Dans une lettre ouverte, Dr IBRAHIM Ikassa Maiga, interpelle les députés de l’Assemblée nationale française, sur la crise malienne et au Sahel. “Rétablir la vérité des faits pour une saine appréciation des choses, c’est là le sens de la présente Pétition-Lettre Ouverte !”, précise l’auteur de cette correspondance.

 Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous,

Citoyens de la République du Mali ;

Associations et Organisations de la société civile ;

Universitaires, Intellectuels, Hommes de Culture et de Médias ;

Leaders d’opinion, Politiques, Activistes, Hommes, Femmes et Jeunes, toutes obédiences confondues ;

 Meurtris par l’évolution dramatique et chaotique de la situation socio-sécuritaire actuelle en République du Mali, notre Patrie, notre Nation issue de l’Histoire millénaire ayant charrié les Empires du Ghana, du Mali, du Songhoy,… avec d’emblématiques cités-métropoles comme celles de Koumbi-Saleh, Niani, Gao, Tadamakat et des plus célèbres encore comme Tombouctou, Djenné,… ;

 Abasourdis par l’insaisissabilité des tenants et aboutissants de la crise multidimensionnelle sévissant au Mali et, progressivement, dans des pays du Sahel, mais aussi et surtout par l’indicible amalgame dans la lecture qui est faite du drame malien sous le prisme des allusions au djihadisme-salafisme, à l’irrédentisme-séparatisme, au droit prétendument méconnu de peuples à disposer d’eux-mêmes, à des conflits aux supposés relents intercommunautaires ou interethniques, etc. ;

Prenons, par la présente, la liberté de nous adresser à vous, Parlementaires au sein de l’Auguste Assemblée Nationale de la République française, Pays des Droits d’Homme et du Citoyen, des Libertés et de la Démocratie.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous avons appris avec une grande affliction la mort, ce 26 novembre 2019, de treize (13) soldats français de l’Opération Barkhane au Sahel, et présentons à leur famille respective, à vous les représentants de la Nation et au Peuple français, nos condoléances les plus émues.

Au demeurant, nous avons été séduits, malgré la pénibilité de la circonstance, par la promptitude avec laquelle, vous, Elus de la Nation française, aviez interpellé votre Exécutif, en séance plénière publique, pour s’expliquer sur ce drame qui a fauché, dans la fleur de l’âge, des Officiers, Sous-officiers et Soldats de l’armée française au Mali.

Nous avons été émerveillés, au-delà de la contingence malheureuse, par le cérémonial des messages de condoléances et des standing-ovations des Elus nationaux en hommage aux « Morts pour la France », avec une subséquente résonance empreinte de la même solennité dans le reste de la société française, y compris sur le tarmac de la base aérienne qu’occupe l’Opération Barkhane à Gao, en présence de la Ministre française des Armées prestement arrivée pour la circonstance.

Fort malheureusement, cet environnement de peines, de pleurs et d’interrogations est bien le quotidien ambiant sous nos cieux, au Mali, le nombre de morts civils et militaires depuis le 1er janvier 2019 frôle les mille âmes portant à près de cinq mille (5.000) le décompte macabre des victimes de la crise depuis une demi-douzaine d’années. Que de victimes d’attentats et d’attaques terroristes, que de villages entièrement calcinés avec femmes, enfants, vieillards, bétail, vivres et biens,… que de morts civils et militaires dont la plupart précipitamment enterrés dans l’anonymat total des fosses communes, sans identification, reconnaissance ni hommage, que d’orphelins et de veuves, que de mères et familles endeuillées et inconsolables !

Tout cela, pour le commun des Citoyens, jure avec la forte couverture militaro-technologique du territoire malien et sahélien, où cohabitent les Forces armées et de sécurité nationales, des groupes armés rebelles et d’autodéfense signataires d’un Accord dit de paix et de réconciliation, mais aussi des Forces françaises de l’Opération Barkhane de près de 4.500 hommes, de celles du Tchad de 1.500 militaires, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA, avec plus de 14.500 hommes), des Forces conjointes du G5-Sahel de 5.000 militaires dédiées à la lutte contre le terrorisme transfrontalier au Sahel, et autres équipes de formateurs-instructeurs européens au titre de l’EUTM et l’EUCAP, etc.

