surtout que doivent viser les porteurs d‘initiatives pour la paix.»

Toutes ces deux personnes refusent d’admettre l’existence d’un conflit intercommunautaire. Pour elles, tout s’explique par l’absence d’un État fort. Elles invitent les porteurs d’initiatives pour la paix à s’appliquer pour le retour d’un État fort et serviable.

Justice et retour d’un État serviable

Pourtant, des lueurs d’espoir pour un retour de la paix existent. Goundaka, village et siège de la commune de Pignari Bana, dans le cercle de Bandiagara, l’épicentre de la crise dite intercommunautaire, en est un parfait exemple. Il n’y a aucun conflit, le vivre-ensemble et la cohésion n’ont pas été ébranlés. « Plusieurs communautés vivent à Goundaka en parfaite harmonie. On règle nos problèmes nous-mêmes, on organise très fréquemment des séances de sensibilisation envers les femmes et les jeunes depuis le début du conflit. On n’a eu aucun problème par la grâce de Dieu.», témoigne le maire de ladite commune, M. Fousseyni Diakité. Pour lui, les initiatives ne serviront pas grand-chose tant que la dimension locale des conflits n’est pas prise en compte. Nombre de personnes estiment que le véritable chemin vers le retour de la paix passe par la justice et le retour d’un État serviable.

La réponse militaro-sécuritaire à elle seule ne marche pas, l’armée nationale n’est pas capable de faire le maillage complet du territoire national, explique Ousmane Sy. Pour celui qui est considéré comme le « père de la décentralisation », l’État doit mettre les milices dans la légalité au lieu de vouloir les dissoudre : « Il faut transformer les milices en police de proximité, l’État n’a pas le moyen de faire le maillage complet du territoire nationalUne confrontation entre les milices et l’armée nationale ne fera qu’envenimer la situation.», conclut-t-il.

 

Source: benbere