Au commencement en 2013, les hommes de Hamadoun KOUFFA dans le milieu peulh de la région de Mopti ne dépassaient pas une petite centaine d’hommes. Hamadoun Kouffa se réclame de la philosophie d’Ansar Dine d’Iyad AG GHALY, mais son organisation a  semble-t-il sa logique interne. Son « Front de Libération de Macina (FLM) » est constitué par d’anciens éléments du MUJAO qui voient en son combat celui  pour la religion. Sa philosophie religieuse étant antagonique à celle de Sékou Amadou BARRY, fondateur  de la Dina du Macina, l’empire théocratique  peulh du Macina, rendait naturellement ce prédicateur très impopulaire à ses débuts. Dans son projet, figurait la destruction du mausolée  de l’érudit peulh sur le site de Hamdallaye,  ce qui était inconcevable pour tous les peulhs de la zone qui traditionnellement ne sont pas sunnites comme Kouffa et son mouvement.

Notre armée, les FAMA, a été l’une des principales pourvoyeuses d’hommes à Hamadoun KOUFFA à cause de l’amalgame et de la violence aveugle lors de ses interventions. Elle s’en est pris très souvent à des innocents, à des civils sans armes et en exposant parfois ceux-là même qui lui fournissaient les renseignements.

C’est pourquoi, partout où il y a des tueries des civils par l’armée, les pertes en vie de nos FAMA ont été énormes par la suite.

Selon les conclusions de l’enquête de la mission des Nations Unies au Mali sur les évènements de Boullikessi, dans le centre du pays, ce sont des militaires maliens de la force G5 Sahel qui ont procédé à une exécution d’une douzaine de civils le 19 mai 2018 au marché de bétails de cette localité, proche de la frontière avec le Burkina Faso, après la mort d’un soldat malien.

Chacun, des parents (cousins, frères, amis, oncles etc.) des victimes ont dû rejoindre ou ont été tentés de rejoindre Hamadoun KOUFFA, plus par vengeance que pour toute autre chose. Cela expliquerait, les attaques multiples du camp militaire dans cette localité et dans les environs de Mondoro et le massacre de nos Forces de Défense notamment le 30 septembre 2019.

“Mon oncle figure parmi les sept civils” qui assistaient “à une cérémonie de baptême le 21 février 2018 à Sokolo lorsque des militaires maliens sont venus les arrêter”, a déclaré à l’AFP Nouhoun Sarr, Président du Parti FAD, un parent des disparus.

En effet, 07 civiles tués le 21 février 2018 par nos FAMA lors de la célébration d’un baptême, la joie de la venue d’un nouveau-né s’est vite transformée en cauchemar.

De sources bien fondées, la plupart des bras valides des parents des victimes, n’ont pas résisté à la tentation de la vengeance et ont cherché à rejoindre les « jihadistes ».

Les représailles contre nos FAMA se multiplient ainsi dans la zone. Trois militaires sont tués le 17 juin 2019 dans la localité de SOKOLO.

Chaque amalgame et exactions commis sur les communautés ont enregistré leurs lots de terroristes et de revanchards. Face à l’amalgame et aux exactions, la guerre contre le terrorisme risque d’être  perdue d’avance.

Le châtiment  par procuration : dénoncés  par les tenants des droits humains et par les organisations internationales, les FAMA passent la main  aux  milices ethniques dites DOZOS pour tout ce qui concerne les civils  des villages de la zone des conflits.

Les milices dozos sont constituées et autorisées à agir impunément partout dans les régions de Mopti et Ségou. Koulhogo et Ogassagou vont ainsi marquer les consciences et les esprits au point d’amener le gouvernement à dissoudre la milice Dan Amassagou. Cette dissolution ne sera jamais suivie d’effet sur le terrain. Au contraire,  Dan Ana Ambassagou  est acceptée et est considérée par l’armée comme son appui et son alliée contre les « djihadistes », mais  en réalité  sa cible  a toujours été la population civile peulhe

Le 25 juillet 2018, au moins 17 à 18 civils peuls sont tués par des chasseurs dozos bambaras à Souména.

Le 7 août 2018, 11 à 14 civils peuls sont enlevés par des chasseurs dogons ou bambaras et tués dans le village de Kunti, près de Sofara

Le 1er septembre 2018, à Méou, dans le cercle de Djenné, neuf Peuls, dont un enfant, sont tués par des chasseurs dozos bambaras à Dankoussa, dans le cercle de Djenné

Le 8 septembre 2018, à Komboko, dans le cercle de Koro, les chasseurs de Dan Na Ambassagou ont tué 14 villageois peuls ;

Le 5 octobre 2018, à Djoulouna, dans le cercle de Douentza, au moins quatre villageois dogons, dont deux enfants, sont tués par des djihadistes.