C’est dans une telle « atmosphère high-tech », de moyens humains, logistiques et technologiques de renseignements, de satellites, de drones à vision nocturne et thermique, d’écoutes téléphoniques et satellitaires, d’avions de surveillance et d’escadrilles supersoniques, d’opérations « combinées »,… que de « groupes terroristes » à peine évalués à trois mille (3.000) combattants, arrivent à déjouer tous les dispositifs opérationnels et à porter des coups meurtriers dans les rangs de cette armada internationale et sous-régionale. Une grande incompréhension subsiste !

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous avons suivi avec intérêt vos séances de questions-réponses en plénière et en commission avec le Premier ministre, M. Edouard PHILLIPE et ses Ministres chargés respectivement des Armées, de l’Europe et des Affaires étrangères, Mme Florence PARLY et M. Jean-Yves Le DRIAN.

Et, autant la pertinence des interrogations parlementaires nous a persuadés de la pleine conscience des incompréhensions qu’alimente la gestion de la crise malienne, autant l’approximation des réponses gouvernementales nous a convaincus que des actions soutenues de communication, d’information et de rétablissement des réalités de la crise malienne, sont aujourd’hui nécessaires à votre endroit, vous Représentants du Peuple, et à l’égard de toute l’opinion française, européenne et internationale, afin que vous en soyez imprégnés pour opiner et agir désormais en connaissance de cause. Le philosophe Averroès ne dit-il pas que « L’ignorance (de la réalité des faits !) mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence ».

Rétablir la vérité des faits pour une saine appréciation des choses, c’est là le sens de la présente Pétition-Lettre Ouverte !

Les appréhensions et questions de certains élus parlementaires nous ont tenus en haleine, en l’occurrence celles de MM. Bastian LACHAUD (La France Insoumise), David HABIB (Socialistes), Vincent LEDOUX (UDI) et Mme Marielle De SARNEZ (Présidente de Commission), tant leur sincérité et leur acuité font transparaître tout le désarroi que des élus et, certainement, beaucoup de citoyens français, partagent avec les populations maliennes et sahéliennes face à l’insaisissabilité de la crise multidimensionnelle qu’elles vivent au plus profond de leur chair et de leur âme.

Quelles sont les réalités du conflit malien et sahélien ? Quelle est la stratégie d’actions du gouvernement français et pour quel cap ? Quels sont les enjeux de l’intervention française au Mali et au Sahel ? Quelle est le bilan géostratique de l’intervention française au Mali ? Quelles sont les raisons de la montée perceptible du « sentiment anti-français » au Mali ? Que reste-t-on à faire au Mali si la France y perd la bataille de l’opinion malienne ? Quelle est la stratégie globale définie pour vaincre l’hydre terroriste ? Telle est la trame des questionnements soulevés par les uns et les autres !

Dans une émission animée sur le plateau de la chaîne France 24 (https://www.france24.com/fr/20191127-debat-mali-soldats-armee-francaise-operation-barkhane-sahel), l’honorable député LACHAUD renchérit : pourquoi en 2013, à l’appel du gouvernement malien, deux avions français Rafales ont suffi pour repousser les colonnes djihadistes aux confins des frontières limitrophes du Mali, puis on a décidé d’y rester, sans avoir consulté le peuple français ? Comment, depuis près de sept ans, décide-t-on de passer d’une solution militaire à une autre, sans une évaluation de la stratégie jusque-là mise en œuvre ?

