Amadou Toumani Touré  ATT

Amadou Toumani Touré ATT

Pour tout le monde, ce sont des islamistes purs et durs, rejetant donc normalement les drogues, sous toutes leurs formes, qui combattent au nord du Mali. Pourtant, de très grands responsables de ces mouvements armés sont impliqués dans des trafics en tout genre, comme les cigarettes, le haschich et la cocaïne. 

Au mois de septembre, plusieurs sources nous signalaient l’interception par des combattants du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) d’un convoi de voitures tout terrain du MUJAO (Mouvement pour l’unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest) transportant de la cocaïne.

On devait en rester là car, l’info était à difficile à vérifier. Mais, qu’est devenue la cargaison ? A-t-elle été détruite, comme le soutient la MNLA? Ou bien a-t-elle été remise sur le marché par ce mouvement rebelle touareg ?

Dans tous les cas, il est avéré que certains responsables ou personnalités proches du MUJAO sont intimement liés au trafic de drogue au Mali. C’est une vieille histoire. Le fait que la cocaïne transite par cette zone, en provenance d’Amérique latine, pour rejoindre les rivages de la Méditerranée, ne date pas de la partition du Mali, en avril 2012. Dès 2007, lors d’une enquête à Bamako, il avait été constaté que ce pays était devenu une plaque tournante de la cocaïne, arrivant de Colombie, notamment, via la Guinée-Conakry, avant de repartir vers l‘Europe. Mais, ce n’était pas facile d’imaginer l’ampleur du phénomène. C’est la découverte, en novembre 2009, d’un Boeing 727-200 ayant transporté plusieurs tonnes de poudre blanche qui l’a révélé au grand jour.
Cette affaire a aussi démontré les complicités qui existaient, à Bamako, dans certains cercles du pouvoir, de l’armée et de la douane. En janvier 2012, Mohamed Ould Awaïnatt, un riche homme d’affaires de Gao, soupçonné d’être impliqué dans le trafic et incarcéré dans l’affaire «Air Cocaïne», avait été libéré. L’ordre venait du pouvoir de l’ex-président Amadou Toumani Touré, qui comptait sur Ould Awaïnatt pour lever des milices chargées de contenir l’avancée des rebelles du MNLA et leurs alliés. L’homme aurait, depuis, rejoint le MUJAO. Entre-temps, Miguel Angel Devesa, un ancien policier espagnol ayant joué un rôle central dans l’affaire de l’avion, lui aussi, a été libéré, ainsi que la plupart des autres personnes incarcérées dans cette affaire. 

Selon un document confidentiel circulant dans les milieux diplomatiques, d’autres personnalités importantes de la tribu lamahr, à laquelle appartient Ould Awaïnatt, sont mêlées à ce trafic. D’après ce document, un ancien ministre de l’ex-président ATT lié au MUJAO et au blanchiment d’argent du crime organisé a vécu un temps réfugié à Dakar. Les «barons» liés à cette mouvance auraient corrompu une bonne partie de la machine sécuritaire, grâce à la complicité «d’un commandant des douanes introduit auprès des chancelleries occidentales». Et Il y a quelques jours, la justice malienne a finalement lancé des mandats d’arrêts pour narcotrafic contre une brochette de personnalités. Parmi ces personnalités, ont trouve Baba Ould Cheikh, maire de Tarkint, soupçonné d’avoir trempé dans l’affaire «Air Cocaïne», Mohamed Ould Ahmed Deya dit Mohamed «Rouggy», un homme d’affaires de Gao, Mohamed Ould Sidati (maire de Ber), Adinadji ag Abdallah (maire de Aghelhock) et, à nouveau, Mohamed Ould Awainatt.

AQMI dans tout ça ? Les soupçons quant au rôle joué par des combattants d’AQMI, dans l’escorte de convois de cocaïne, ont également été évoqués, à plusieurs reprises, avant la crise actuelle. Le document confidentiel évoque, par exemple, des liens entre la Katiba d’Abou Zeid, à l’époque, principal chef d’Aqmi au nord, et un groupe de narcotrafiquants d’origine berabich de la zone de Tombouctou.
Alors, sont-ce, toutes ces transactions qui auraient été à la base de la détermination des islamistes de s’approprier le Nord Mali, avant l’intervention militaire française ? Des sources bien au fait n’écartent plus, en tout cas, le rôle de la drogue dans le conflit que vivent nos voisins.

Cheikh Ba
REWMI QUOTIDIEN