Le 15 octobre 2018, 11 civils peuls sont massacrés par des hommes armés dans le village de Telly, près de Ténenkou.

Entre le 16 et le 22 novembre 2018, 12 civils peuls sont assassinés par des hommes de Dan Na Ambassagou dans le village d’Ouenkoro, dans le Cercle de Bankass.

Le 5 décembre 2018, à Lessagou-Peuhl, dans le Cercle de Bankass, 15 civils peuls, dont deux femmes, sont tués par des hommes de Dan Na Ambassagou selon Human Rights Watch

Le 29 mai 2019, deux Peuls, dont un malade, hospitalisé sont égorgés en pleine nuit par deux hommes militants de Dan Na Ambassagou à l’intérieur du centre de santé de Bankass et leurs cadavres jetés dans la cour.

Les vidéos à visages découverts continuent encore d’alimenter les réseaux sociaux, montrant des peulhs égorgés, dépiécés comme du bétail par des dozos de Dan Na Ambassagou dans les cercles de Koro et Douentza. Des images qui ne laissent aucun humain indifférent. Que dire des parents, amis et proches de ses victimes ? Quel salut pour ceux-ci ? Quelle autre alternative s’offre à eux ?

La liste est longue et non exhaustive.

Ainsi, chaque village où il eut des massacres a engendré  son lot de « djihadistes » et de « revanchards ».

L’Etat a ouvert des enquêtes pour l’ensemble de ces atrocités, mais aucun résultat, aucune conclusion à ce jour. Face à cette impunité patente, dépassant tout entendement, les djihadistes  ont certainement  profité pour recruter parmi les endeuillés et les assoiffés de vengeance.

A ce jour, les checkpoints  de Dan Na Ambassagou, sont encore là et nombreux sur certains axes dans la zone, notamment  l’axe Sévaré –Gao sur lequel  au niveau du village de  Pètaka (cercle de Douentza) où tout peulh est descendu du moyen de transport et systématiquement exécuté et laissé aux charognards. La situation est pareille sur la route du poisson reliant Sévaré- Bandiagara- Bankass- Koro.

Dans la zone de Boré (cercle de Douentza) un dogon est également systématiquement exécuté par des « djihadistes » peulhs.

Les checkpoints dogons de Dan Na Ambassagou quant à eux, ont la bénédiction et le soutien des FAMA. Par contre, toute milice peulh est systématiquement traitée comme « djihadistes » et combattue  comme telle.

Quelle alternative donc pour cette communauté devenue la cible de tous ? Pourquoi, un tel acharnement ?

Les cadres peulhs qui travaillent  pour restaurer  la cohésion et à un retour possible de la paix entre les communautés sont également frappés par l’amalgame à chaque fois qu’ils dénoncent et condamnent les tueries sur les civils et s’érigent contre les arrestations arbitraires d’innocents. Ainsi, le Prof Ali Nouhoum DIALLO a été accusé  de connivence avec les terroristes en plein Conseil des Ministres par Tiéman Hubert COULIBALY, alors Ministre de la Défense et qui a été rappelé à l’ordre par le Président de la République qui dit connaître mieux son camarade et sachant mieux de quoi il est capable.

Monsieur Babaly BA, a été accusé de tous les maux, notamment d’armer les djihadistes, de financement du terrorisme. Son seul pêché en fait, c’est d’avoir assister toutes les communautés de Diankabou (cercle de Koro) en vivres céréalières. Son pêché c’est d’avoir envoyé des camions pour extirper sa communauté menacée d’exactions dans la zone. Aujourd’hui, Conseiller économique du Premier Ministre, il continue de subir injustement et impunément la calomnie et la foudre des fossoyeurs de la paix.

Adam BA KONARE, épouse du Président Alpha O KONARE, Marraine de Tabital Pulaaku International a été traitée de tous les noms pour avoir dénoncé les exactions sur sa communauté et avoir appelé à la retenue afin d’éviter un génocide en gestation.

Maitre Hassan BARRY, est taxé de connivence avec les Djihadistes, de travailler à leur libération dans les prisons. Pourtant, il a été un acteur de taille dans l’obtention de la libération des militaires détenus par le Chef djihadiste. Son péché, est d’avoir dénoncer les exactions, les détentions arbitraires de civils peulhs.