Face à la précision et à la consistance de ces raisonnements interrogatifs, les réponses données par les représentants du gouvernement français ont sacrifié l’exactitude des réalités à l’autel de l’ambiante émotion de deuil des élus nationaux, avec des argumentaires construits sur des généralités : usage politique des Forces armées, crainte de la déstabilisation des Etats, soutien aux Forces armées locales et conjointes, mobilisation des forces spéciales européennes à intégrer à l’Opération française Barkhane, stabilisation et action humanitaire à travers l’Alliance Sahel, etc.

Mais, la solution « magique » largement promue par le ministre Jean-Yves Le DRIAN, est comme il l’a dénommée « l’action politique » où les engagements pris (là, il faut y insister !) doivent être respectés comme le DDR (Démobilisation-Désarmement-Réinsertion des combattants), la Décentralisation, le retour de l’Etat malien à Kidal, la lutte contre le terrorisme… et, en un mot, procéder à l’application de l’Accord dit pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé les 15 mai et 20 juin 2015 entre le gouvernement du Mali, la rébellion armée et les groupes d’auto-défense locaux. Et, « une fois l’émotion passée, cette stratégie sera mise en œuvre » (sic) ajoute, péremptoire, le Ministre Le DRIAN. Il (Le DRIAN) continue en suggérant la même solution « politique » pour le cas du Burkina Faso (et certainement pour le Niger), alors même que la nature des crises, qui sévissent de part et d’autre, n’est nullement identique pour ces différents pays, eussent-ils le Sahel en commun.

Le comble est atteint quand, ce vendredi 29 novembre 2019, sur les ondes de RFI, le Chef d’Etat-major des armées françaises, le Général François LECOINTRE, a osé déclamer que « La France, quand elle a lancé l’opération “Serval”, n’est entrée en connivence avec personne. (…) Au sol, c’était les soldats français, seuls », comme pour exorciser les affres d’une mauvaise conscience.

Et là, et de beaucoup de ce qui précède, vous, Honorables Députés, êtes induits en erreur, privés que vous êtes de la réalité, de la vérité que nous, Maliennes et Maliens, avons vécu, que nous vivons et dont la non-prise en compte nous empêche ainsi de sortir de cette dramatique et inexplicable situation instable menaçant notre République, notre Nation !

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

Pour une pleine compréhension de la réalité malienne, il sied de rétablir le déroulé des faits dans leur chronologie.

En janvier 2012, une rébellion séparatiste déclenchée par le MNLA (formé par des Touaregs maliens résidant en France, des tout-venants de la Libye en crise lourdement armés et de déserteurs récidivistes de l’armée malienne) associé à ses affidés de groupes salafistes-djihadistes (AQMI, Ansar-Dine, MUJAO), a horrifié toute la Nation malienne et le monde civilisée qui découvrirent, en ce début d’année, les corps inanimés de près de cent soldats froidement assassinés, soit égorgés ou éventrés et laissés à l’air, dans leur camp à Aguel-Hoc, dans la Région de Kidal, au Nord du Mali.

Dans la foulée, l’équipée sanglante déferla sur le reste du pays, sur fond de putsch contre les institutions du pays, suivi d’une déclaration d’indépendance d’une fantomatique république de l’Azawad annoncée sur les plateaux de France 24 à Paris, et relayée avec bienveillance sur RFI et TV5-Monde, le pays s’en trouvera coupé en deux, pendant au moins neuf mois.

Entre temps, l’alliance MNLA/Groupes djihadistes scelle une union se muant en « république islamique de l’Azawad », qui fit long feu, quand les têtes à penser du MNLA basées en France décommandèrent ce ménage dangereux à leur « image », qui éclata définitivement quand les groupes salafistes-djihadistes eurent bouté hors du territoire malien les indépendantistes du MNLA, défaits militairement et sans légitimité ni politique, ni populaire ni territoriale.

Confiants de leur hégémonie sur les deux-tiers du territoire national, les groupes salafistes-djihadistes fondirent sur le reste du pays et butent sur la résistance des forces armées maliennes à Konna, en janvier 2013. C’est en cette circonstance que le gouvernement intérimaire malien fit appel à l’aide militaire française, qui déclencha l’Opération française “Serval” non sans avoir forcé la main au gouvernement malien de « transformer » une demande d’intervention simplement aérienne en une intervention au sol (voir Emission «Cellule de crise» : https://youtu.be/YhRg3DGq6u4).

