Au Mali, le premier obstacle pour le Comité national pour le Salut du Peuple (CNSP) après la CEDEAO, demeure, pour l’instant, le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Une organisation qui menace de redescendre dans les rues, si jamais les militaires ne reconnaissent pas ses efforts dans la lutte pour la démission du président sortant, Ibrahim Boubacar Kéita. La transition apaisée, selon les leaders de ce mouvement, est de les impliquer dans les organes de gestion. 

Il y a une semaine, nous écrivions dans les colonnes de votre hebdomadaire d’Analyses, d’Enquêtes et d’Informations Générales ‘’Ziré’’ que le rapprochement rapide au M5-RFP, surtout sa participation au meeting du 21 août 2020 à la place de l’Indépendance était tout simplement une erreur que le CNSP avait commise à seulement deux jours du coup d’Etat. Aujourd’hui, l’histoire nous donne raison.

Tout d’abord, le meeting du 21 août 2020 au cours duquel les responsables du CNSP ont été accueillis en vrais héros, en vrais complices et même des sauveurs, a permis au M5-RFP de se croire les dignitaires de cette junte militaire. Ainsi, le 26 août 2020, des responsables dudit mouvement se sont transportés à Kati pour échanger avec les militaires. Au sortir de ce tête-à-tête, Choguel Kokala Maïga, président du Comité stratégique du Mouvement confie à la presse : «Les deux acteurs (CNSP et M5-RFP) doivent rester vigilants. Nous devons redoubler de vigilance pour que dans la confusion, les multiples experts, les spécialistes en démocratie ne viennent avec des propositions pour brouiller le chemin qui est très clair dans nos têtes. Nous avons convenu de nous retrouver très prochainement pour continuer à échanger. En une prochaine fois, nous ferons une véritable séance de travail. La primeur du document que nous avons élaboré au M5-RFP pour la transition sera réservée au CNSP avant de le rendre public. Nous devons éviter les erreurs du passé. »  

Accéder au pouvoir sans les urnes !

Après cette rencontre, le M5-RFP croyait avoir le monopole de la prise de décisions relatives à la gestion de la transition. Il s’agit pour les leaders politiques de ce mouvement (Choguel Kokala Maïga, Modibo Sidibé, Me Mohamed Ali Bathily, Oumar Mariko, Cheick Oumar Sissoko, Jeamille Bittar, Clément Dembélé, Issa Kaou Ndjim, Me Mountaga Tall, Mohamed Salia Touré et autres) de profiter de cette situation de coup de force pour influencer les acteurs de l’acte (les militaires) et tromper le reste du peuple malien pour s’installer au pouvoir sans passer par les urnes. Alors que ces politiciens attendaient d’être conviés à Kati pour une seconde rencontre, le CNSP convoque l’ensemble de la force vive du pays à une concertation pour la mise en place des organes de la transition qui devrait se tenir le 29 août 2020 au centre international de conférences de Bamako.

Le temps de la vérité

Dans ce communiqué qui ne faisait pas cas du M5-RFP, le CNSP avait convié à cette rencontre : les partis politiques (majorité, opposition et centristes) ; les organisations de la société civile, ainsi que les groupes armés signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Ce qui avait mis en colère les adeptes de l’Imam politicien, Mahmoud Dicko.

Dans un communiqué diffusé à la vieille de la rencontre, le M5 a annoncé qu’il ne prend pas part à ces échanges auxquels il n’a pas été invité. « Le M5-RFP regrette de n’avoir pas été invité à ladite rencontre… la lutte patriotique du Peuple malien à travers les manifestations publiques durant plusieurs mois dans le but de contribuer à l’émergence d’un Mali nouveau que les Forces armées et de sécurité ont parachevée le 18 aout 2020 »,peut-on lire dans ledit communiqué. Aussi, le document poursuit : « A ce titre, le M5-RFP est et demeure un acteur majeur de ce changement voulu et doit être associé au premier plan à la conception de l’architecture de la transition avec l’ensemble des forces vives de la Nation.»

