L’économie malienne sans la présence française risque de sombrer comme celle de l’Afghanistan après le départ des Américains

Depuis le départ des Etats-Unis d’Afghanistan, les sanctions, le gel des avoirs de la Banque Centrale et la rupture de l’aide internationale, ce pays vit à l’instar du Yémen, une des plus graves crises humanitaires de la planète. Cette crise a conduit, en mars 2022,  le Secrétaire général des Nations unies a lancé un cri d’alarme : « Un million d’enfants en sévères malnutrition sont au bord de la mort en Afghanista(…) Certains vendent déjà leurs enfants et des parties de leur corps pour nourrir leur famille. » Et Antonio Guterrez d’ajouter : « Les pays riches et puissants ne peuvent pas ignorer les conséquences de leurs décisions sur les plus vulnérables. La communauté internationale doit trouver des moyens d’épargner le peuple afghan »

Punitions en cascades

Bamako, Kaboul même causes, mêmes effets. Les tensions entre les autorités maliennes et ses partenaires occidentaux coupent le pays de toutes les aides internationales. En prime, le départ de la force française Barkhane couplées à celle de l’Union européenne et aux sanctions de la CEDEAO sont également des pertes économiques sèches.

Au cours des nombreuses crises qu’il a traversé depuis l’indépendance, le Mali a s’est toujours montré résilient. L’or, le coton, le commerce de bétail sont des revenus non négligeables. Mais trop d’obstacles se dressent sur son chemin depuis le deuxième coup d’Etat de mars 2021, date de son bras de fer avec les partenaires occidentaux et de son rapprochement avec les Russes.

Une dette de 312 millions d’euros

L’embargo de la CEDEAO à l’encontre du Mali imposé en janvier dernier n’a pas trop fortement impacté l’économie malienne car celui-ci n’est pas respecté. Même si les pays portuaires, Sénégal et Côte d’Ivoire ne l’admettent pas officiellement, ils ferment les yeux sur le passage des camions, ils ont trop à y perdre.

Trois autres Etats frontaliers, non membre de l’organisations sous-régionale, Algérie, Mauritanie, Guinée Conakry (suspendue après le coup d’Etat de septembre) ont maintenu leurs frontières ouvertes. Les pénuries attendues n’ont donc pas eu lieu. Reste le surenchérissement des produits qui s’ajoute à l’inflation mondiale des prix du carburant.

Le gel des avoirs de ce pays à la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest est aussi très douloureux. Les transactions commerciales et financières sont rendues impossibles avec les autres pays de la sous-région. En mars, les dettes non-honorées auprès des créanciers s’élevaient à 312 millions d’euros.

Les bailleurs de fonds disparus

La CEDEAO n’est pas la seule à étrangler le Mali. En janvier dernier, Josep Borrel, le  haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères a annoncé la suspension de l’aide budgétaire au Mali. En avril, c’est la Banque Mondiale qui, prétextant le non-paiement de ses dettes publiques, coupait le robinet à Bamako et interrompait ses décaissements.  Dans la foulée, la Banque africaine de Développement appliquait la même peine. Quant à l’Agence française de développement, elle reste pour l’instant très mystérieuse sur la poursuite de ses projets au Mali.

Le départ de Barkhane est aussi une perte économique pour les populations qui vivent à proximité de ses bases. Par exemple, sur la plus grande, à Gao, l’armée française était le plus gros employeur de la ville. 500 personnes vont se retrouver au chômage. À cette perte nette d’emplois, il faut ajouter tous les effets sur les commerces de proximité et tous les emplois induits. La jeunesse de Gao s’inquiète légitimement de son avenir et de ceux de leurs familles.

En avril, Josep Borell, a annoncé, lui, la fin des formations des militaires par l’Union européenne (EUTM et EUCAP Sahel Mali). Si l’on ne peut que regretter l’arrêt de ces formations, compte tenu de leur efficacité, c’est encore un coup dur financier. C’est tout une structure qui s’en va avec un siège, des sous-traitants pour assurer la sécurité, des locations d’appartement et autant de manque à gagner pour les commerces.

L’effondrement d’une économie de guerre

La récente décision des autorités maliennes de quitter le G5 Sahel s’inscrit aussi dans cette dynamique. Normalement, la présidence de cette institution devait lui revenir en février, mais sous les pressions conjuguées de Paris et de l’Union européenne, Ndjamena, ne lui a pas remis le flambeau, d’où la colère des colonels. Outre, l’aura que donne cette présidence, c’est également, des personnels, des sommets, des colloques, qui participent à la vie économique du pays.

Ainsi, c’est tout une économie de guerre qui est en train de s’effondrer, sans que le Mali ne s’y soit préparé. Une accumulation terrible qui fait craindre le pire alors que toutes les institutions et les ONG alertent sur le risque de famine au Sahel. Selon le CICR, plus de 10, 5 millions de personnes, sont menacées par la faim au Burkina Faso, Mali, Niger et Mauritanie, alors même que la crise alimentaire qui frappe la région est aggravée par le conflit.

 

Source: mondafrique