Pourtant, pendant que la France aidait le Mali, dans un élan de solidarité internationale et d’assistance militaire couvert par la légalité internationale, à chasser la horde de salafistes-djihadistes de Konna et au-delà, paradoxalement ce même gouvernement français posait un acte d’inimitié sans précédent contre le Mali en installant subrepticement à Kidal les irrédentistes et indépendantistes rebelles, pourtant défaits à Gao et chassés hors du pays en mi-2012.

En un mot, le Mali en janvier 2013 n’avait qu’un problème d’invasion djihadiste, justifiant la demande d’assistance militaire par la France: il n’y avait donc plus de rébellion ; elle a purement et simplement été recréée par l’intervention française à l’insu (?) du gouvernement intérimaire malien.

Cet état de fait est amplement confirmé par l’ancien diplomate français, Nicolas NORMAND, qui a écrit et défendu au fil de la presse que le gouvernement français « a donné le Nord du Mali aux séparatistes… » (TV5-Monde : Nicolas NORMAND Interviewé sur son ouvrage : Le grand livre de l’Afrique : https://youtu.be/jfvek70LxlY).

D’ailleurs, un autre diplomate, bien au fait des dessous des cartes de cette Commedia Dell’arte, en la personne de l’ambassadeur de France à Bamako à l’époque des faits, Christian ROUYER, renchérit qu’il s’était, avec l’intervention française de l’Opération « Serval », catégoriquement opposé à la collaboration de l’armée française avec les rebelles touarègues ; ce qui lui a valu d’être, quelques semaines après, démis de ses fonctions (voir op. cit. «Cellule de crise»).

Et sur ce point, nous estimons que vous vous faites déjà une nette religion sur la véridicité des propos ci-dessus rapportés du Chef d’Etat-major des armées françaises, le Général François LECOINTRE, ce vendredi 26 novembre 2019.

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

L’Opération « Serval » a pourtant été, dès à ses premières heures, une réussite fulgurante, puisqu’elle avait été minutieusement préparée par les autorités françaises qui avaient pu suivre, des mois durant, l’évolution en temps réel de la situation dans les Régions du Nord du Mali, par des moyens de surveillance et de renseignement technologiques (voir ibidem «Cellule de crise» : https://youtu.be/YhRg3DGq6u4).

Cette traque faite en appui des troupes maliennes, a fini par une chasse à l’homme systématique contre les colonnes terroristes en débandade, jusque dans les confins des montagnes de l’Adagh des Ifoghas, de l’Adagh d’Ouzzeïne, de la vallée de l’Amétataye, et au-delà dans le Tanezrouft à la frontière algérienne ou même dans leur fuite vers les forêts du Wagadou à la lisière de la Mauritanie, voire dans leur repli vers le Sahara Occidental.

En une dizaine de jours, la mission est accomplie, et le Président français de l’époque, François HOLLANDE, a pu jauger le bonheur et l’honneur que les Citoyens maliens manifestaient à l’endroit de la France à travers sa personne. Nous en sommes à jamais reconnaissants à la France, qui a ainsi aidé à libérer le Mali de la menace obscurantiste et de la terreur envahissante. Ce jour, nous avons pu vivre en grandeur nature, dans des proportions bien moindres, le sens de l’accueil euphorique que Paris et le reste de la France offrirent à l’Alliance antinazie, à la Libération de 1944-45.

Seulement, à l’entrée de la zone de Kidal, l’euphorie des Maliens fut de courte durée : l’armée malienne est stoppée et éconduite… puis la rébellion, précédemment défaite et éparpillée aux quatre vents, a été subrepticement reconstituée et réinstallée à Kidal ! Et même certains salafistes-djihadistes notoires, objet de mandats judiciaires pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (finalement libérés contre des otages français), furent adoubés, d’abord en Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) vite converti en Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), aux apparences djihadistes moins visibles.

