L’entrée en lice de la Russie dans la crise politique au Mali risque de devenir une véritable menace pour la France. En effet, quelques heures après l’annonce de la désignation de Bah N’daw pour présider la gouvernement de Transition, la Russie n’a pas manqué de réagir, appelant à son tour à transférer le pouvoir aux civils.

“Nous espérons voir un retour très rapide du pouvoir aux civils qui sera basé sur le dialogue national avec pour objectif de tenir, après une courte période de transition, des élections démocratiques, libres et transparentes sous la supervision de la CEDEAO et de l’Union Africaine”, a indiqué un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères publié ce 22 septembre par l’agence de presse russe, Tass.

Dans le même communiqué, la Russie rappelle le rôle joué par l’Union Soviétique (actuelle Russie) pour aider le Mali à obtenir son indépendance de la France et les aides financières allouées à ce pays ces dernières années. Le gouvernement russe espère également que les relations amicales qui existent entre les deux pays continueront de se développer.

La réaction du gouvernement russe dans des événements politiques qui se déroulent dans une ex colonie de la France risque de ne pas plaire à Paris qui, ces derniers jours, n’a cessé d’appeler à une transition politique immédiate afin que l’Opération Barkhane puisse continuer sa mission au Mali.

Cependant, la réalité actuelle est que le Mali n’est plus sous le contrôle de la France. La Russie a bien l’intention d’y déposer ses valises, ce qui, à la longue, provoquera inévitablement une guerre diplomatique (entre les deux puissances) dont les conséquences pourraient être désastreuses.

Il faut dire que la situation est extrêmement compliquée pour la France compte tenu du climat actuel marqué par l’hostilité de la jeunesse malienne à l’égard de Paris, perçue comme une puissance coloniale. C’est d’ailleurs ce qui a fait dire à Samuel Ramani, chercheur à l’Institut de Recherche en Politique Etrangère (Foreign Policy Research Policy) que la Russie est la seule puissance étrangère qui gagne dans la crise malienne.

“Moscou peut profiter du coup d’Etat au Mali pour obtenir des accords commerciaux et renforcer son influence géopolitique en Afrique de l’Ouest”, a fait remarquer le chercheur qui souligne que les compagnies russes telles que Nordgold (spécialisée dans l’extraction de l’or) ou encore Rosatom (spécialisée dans l’énergie et concurrente de l’entreprise française Avenda) pourraient obtenir des retombées financières considérables en se rapprochant des nouvelles autorités maliennes au pouvoir.

Le chercheur a également souligné que l’ambassadeur de la Russie à Bamako s’est déjà entretenu avec le Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) avant de rappeler qu’un très célèbre opposant malien du nom de Oumar Mariko a, ces dernières années, appelé à acheter des armes auprès de la Russie au détriment de la France.

Il n’est pas surprenant que l’image de puissance coloniale qui est collée à France représente un véritable handicap pour Paris de plus en plus rejeté par la jeunesse africaine. En plus, le contrôle par la France du FCFA (monnaie utilisée par 14 pays africains pour la plupart d’anciennes colonies françaises) exacerbe ce sentiment anti-français qui commence à gagner du terrain sur le continent.

Désormais, la France n’est pas le seul maître du jeu au Mali. Car, avec la chute d’IBK qui a été un pur produit de l’Hexagone, c’est une junte militaire et un M5-RPF qui sont aux manettes. Le coup d’Etat du 18 août impose une redistribution des cartes et la France pourrait devenir la plus grande perdante.

Source : Le courrier du soir