C’est ce communiqué qui semble désormais réveiller les vieux démons dans le camp du M5-RFP. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux toujours à la vieille de la rencontre, Issa Kaou N’Djim, porte-parole de l’lmam politicien, a déclaré : « Le peuple malien commence à douter de la sincérité du CNSP. Mais, l’Imam Dicko nous demande de nous calmer et dit avoir adressé un message aux militaires. Il s’agit d’échanger avec le M5-RFP. Qu’il ne déplaise à la communauté internationale, ce n’est pas un coup d’Etat, mais plutôt une révolution et elle ne peut pas être confisquée par un groupe de militaires. Non ! Que le CNSP accepte de dialoguer avec l’ensemble du peuple malien, surtout ceux qui ont lutté pour le départ d’IBK. »

Toutefois, Issa Kaou N’Djim exige que tous ceux qui ont détourné le denier public répondent de leurs actes devant la justice et que la transition se passe dans la plus grande transparence. Et de poursuivre : « L’Imam estime aussi que les textes et actes solitaires pris par les militaires ne seront pas du tout acceptés. S’ils n’acceptent pas les consultations, le dialogue, nous allons redescendre dans les rues sous l’ordre de l’Imam. On va sortir, on va sortir !!! Que le CNSP le comprenne, il ne peut pas confisquer notre démocratie. »

Le malheur de la junte militaire

« Nous sommes venus vous remercier, remercier le peuple malien pour son soutien. Nous n’avons fait que parachever le travail que vous aviez commencé et nous nous reconnaissons dans votre combat.» Cette déclaration fétiche faite par le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole du CNSP, à l’endroit du M-RFP, le 21 août 2020 à la Place de l’Indépendance, peut bloquer toutes les décision prises par le CNSP en son sein.

 

La preuve, après la déclaration de Issa Kaou N’Djim impliquant le nom de Mahmoud Dicko, le CNSP a fait un communiqué pour reporter la concertation. Dans ce document signé le même jour de la rencontre, les militaires évoquent des problèmes organisationnels. Mais sauf, le même jour dans la nuit des responsables du M5-RFP ont été reçus à Kati.

A l’issue de la rencontre, Dr Choguel Kokala Maiga a témoigné à la presse que les deux parties se sont comprises sur la démarche à suivre désormais. « Nous avons remis au CNSP notre vision sur la transition contenue dans un document. Ils nous ont demandé de leur accorder un temps pour l’étudier sereinement », a-t-il déclaré, tout en ajoutant que : « Nous leur avons communiqué le noms de deux personnes qui serviront d’interlocuteurs permanents entre le CNSP et le M5-RFP »

Quant à Issa Kaou Djim, il a souligné qu’il était important que cette rencontre se tienne pour éviter tout malentendu entre le M5-RFP et son partenaire stratégique. «Dans les jours à venir, nous aurons d’autres rencontres pour approfondir les échanges sur notre vision commune de la transition »,a-t-il ajouté.

Mécontent dans la matinée du 29 août 2020, l’on a finalement vu les responsables du M5 tous souriants dans des images prises aux environs de 20 heures du même jour à Kati. C’est dire que le CNSP est désormais embarqué par ce mouvement qui veut décider de tout, alors qu’il ne représente pas du tout l’ensemble du peuple malien.

Une nouvelle convocation !

Hier, 1erseptembre 2020, dans un autre communiqué, le CNSP convie à des journées de concertations nationales sur la gestion de la transition. Cette fois-ci, l’invitation est adressée spécifiquement au M5 RFP.

Ces concertations qui se tiennent  les 5 et 6 septembre 2020 toujours au centre international de conférences de Bamako, verront également la participation des partis politiques, des organisations de la société civile, des groupes signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et les mouvements de l’inclusivité, des organisations syndicales, ainsi que des associations et faitières de la presse.

Ousmane BALLO

Source : Ziré