Ceci dénote d’une déloyauté des représentants de la France vis-à-vis du gouvernement intérimaire et du peuple malien, et qui a créé une saine incompréhension vis-à-vis des intentions réellement nourries par la politique française au Mali. Est ce du néocolonialisme ? Est-ce de la géostratégie ou de la géopolitique économique ?

D’ailleurs, que n’a-t-on assisté à moult battages diplomatiques et médiatiques de hauts responsables français, comme M. Laurent FABIUS, Alain JUPPE, Jean-Yves Le DRIAN (encore lui !), tous ministres interchangeables à dessein, dans un jeu de chaises musicales bien huilées pour la même cause, vantant des « victoires militaires des rebelles », leurs « amis » (sic) et imposant au gouvernement malien la négociation et la signature aux forceps d’un Accord dit pour la paix et la réconciliation, non sans avoir fait ravaler à l’Etat malien ses douze pages de réserves.

C’est le lieu de rassurer tout un chacun que le « sentiment anti-français » évoqué çà et là ne se rapporte qu’au ressentiment bien justifié à l’encontre de la politique du gouvernement français, et cela est bien loin de l’amitié historique entre nos deux peuples, à l’image des liens de jumelage connus de tous comme ceux scellés entre les régions et villes maliennes et françaises respectives de Bamako avec Angers, Yélimané-Montreuil, Ségou-Angoulême, Diéma et Mazarin, Mopti et Ille-Et-Vilaine, Djenné-Vitré, Bamba-Longjumeau, Gao et Thionville, entre bien d’autres.

Au demeurant, pour mieux vous rassurer, aucun résident français, européen ou simplement de teint caucasien ne fait l’objet d’un quelconque écart, même mimique, gestuel ou verbal, de la part d’un citoyen malien, qui le dissocie, comme cela a toujours été, de la politique gouvernementale française : il n’y a pas de « sentiment anti-citoyen français », à ce jour au Mali ! Le vivre ensemble, la tolérance, l’interpénétration des communautés humaines et civilisationnelles, l’honneur dû à l’hôte (notre légendaire Djatiguiya), ça se sait et se pratique au Mali, et de bien longue date que la mémoire humaine ne puisse retenir !

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

L’attitude des autorités gouvernementales françaises dénote d’une inimitié criarde à l’égard du Peuple malien qui avait pourtant été débarrassée de la rébellion, la boîte de Pandore de la crise malienne, et que la France (comme si c’était l’objectif principal de son intervention au Mali) s’est employée à réinstaller avec armes et bagages, comme pour reconstituer le scénario de janvier-mars 2012, certainement remis en cause à l’époque, par la déferlante djihadiste (inattendue ?).

En effet, M. Alain JUPPE, ministre des affaires étrangères français, était expressément venu à Bamako (Mali) pour exiger du Président malien Amadou. T. TOURE d’ouvrir un « dialogue inter-malien nécessaire » avec la nouvelle rébellion du MNLA (sic), pompant du coup de l’eau au moulin des forts soupçons établissant que cette rébellion fut conçue à Paris, scellée en Libye et exécutée en terre malienne, pourtant non frontalière et distante d’au moins 800 kms de la Libye, qui croulait, à l’époque sous les bombes de la France de Nicolas SARKOZY, sous le couvert de l’OTAN, malgré les réticences avisées des chefs d’Etats africains relativement aux conséquences incommensurables de la déstabilisation de Libye.

De rébellion « touarègue », parlons-en !

Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une infime minorité de ressortissant des régions du Nord du Mali, qui nourrit une prétention indépendantiste, sans aucune légitimité que celle tirée de la terreur au bout de canons scélérates retournés contre leurs frères d’armes par des déserteurs multirécidivistes de l’armée malienne, ou de l’armement lourd ramener par des supplétifs d’origine malienne de l’armée prétorienne de Kadhafi déchu en Libye ou même de la logistique roulante servant à toutes sortes de trafics humains, d’armes et autres articles de contrebande… dans le Nord du Mali, à l’Est de la Mauritanie et au Sud de l’Algérie.