Le cas d’amalgame le plus pathétique est l’arrestation de Mme BENGALY Sadio BARRY. Une mère de famille travaillant dans les carrières (extractions des pierres). Elle a été arrêtée parce qu’elle détenait des explosifs utilisés à cet effet par tous ceux qui travaillent dans le domaine et plus précisément des femmes. Son seul péché en fait c’est d’être peulh et de porter le nom BARRY. Elle a été arrêtée le 06 juillet 2018 et transférée à Bollée. Pourtant la pauvre dame, n’a jamais franchi de sa vie les alentours de Bamako, elle n’est jamais arrivée même à Koulikoro. Elle n’a aucun lien dans le centre pour être née à Bamako, grandie à Bamako.  Toutes les femmes travaillant dans ces carrières détiennent ces explosifs comme leur outil de travail, mais elle est la seule à être arrêtée sans qu’aucun lien ne soit établi entre elle et des éléments extérieurs au travail. L’amalgame y était flagrant aux yeux de son époux (M. BENGALY) et de toutes ses connaissances dans le quartier.

Au-delà de toutes ces considérations, la question qui se pose est de savoir pourquoi la constitution d’une milice purement ethnique ? Pourquoi cette revendication subite d’un territoire à connotation ethnique ?  Est-ce à dire que le « Pays dogon » signifie que seuls les dogons doivent demeurer dans cette partie du territoire ? Est-ce à dire que tous ceux (Peulhs, Dafings, Mossi, Bellas, sonrhaïs etc.) qui y vivent ou vivaient  sont des étrangers ?

Cette situation ne s’apparente-t-elle pas à une épuration ethnique ? La voie n’est-elle pas ouverte pour un génocide ?

Une guerre asymétrique ne se gagne pas par les armes, c’est une guerre de conquête des cœurs qu’il faut mener auprès de toutes les communautés. C’est un combat contre l’injustice et l’impunité qui peut faire gagner la guerre.

Le film « la chute du faucon noir » est plein d’enseignements. La somalisation du Mali, pourrait venir  de la cabale contre les peulhs qui constituent le ciment de la société malienne et qui sont présents en grand nombre dans toute la sous-région. N’est-ce pas  pourquoi cette guerre s’est vite transportée au Burkina et au Niger ?

Le film « Hôtel Rwanda » illustre également la similitude du conflit en cours dans notre pays.

Pour gagner cette guerre contre les obscurantistes, il faut nécessairement :

  • défaire et désarmer les forces de Hamadoun KOUFFA en créant s’il le faut une seule milice peulh-dogon à défaut de les désarmer toutes.
  • Mettre fin à l’existence de toute milice à caractère ethnique. Ces milices ont toujours été le point de départ des exactions et des génocides.
  • Lever tous les checkpoints à caractère ethnique
  • Construire la route SEVARE-GAO, afin de fermer tous les nids de poule (utilisés pour la pause des mines),
  • Escorter tous les véhicules de transport en commun de Sévaré à GAO. .
  • Favoriser le retour de tous les déplacés sur leurs terres.
  • Créer un cadre de concertation permanent entre les cadres des communautés ressortissantes résidents à Bamako.
  • Sanctionner tout acte de barbarie et mettre fin à l’impunité
  • Diligenter les enquêtes et rendre publiques leurs conclusions.

Pour gagner cette guerre, seule l’armée malienne peut y parvenir, en regagnant la confiance de  sa population et notamment la plus vulnérable. En la rassurant et en se mettant à ses côtés. Il faut que nos FAMA s’érigent en « ange » au point que la population diabolise les « djihadistes ». Pour cela, il faut également qu’elle cesse ses relations troubles avec les miliciens de Dan Na Ambassagou.

Cette guerre est à la nôtre,  à nous tous et aucune force étrangère ne peut la mener à notre place et pour la gagner ce n’est certainement pas  seulement avec des armes ou  d’autres  moyens sophistiqués. Ce serait avec intelligence et avec toutes les populations.

L’acceptation résignée de l’injustice n’est jamais synonyme de paix. Il faut donc bannir l’injustice et l’impunité

Le Premier Ministre, Dr Boubou CISSE, contrairement à son prédécesseur, incarne aujourd’hui l’espoir de tous, malgré les quelques balbutiements. Ses actions ont permis d’endiguer le désastre qui avait été amorcé avant lui.

.Hamadoun BAH

Auditeur en Maintien de Paix –EMP ABB-

Auditeur en Gestion des Conflits post-crises – Sciences politiques Grenoble- France/

Source: Journal Aujourd’hui mali