Il a fallu que le président français, Emmanuel Macron, vienne à Gao, pour rappeler que l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali est en retard. Pour lui, la France ne doit pas porter, seule, le fardeau de la guerre contre le terrorisme. Le G5 Sahel et l’Algérie doivent, selon lui, s’activer.

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Quoiqu’il soit disposé à lutter jusqu’au bout contre les Jihadistes, il ne tient pas à sacrifier ses compatriotes sur le terrain. Le langage est clair et direct. Le président IBK a répondu qu’il y a eu des avancées, telles que la conférence d’entente nationale et la mise en place des autorités intérimaires.Il faudrait aussi, a dit IBK, « que nos frères acceptent d’avancer au même pas que nous. » En fait, les délais fixés dans l’Accord pour la Paix donnent raison au président français. La période intérimaire, qui démarre immédiatement après la signature de l’Accord et s’étale sur une durée, allant de dix huit à vingt quatre mois devait assurer le retour, la réinstallation et la réinsertion des Maliens vivant hors du territoire national, ainsi que la réhabilitation des sinistrés. Le délai devait, aussi, garantir l’adoption des textes réglementaires, législatifs, voire constitutionnels, permettant de réviser la loi électorale. Il était prévu de tenir des élections, aux niveaux local, régional et national, au plus tard, trois mois après la signature de l’Accord, pour la mise en place des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord. Compte tenu de tous ces facteurs, on peut dire, sans conteste, que le processus de mise en œuvre de l’accord est largement en retard, malgré les satisfécits qu’on entend ça et là. D’autant plus que les attaques asymétriques n’ont jamais été aussi nombreuses, au nord, au centre et même au sud du pays, depuis la signature de l’Accord. Coté malien, la pression exercée par Emmanuel Macron est mal ressentie, d’autant plus que le président français, a insisté sur le volet développement qui met forcément en cause la gouvernance malienne. Faut-il, alors, s’attendre à de nouvelles relations franco-maliennes ? En tout cas, le président français a déclaré qu’il tient à agir dans la transparence, loin des réseaux de connivence franco-africains et des influences affairistes. Dans une récente interview, il a déclaré : « pour surmonter les éléments de fragilité du développement africain – sécurité, jeunesse peu formée, inégalités, dégradation des sols et réchauffement climatique – nous devons mettre en place un partenariat stratégique entre les Unions (européenne et africaine), qui renouvelle complètement les politiques existantes, pour sortir des logiques de charité ou de clientélisme et bâtir une relation politique et économique véritablement partenariale. C’est ainsi que l’Europe et l’Afrique pourront prospérer ensemble, défendre leurs intérêts mutuels et peser sur l’avenir de notre monde, aux côtés des États-Unis, de la Chine et d’autres puissances émergentes. »
Par ailleurs, Il estime que les Africains doivent signer les accords de réadmission. Interrogé sur ce point par la presse internationale, le président IBK a répondu : « Je ne souhaite pas qu’une mauvaise solution à cette question-là puisse leur réserver un sort très funeste, dans certains pays, où ils pourraient être transportés, par décision européenne. Donc, nous allons examiner la question et voir, avec les autorités françaises et européennes, laquelle sera la meilleure pour nous, les nôtres. C’est l’intérêt des Maliens qui m’intéresse et m’importe le plus. Je ne méconnais pas, pour autant, les contraintes qui sont celles faites aujourd’hui à nos amis européens. » Quoiqu’il en soit, le président IBK a laissé entendre que le président Macron est un homme d’une exquise courtoisie, un homme en possession absolue des dossiers. Il a ajouté qu’Emmanuel Macron sait de quoi il parle. « Il n’y a pas de comparaison à faire. Je pense que le président Macron l’a dit lui-même, c’est la suite d’une continuation de belle facture de ce qui a été entrepris, en janvier 2013, par le président Hollande, » a affirmé IBK. Il lui faudra toutefois compter avec un président qui veut complètement renouveler les relations politiques existantes entre la France et l’Afrique. Selon des médias internationaux, c’est IBK qui a insisté pour rencontrer Macron à Gao, car ce n’était pas prévu dans l’agenda du président français.

B.D.

Canard Déchaîné