Ayant scellé une alliance avec les salafistes-djihadistes, et procédant de la même technique de guerre asymétrique (attaques à la roquette, embuscades, guérillas, explosifs improvisés, etc.), le MNLA et associés, même après le déclenchement de l’Opération « Serval », développèrent un système bien rodé de vases communicants avec les mêmes acteurs, s’inter-changeant à souhait autour et dans Kidal, le tout sous l’œil bienveillant des forces Barkhane et Minusma. Ce n’est un secret pour personne aujourd’hui que les mêmes personnes, dans la zone de Kidal, sont « rebelles le jour, djihadistes-terroristes la nuit », dont les attaques scélérates contre les forces régulières sont vantées par les médias-mensonges français comme RFI et France 24, qui en font presque l’apologie tout en se délectant de la « faiblesse des Forces armées maliennes » trahies. Toute chose confirmée par le rapport de l’Observateur Indépendant aux Nations Unies.

C’est d’ailleurs cette situation inacceptable que par le Président nigérien Mahamadou ISSOUFOU dénonce, au long court, en établissant que toutes les attaques terroristes contre le Niger à partir du territoire malien partent de Kidal. Pendant ce temps, l’Etat malien est tenu bien loin à l’écart, interdit d’accès à Kidal, chasse gardée du MNLA et affidés, surprotégés par le tandem Barkhane-Minusma, qui avaient, en mai 2014, observé sans férir les groupes rebelles tirer à la roquette sur le gouvernorat de Kidal où le Premier ministre du Mali tenait une séance de travail avec l’Administration locale, causant par la suite des dizaines de morts et de blessés parmi les agents étatiques. Dont acte !

Par ailleurs, en juillet 2016, de rudes combats avaient opposé le MNLA et associés au GATIA (Groupe d’autodéfense touareg Imghads et Alliés, majoritairement originaires de Kidal) regroupant la plus grande frange armée d’autodéfense de la communauté touarègue. Il est alors apparu au grand jour que, lorsque le GATIA avait effectivement récupéré et occupé plusieurs quartiers de la ville de Kidal, des renforts issus des rangs djihadistes d’Ansar Dine sont rentrés aux côtes de la CMA, qui ne pesait militairement pas en grand-chose.

L’Etat malien, à qui une nouvelle rébellion fut imposée dans les conditions qu’on sait désormais, est contraint à négocier, presque en catimini, et à signer un Accord dit pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Cet Accord, dont l’application est instamment demandé par M. Le DRIAN, jusque devant vous Elus nationaux, ce 27 novembre courant, n’a jamais été l’objet d’un débat ni en Conseil des ministres au Mali, a fortiori à l’Assemblée nationale, encore moins devant notre Cour constitutionnelle, alors même que son contenu engage le gouvernement et le Peuple sur la voie d’une refondation totale de notre Etat, avec de forts enjeux en matière de bicaméralisme, de création de « Région-Etat » (au-delà d’une simple décentralisation, déjà opérationnelle depuis 1997), etc.

Et pire, au fil de cette application scabreuse de l’Accord, on a substitué aux organes élus des collectivités des « autorités intérimaires » essentiellement constituées de groupes armées en violation de la loi, on a voulu procéder en catimini à un découpage-dépeçage territorial tendant à « faire d’une minorité démographique une majorité démocratique », dans des zones où l’Etat central est complètement absent, comme pour accélérer la partition du pays tant recherchée.

Et bizarrement, ni le gouvernement malien, ni la communauté internationale encore moins les groupes armés ne se focalisent sur les aspects importants de l’Accord dans le sens de la stabilisation du Mali, comme le cantonnement et le désarmement des combattants.

