Fin de semaine très ensanglantée au Mali. En moins de soixante douze heures, trois endroits différents du pays (Bintabougou, cercle de Goundam, Bamako, campement de Kangaba, Bamba, cercle de Bourem) ont été frappés par des attaques terroristes meurtrières. Bilan des trois attaques : Plus d’une dizaine de morts. Aussi dans le cercle de Koro, des conflits intercommunautaires entre Peulh et Dogon, ont fait, avant-hier, 31 morts, selon le site officiel de l’armée malienne. Le Mali, aujourd’hui, s’enfonce davantage dans la violence terroriste et les conflits intercommunautaires, deux ans (jour pour jour) après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.

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L’hécatombe. Le Mali s’enfonce davantage dans une violence multiforme. Hier lundi 19 juin, des terroristes ont attaqué, très tôt matin, le camp de militaires maliens à Bamba, dans le cercle de Bourem.

Bilan : 1 soldat malien a succombé à ses blessures et deux autres soldats blessés. Quelques heures avant cette attaque, dans la nuit du dimanche au lundi, le campement « Kangaba », un complexe touristique situé à une trentaine de kilomètres de Bamako, a été frappé par une attaque terroriste qui n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. Selon un bilan provisoire, l’attaque qui a été revendiquée hier lundi par le Groupe Nusrat al-Islam dirigé par le jihadiste malien Iyad Ag Ghaly, a fait 9 morts (4 civils, 1 militaire malien et 4 assaillants). Selon le ministre de la sécurité intérieure, 38 clients ont pu être exfiltrer.

Le samedi 17 juin 2017, vers 5 heures du matin, un camp des militaires maliens à Bintagoungou, localité située à 70 kilomètres de Tombouctou, a été attaqué par des présumés djihadistes. Selon un communiqué du gouvernement malien, 5 soldats sont morts et huit autres ont été blessés lors de l’attaque. Des sources locales avancent un bilan de 12 soldats maliens tués.

Dans son dernier rapport sur le Mali, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations –Unies, indique que les conditions de sécurité sont demeurées instables dans le nord et le centre du Mali. Selon lui, les forces maliennes et françaises, la MINUSMA et les groupes armés signataires ont continué d’être pris pour cible, et les attaques dirigées contre les civils se sont poursuivies dans les régions centrales.

« Des extrémistes violents et des éléments terroristes ont mené 105 attaques contre les Forces de défense et de sécurité maliennes, 76 contre la MINUSMA et 20 contre les forces françaises depuis juin 2016, contre 84, 66 et 15, respectivement, lors de la précédente période couverte par le mandat. En tout, 131 membres des Forces de défense et de sécurité maliennes ont été tués et 176 blessés dans des attaques, contre 49 et 33 au cours de la période précédente. Les attaques ciblant les Forces de défense et de sécurité maliennes ont augmenté de 42 % dans les régions de Mopti et de Ségou», indique le rapport du secrétaire général de l’ONU.

Exacerbation des conflits intercommunautaires et amalgame

En plus des attaques terroristes, les conflits intercommunautaires prennent une proportion très inquiétante au Mali. Régulièrement des conflits meurtriers éclatent entre les communautés dans le Nord, le Centre et une partie du Sud où l’absence de l’Etat crée un désordre. Dans ces zones, les écoles et les symboles de l’Etat malien sont régulièrement saccagés et brulés.

Le dimanche 18 juin, à Intahgla, cercle d’Ansongo, un conflit entre les Peulhs et les Idoufarne a fait 1 mort. A Koro, dans le Centre, depuis le vendredi 16 juin, des violents affrontements entre Peulh et Dogo à Koro ont fait 31 morts dont 27 peulhs et 4 dogons, 9 blessés (8 peulhs et 1 dogon), selon le site officiel de l’armée malienne. Des sources locales avancent un bilan de plus de 90 morts et une dizaine de blessés lors de ces affrontements. En mars 2017, au moins 10 personnes ont trouvé la mort dans des heurts entre des chasseurs Bambaras et des éleveurs Peulhs à Banikoro, cercle de Niono. Et début février 2017, un conflit entre Bambara et Peul à Ké-Macina a fait une vingtaine de morts.

Les organisations de défense des droits de l’homme ( Human Right Watch, la FIDH, l’AMDH…) tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur les exactions des groupes armés et des militaires maliens dans le centre et le Nord du pays. Le 19 mai dernier, après la libération de 34 peulhs arrêtés par les famas, l’Association Kisal a dénoncé des « délits de faciès et vexations qui commencent à être une problématique pour la cohésion sociale ».

Selon Malick Sow, un responsable de l’Association Kisal, contacté par le Républicain, actuellement il faut savoir que dans la zone (le Centre) il y a des méthodes d’interpellation assez brutales, surtout il y a beaucoup d’amalgames. « Quand tu as des traits peuls ou quand tu ressembles à un peul souvent il y a des délits de faciès. Il y a des arrestations dans des conditions extra judiciaires. Il y a des techniques d’interrogatoires assez musclées », explique Malick Sow.

Révision constitutionnelle VS insécurité résiduelle

Cette insécurité qualifiée de résiduelle par la cour constitutionnelle du Mali ne donne –t- elle pas raison à ces milliers de Maliens qui ont marché, à l’appel de la Plateforme « An té, A bana ! Touche pas à ma constitution ! », le samedi dernier à Bamako contre la révision constitutionnelle ? Si selon les autorités maliennes, cette révision est une exigence politique et une exigence de la communauté internationale, la Plateforme « An té, A bana ! Touche pas à ma constitution ! », composée de 104 associations, de 40 partis politiques, croit plutôt, en plus de l’érection d’un monarque, à une violation de l’article 118, alinéa 3 qui stipule qu’aucune révision de la constitution ne peut être engagée s’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.

« Un pays qui contrôle au mieux le 1/3 de son territoire et où les 2/3 échappent à son entier contrôle peut-il tenir un référendum viable ? Bien sûr que non ! », s’interrogent ceux qui exigent le retrait pur et simple de la loi de révision constitutionnelle. Adopté par l’Assemblée Nationale, le dit projet est soumis à un référendum qui doit se tenir normalement le 9 juillet prochain sur l’ensemble du Mali.

L’Accord de paix stagne deux ans après sa signature

Cela fait exactement deux ans, jour pour jour, que les ex rebelles de la CMA ont apposé leur signature à l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. L’Accord traine toujours dans son application. Kidal est toujours interdit aux autorités maliennes malgré l’annonce en grande pompe du retour de l’armée malienne à Kidal d’ici le 20 juin. Les réfugiés et les déplacés ne sont pas encore de retour, le MOC et le DDR rencontrent aussi des problèmes.

Reportés à plusieurs reprises, les autorités intérimaires ont pu officiellement être installées dans toutes les régions du Nord. L’installation des dites autorités à Tombouctou et Taoudénit est intervenue le 20 avril dernier, après quatre tentatives avortées. Malgré l’installation des autorités transitoires à Kidal, les autorités maliennes sont toujours persona non grata dans cette partie, en principe, du Mali. Le gouverneur de Kidal est aujourd’hui installé à Gao. La Conférence d’Entente Nationale a eu lieu, du 27 mars au 2 avril, à Bamako dans des « conditions chaotiques ».

La charte pour la paix, l’objectif de cette rencontre, doit normalement être présenté au Président de la République ce 20 juin. Le MOC (Mécanisme Opérationnel de coordination) et le DDR (Démobilisation, Désarmement et Réinsertion) ne sont pas encore tout à fait opérationnels. Ces deux mesures de l’accord sont d’ailleurs aujourd’hui devenues source de problèmes à Gao où des éléments du MOC sèment la terreur. Ils s’en prennent aux populations civiles et volent des véhicules du MOC. Les groupes armés continuent aussi de s’affronter régulièrement et très violemment.

Madiassa Kaba Diakité