Alors que la problématique touareg demeure une vicieuse épine dans les pieds de l’Etat malien – manifestement incapable de surmonter les difficultés de conduire à son terme le processus d’Alger -, une rampante équation peulh est en train de prendre corps, de s’enraciner dans le temps avec le risque d’être léguée aux générations futures. Consécutif à une certaine déroute des forces armées régulières à Konna,  en 2013, ce nouveau malaise communautaire a longtemps couvé sous le duvet de la stigmatisation avant d’atteindre aujourd’hui les proportions d’une violence inouïe sur fond de méfiance et de distanciation intercommunautaire.

 

C’est d’ailleurs pour le conjurer, à quelques encablures d’une élection présidentielle sur laquelle il fait peser une menace certaine, que le centre du pays a mérité de figurer au programme d’un récent périple du Premier Ministre à l’intérieur du pays. Mais au lieu des résultats escomptés, les observateurs s’accordent à déplorer un net regain de tension depuis le passage de Soumeylou B Maïga dans cette zone où les hostilités entre communautés évoluent en formes et en dimensions à mesure que les acteurs publics s’évertuent à chercher un apaisement.

Et si les agissements étaient perçus jadis par les sédentaires comme des assauts de groupuscules Djihadistes à la solde d’Amadou Kouffa, ils ont progressivement pris l’étiquette peuih. En attestent les représailles que subissent certains éléments isolés de cette communauté ces derniers temps, payant ainsi lourdement leur appartenance ethnique par des supplices ou éliminations physiques, des expropriations de bétails, etc. Et, de sources concordantes, le prix des bovins a pu chuté jusqu’à 45 000 francs CFA dans certains villages où l’offre a grimpé sur le marché à la faveur de ces extorsions massives.

Le piège des confusions et des amalgames tendus par les adeptes d’une renaissance du Macina est certes passé par là, mais il n’en demeure pas moins que la problématique a été initialement abordée par des approches propres à semer les germes de sa complexité et de son enlisement actuel. Lesdites approches ont notamment consisté, en un premier temps, à reposer la lutte antiterroriste dans le Centre sur la dénonciation de suspects là où les rapports interpersonnels se caractérisent souvent par la vendetta et les règlements de compte sans fin.

De quoi ouvrir le Pandore des arrestations abusives dues aux faux témoignages sur fond de faciès et contribuer au surpeuplement des espaces carcéraux par des détenus préventifs – dont la plupart ressortent sans condamnation mais avec des stigmates physiques et morales ineffaçables à tous points de vue. De quoi ériger le mur de la démarcation et des différences, développer les sentiments de repli et de solidarité identitaire qui ouvrent les brèches où la terreur s’engouffre, se répand et de généralise par le truchement des réflexes communautaires.

Mais, fort malheureusement, la question peulh au Mali commence à ne plus se limiter à l’échelle de la seule convivialité inter-ethnique. Comme l’équation touareg, il n’est pas exclu qu’elle ait frôlé les proportions d’un contentieux avec l’Etat malien que la communauté accuse plus ou moins ouvertement de lui livrer une sorte de guerre  par procuration, en se référant aux agissements de Donsos armés jusqu’aux dents et organisés comme une armée régulière. Bref, c’est la conséquence d’une gestion très peu intelligente du terrorisme dans le Centre dont l’avatar le plus déplorable est la récente équivoque autour d’une quinzaine d’exécutions sommaires attribuée à l’armée malienne.

Quelles que soient les conclusions de l’enquête engagée par la communauté internationale sur la tragédie, l’épisode aura définitivement consacré une reproduction au centre du puzzle septentrional  pour lequel un début de solution peine à se dessiner depuis plusieurs décennies que l’équation touareg agite le Mali : clarifications interminables de crimes, réclamations récurrentes de justice et de réparation de torts, tentatives désespérées de réconciliation, etc.

Abderhmane  Keíta

Le Témoin