La Conférence internationale de haut niveau sur le Sahel s’est tenue le 23 février dernier à Bruxelles. La rencontre, selon un communiqué de l’Union Européenne, a permis de confirmer l’engagement politique aux côtés des pays du Sahel, de mobiliser un montant de 414 millions d’euros en soutien à la Force conjointe du G5 Sahel et de renforcer la coordination et l’efficacité de l’aide au développement durable de la région.

En dépit de la mobilisation et de la joie affichée par les chefs d’Etat du G5 Sahel, très satisfaits, force est de reconnaître que la somme promise par les donateurs est légèrement en-dessous des 423 millions nécessaires. « C’est le nœud gordien. Je suis vraiment agacé. Quand on sait ce qui est dépensé chaque jour en Irak et en Syrie dans des bombardements, voir les pays du Sahel aujourd’hui tendre la main pour avoir 423 millions d’euros, j’avoue que ça me fait mal. Nous ne sommes pas des mendiants. Nous ne sommes pas non plus responsables de la fin de Mouammar Kadhafi et du délitement de la situation en Libye, où il y aurait près de 13 millions d’armes en circulation. La communauté internationale a un devoir d’action et de solidarité. La France l’a très bien compris. François Hollande a fait de son mieux et Emmanuel Macron, avec son dynamisme particulier, est en train de pousser avec la chancelière allemande, Angela Merkel », déclarait le Président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Kéïta dans une interview accordée au journal français « Le Monde », le 22 février dernier, en réponse à une question sur les difficultés de financement de la force conjointe du G5 Sahel, la veille de cette conférence.

La plus grande difficulté se trouve au niveau des modalités de décaissement de ces fonds. Les procédures de décaissement sont très lentes et échappent souvent à tout contrôle des Etats du Sahel, lesquels ont du mal souvent à retracer la destination des fonds promis. Le Mali en a une mauvaise expérience. De 2013 à maintenant, le pays a organisé deux appels au financement international. Le 15 mai 2013, la communauté internationale s’est mobilisée à son chevet avec une enveloppe de 3,25 milliards d’euros. Le gouvernement du Mali et les donateurs n’arrivaient pas à s’accorder sur la manière dont les sous seront décaissés. Et les populations continuent toujours de se demander où sont partis ces milliards d’euros. En octobre 2015, une rencontre a eu lieu à Paris au siège de l’OCDE dans le sillage des financements de certains engagements contenus dans l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Jusque-là, les sommes promises peinent à tomber dans la cagnotte de l’équipe du Président Ibrahim Boubacar Kéïta.

Entre l’annonce des engagements et la mise à disposition des fonds, il y a un temps plus ou moins long qui ne peut pas s’accommoder avec la pression des groupes terroristes.

Au-delà, des difficultés pouvant découler de la mobilisation de l’enveloppe promise à Bruxelles, d’autres obstacles se dressent sur le chemin de l’opérationnalisation rapide et efficace de la force conjointe du G5 Sahel commandée par le Général Didier Dacko. Il s’agit essentiellement de la crise  de confiance entre les différents chefs de l’Etat qui n’ont pas la même perception de la lutte et surtout des moyens utilisés. Le Président IBK a reconnu dans la même interview au quotidien français qu’il y a un délitement de confiance entre lui et certains de ses homologues même s’il tente de rassurer. La Mauritanie ne veut pas violer son pacte de non-agression avec les groupes islamistes. Le Tchad d’Idriss Déby, secoué par un front social et politique en ébullition, a des difficultés à supporter le fardeau de son intervention comme gendarme du Sahel. Le Président du Niger lutte pour faire de la Force conjointe du G5 Sahel une brigade combattante de la Minusma. Donc, il ne faut pas trop tôt crier victoire.

Par Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger