A priori, les promoteurs de la force du G5 Sahel et leurs partenaires, réunis une fois nouvelle hier à Niamey, ne manquent pas de volonté. Ils pourraient même être animés des meilleures intentions. Cependant, le machin met du temps à se mettre en place. Les sommets se succèdent aux rencontres, les engagements sont toujours fermes et les ambitions, grandes. Mais les donneurs de fric ne se bousculant point, c’est l’ennemi que la force est censée combattre et éradiquer qui fait davantage parler de lui. Pendant que les dirigeants du G5 Sahel et leurs partenaires notamment français continuent à palabrer et à se perdre en conjectures, les terroristes sèment désolation et terreur, endeuillent des familles et répandent du sang des innocents. En attendant, c’est cela le bilan de cette force à l’enfantement décidément laborieux.

Avant le sommet qui s’est tenu hier autour du président Mahamadou Issoufou, ce sont les chefs d’Etats-majors qui s’étaient rencontrés pour faire le bilan des deux premières opérations à l’actif de la force conjointe du G5 Sahel, en rodage. A cette occasion, les hauts gradés des armées des cinq pays s’étaient félicités en particulier de l’opération Pagnali, menée dans la zone frontalière entre le Mali et le Burkina, devenue un repère prisé des terroristes. Une autosatisfaction qu’on a cependant du mal à comprendre, vue de l’opinion publique. En effet, ce que les populations du Mali en particulier retiennent de ces dernières semaines, ce sont les attaques mortelles que le pays a enregistrées. Tout d’abord, le 25 janvier dernier, ce sont 26 civils maliens et burkinabè dont des femmes et des enfants qui périssaient dans l’explosion d’une mine antipersonnel au passage de leur véhicule, parti de Djibo (Burkina Faso) pour la foire hebdomadaire de Boni (centre du Mali). Deux jours plus tard, cette fois, c’est le camp militaire de Soumpi (Toumbouctou) qui essuyait une attaque terroriste particulièrement audacieuse. L’armée malienne avait déploré 14 victimes et près d’une vingtaine de blessés.

 

Donc, la nécessité de la force du G5 Sahel n’est pas à démontrer. Mais les choses ne se présentent pas sous leurs meilleurs auspices. Tout d’abord, le défi du financement est loin d’être relevé. Certes, grâce au lobbying de la France, on approche désormais de la barre des 300 millions d’euros de promesses. Mais cela veut dire qu’il reste toujours une bagatelle de 150 millions d’euros à réunir. Ce qui n’est jamais aisé quand il s’agit d’une force qui n’inspire visiblement pas confiance. Et c’est dire que la rencontre du 23 février prochain, censé permettre de boucler le budget de la mise en route de la force, est un sacré challenge. A cela s’ajoute notamment, par rapport au défi de la pérennité, l’efficacité même des troupes de la sous-région. En effet, il ne faut pas se voiler la face. Les dernières années l’ont amplement démontré. Dans la complexe lutte contre les terroristes au Sahel, seuls les soldats d’Idriss Deby semblent de taille. Ceux de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger et surtout du Mali, brillent davantage par les vœux pieux et les ambitions stériles. Or, même en cédant au chantage auquel se livre le président tchadien, il serait illusoire d’envisager qu’un seul pays puisse prendre en charge les problématiques sécuritaires de tout le Sahel.

 

On semble donc tourner en rond pour un projet parti pour tourner court. Une autre idée africaine condamnée à demeurer dans les limbes. Ce qui arrive souvent quand on n’a pas les moyens de ses ambitions.

Boubacar Sanso Barry

 

Source: ledjely