La politique africaine de la France est devenue une véritable problématique de casse-tête qui donne lieu à plusieurs interprétations. Mikailou Cissé est professeur de philosophie au Mali au niveau secondaire. Dans cet article, il estime que cette présence de l’ex-colonisateur dans ses ex-colonies n’est qu’une stratégie pour maintenir sa domination sur ces pays.

La présence française sur le sol africain à travers ses forces armées est de plus en plus décriée. Elle a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Cette présence a également fait l’objet de nombreuses manifestations populaires. Elle est la manifestation de toute l’opposition des Africains de la politique africaine de la France. Parce qu’on estime que cette présence sur notre sol n’est que le bras visible de cette politique française en Afrique. Cela, sur tous les plans : politique, économique, culturelle et même militaire, comme c’était le cas pendant la période coloniale.

« Était-elle même partie de chez nous ? »

À travers cette présence de plus en plus problématique, la France signe son retour en Afrique. Était-elle même partie de chez nous ? J’ose affirmer qu’elle a juste changé la forme de domination pendant un laps de temps. La France n’a jamais abandonné sa volonté de domination sur le peuple africain et ses richesses. Elle a toujours cherché à maintenir sa présence.

Pendant les premières heures des indépendances en Afrique, elle s’est faite moins présente physiquement. Mais le départ de ses administrateurs et ses soldats n’était que stratégique. Car elle a trouvé des moyens pour acquérir des hommes politiques du continent à sa cause. Une initiative qui a bien fonctionné dans certains pays et dans d’autres non.

Jouer sur la stabilité et le développement

Dans tous les pays où elle a pu se faire représenter, la stabilité politique et économique ainsi que le développement ont été relativement un acquis. Ce qui lui a permis de s’installer durablement. Le Sénégal et le Congo Brazza sont des exemples du genre.

Par contre, tous les pays qui ont manifesté leur volonté de se désolidariser réellement de la France et/ou d’entretenir des relations avec d’autres puissances ont fait l’objet de déstabilisation jusqu’à ce qu’ils changent de caps. Le Mali et le Burkina Faso sont des exemples du type. Peut-être l’Algérie est une exception.

Quant aux pays qui ont accepté sa politique au départ pour ensuite s’en désolidariser, ceux-ci ont été déstabilisés à travers des rébellions. La Centrafrique est une illustration parfaite. La Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo peut être citée aussi parmi ce cas.

En fin, les pays qui n’ont connu aucune stabilité politique ni de développement économique sont ceux dans lesquels elle s’est butée dès le départ à la résistance du peuple. La Guinée Conakry en est un cas précis de ce type. Un pays qui a toujours jeté l’anathème sur la politique française en Afrique. Son état actuel en témoigne. Les pays qui font actuellement face à des troubles peuvent être classés également dans le lot. Un petit regard rétrospectif sur l’histoire récente des états africains qui étaient sous la domination française surtout sur leur évolution politique peut nous aider à mieux comprendre de quoi il s’agit.

Changement de stratégie

Le changement n’a pas été facile dans la pratique. Les dirigeants qui n’ont pas voulu devenir des marionnettes de la France ont été les premiers à subir les foudres de ses politiques.

Pendant les premières ères qui ont suivi les indépendances, l’ex-colonisateur signe son retour à travers les coups d’état militaire dans les pays qui ont été hostiles à sa politique. Elle est passée par les militaires, ayant pour la plupart suivi des formations chez elle, pour faire partir ceux qui ne voulaient pas coopérer avec elle. Les coups contre Modibo Keita, Thomas Sankara, en sont des illustrations parfaites.

Mais au fil du temps, elle a dû changer de stratégie parce que beaucoup de coups d’État avaient été déjoués. À la place de cette méthode d’infiltration, elle a opté pour les rébellions ou les soulèvements populaires. Elle arme quelques hommes sous le contrôle d’un dirigeant, acquis à sa cause, pour faire partir les pouvoirs politiques qui se désolidarisent d’elle. Le départ de Hissène Nabré et celui précipité de Dadis Camara sont des exemples de cette nature.

S’implanter et protéger ses intérêts

Mais dans ces derniers temps, on assiste à une nouvelle forme d’implantation. La France se fait passer pour une force d’interposition entre les communautés en conflit dans nos pays ou pour une force de lutte contre les extrémistes ou des djihadistes pour mieux s’implanter.

La récente sortie du chef français, la DGSE, au cours de laquelle il dévoile l’ambition des chefs terroristes au Mali d’élargir leur zone de contrôle sur le golfe de guinée, confirme que la France n’est pas au sahel pour combattre les terroristes. Mais juste pour s’implanter durablement dans le continent et protéger ses intérêts.

À chaque fois, elle profite des problèmes de gouvernance nationale ou locale pour se faire une place considérable. Pourtant, le plus souvent, c’est elle-même qui est à la base de ces problèmes.

Le cas spécifique de la crise que le Mali traverse depuis 2012 en est une illustration parfaite. Elle a commencé après que le président malien, à l’époque Amadou Toumani Touré (ATT), avait affiché son soutien à Mouammar Kadhafi, ex-guide libyen, qui faisait face à une rébellion fomentée par le dirigeant français Nicolas Sarkozy.

La présence française au Mali vu tous ces angles nous permet de dire que la lutte pour la libération totale de l’Afrique de la domination française, que mènent certains mouvements dans certains pays, est un combat noble. C’est une lutte que les Africains peuvent gagner si toutefois ils se dressent comme un seul homme contre toutes les forces de domination qu’elle soit de l’intérieur ou de l’extérieur.

En aucun instant, l’ex-colonisateur n’a abandonné sa volonté de maintenir ses ex-colonies sous sa domination. Il n’a jamais quitté l’imaginaire de ses dirigeants politiques. Elle a juste changé de forme après que les Africains ont acquis leur indépendance politique.

Mikaïlou Cissé

Les opinions exprimées dans cet article ne sont nullement celles de Phileingora

Source: Phileingora