L’adhésion populaire audit Accord fait aujourd’hui défaut, et malgré les pressions et forcing de tous genres exercés par le Conseil de sécurité de l’ONU, la MINUSMA, le gouvernement français, le gouvernement malien, le MNLA et alliés de la CMA, l’écrasante majorité des forces civiles, sociales et politiques n’a pas compris et acquiescé le fameux Accord. L’inefficacité de la MINUSMA s’explique-t-elle par le fait qu’elle est quasiment dirigée par des français ou des profrançais qui ont instrumentalisé la force onusienne, et que finalement sa mission est dédiée à des intérêts inavoués.

La minorité de Touaregs animant le MNLA et réclamant urbi et orbi l’application de l’Accord, représente à peine 2% de la population malienne et pas plus de 10% de la population du Nord du Mali. On se demande où sont les principes de droit et de démocratie, d’égalité et d’équité, de justice,… qui font la réputation de la France, de l’Europe et de l’Organisation des Nations-Unies, qui exigent, injustement, tant des Maliens. Le ministre Le DRIAN a poussé le cynisme jusqu’à déclarer qu’au Mali « coexistent deux peuples », tout insistant sur « l’amitié » des Français avec la « rébellion touarègue » avec qui ils ont décidé de travailler pour lutter contre le terrorisme, dans la veine de l’adage « l’ennemi de mon ennemi,… ». Et du coup, le général LECOINTRE s’en trouve amplement contredit, et de haut.

Au demeurant, la France qui n’a jamais toléré les revendications autonomistes de ses propres mouvements indépendantistes corse, breton, basque, canaque et autres, qui ont été combattus et neutralisés avec véhémence, au lieu d’aider le Mali à faire autant, on l’oblige au contraire, avec l’activisme de certains membres de son gouvernement et ses diplomates zélés comme Hervé LADSOUS, Jean-Pierre LACROIX, Joël MEYER…, à signer et appliquer un Accord pourtant inapplicable tant dans son contenu que dans son chronogramme. L’Accord d’Alger prône la partition du Mali, sinon le fédéralisme au Mali, et à long terme, la dislocation du Mali voire sa disparition.

Aux protagonistes maliens ayant signé l’Accord issu du processus d’Alger, en l’occurrence l’Armée malienne, les Groupes armés rebelles et les Groupes armés d’autodéfense, s’ajoutent les forces onusiennes de la MINUSMA, les Forces armées vaillantes du Tchad, la Force française Barkhane, et plus tard la Force G5-Sahel, avec comme vocation d’aider le Mali à se stabiliser et à lutter résolument contre le terrorisme national et transfrontalier.

Auparavant, comme rappelé plus haut, c’est l’Armée française qui a pu facilement appuyer celle du Mali pour débarrasser, à partir de Konna et Diabaly, les régions septentrionales maliennes des forces obscurantistes terroristes, parce que les armées régulières ont, avec les moyens de renseignement et les avions Rafales français, pu localiser, identifier, suivre à la trace, traquer et neutraliser les combattants terroristes aussi nombreux que disparates sur plus des trois-quarts du territoire malien.

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

De ce qui précède découle une série d’appréhensions et de questionnements de nature existentielle pour le Mali, et dont une bonne part des réponses attendues se trouvent au niveau des autorités exécutives françaises et/ou européennes, comme suit :

Comment l’armée française, qui a si facilement réussi, avec une stratégie tactique payante d’identification des positions et itinéraires des terroristes en vue de leur neutralisation, a accepté de s’accommoder avec la présence de toutes sortes de troupes éparpillées sur tout le septentrion malien, si tant est l’intention d’être efficiente contre les terroristes comme aux premières heures de l’Opération Serval ?

Pourquoi avoir abandonné la recette gagnante qui a consisté à maîtriser le terrain par les moyens de renseignements technologiques, aériens, humains et logistiques, en confinant toutes forces non belligérantes dans des zones et sites bien identifiés, pour pouvoir facilement traquer les terroristes qui auront l’obligation de se mouvoir et de se découvrir pour être frappés et neutralisés ?

Pourquoi l’assistance militaire française et internationale est devenue inefficace contre le terrorisme, alors que des responsables militaires et du renseignement français sont au cœur du dispositif militaire malien et de la MINUSMA, sans une véritable coopération et coordination adéquate des stratégies et actions contre le terrorisme ?

Pourquoi on a l’impression que toutes les conditions sont créées et entretenues pour maintenir l’enclave de Kidal, alors qu’il est de notoriété qu’une bonne partie des attaques djihadistes s’y préparent ou s’y replient, comme l’a décrié le Président Mahamadou ISSOUFOU du Niger, et sous la bienveillante couverture de la Force française ?Comment comprendre que les attaques djihadistes ne visent que les positions des troupes gouvernementales maliennes ou des autres troupes qui ne sont pas en odeur de sainteté avec le MNLA/CMA telles que celles du Tchad ou du GATIA ou même du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), dissident de la CMA ?

Comment comprendre qu’avec toute cette armada de moyens de renseignements technologiques, humains et aériens, la Force Barkhane n’assiste pas les militaires maliens, lors des multiples attaques meurtrières qui les déciment à Nampala, Dioura, Gourma-Rharouss, Tabankort, Boulikessi, Mondoro, Konna, Indelimane, … ?

Comment comprendre qu’avec cette superpuissante force française militaire, aucun secours ne vient aux soldats maliens, sous le feu des salafistes-djihadistes, et pire, les terroristes auront eu, après leurs forfaits, le large temps de bivouaquer et d’écumer les camps asservis, durant des heures pour tourner leurs macabres vidéos de propagandes et se retirer gaillardement, sans aucunement être inquiétés ?Pourquoi le gouvernement français n’explique pas assez comment il a insisté sur une intervention au sol, aux aurores de l’Opération « Serval », et décidé de rester au Mali, toute chose qui vaut aux soldats français de mourir de la manière dont ils le sont, alors que la neutralisation systématique de tous porteurs irréguliers d’armes aurait été plus efficace, sans nécessiter une intervention terrestre des forces françaises ?

Comment comprendre qu’un Etat souverain subit des atteintes tous azimuts à sa dignité, et se voit imposer des opérations militaires de toutes sortes, comme l’annonce d’une énième opération franco-européenne dite « Takuba, le Sabre Scélérate » ou comme l’« autorisation » donnée depuis Paris par MACRON au Premier ministre du Mali de se rendre à Kidal… dans les prochains jours ?

Que sont devenues les multiples aides financières, dont la cagnotte est directement gérée par les autorités françaises, tant pour le réarmement des Forces de défense et de sécurité du Mali (deux milliards d’euros), et pour l’appui à la Force conjointe du G5-Sahel ?

Pourquoi justement, alors qu’aucune raison apparente ne le justifie une fois l’Accord signé depuis mai-juin 2015, garder cette enclave de Kidal contre l’Etat malien du pour les séparatistes qui y célèbrent annuellement leur déclaration d’indépendance avec parade militaire et fanions, allant jusqu’à piétiner, voire brûler le drapeau national du Mali au vu et au su des autorités françaises et onusiennes, invitées d’honneur pour la circonstance ?

Comment la France, en tête de la communauté internationale, ne peut entendre et accompagner le cri de détresse de la population malienne demandant simplement de comprendre les tenants et aboutissants de l’Accord à l’élaboration duquel elle (la population nationale, première concernée) n’a pas été associée, et le cas échéant, procéder à sa nécessaire relecture, si tant est qu’une telle hypothèse est simplement impensable à l’égard du Peuple français ou d’un quelconque Etat d’Europe ?

Pourquoi ce penchant très fâcheux dans la politique française au Mali de vouloir loger l’Etat du Mali à la même enseigne que de simples groupes rebelles, minoritaires de surcroît, comme le MNLA et la HCUA, sans légitimité ?

Pourquoi enfin ne pas mettre fin à toute histoire de crise malienne, visiblement montée de toutes pièces dans d’obscures officines, pour traiter avec l’Etat malien de l’exploitation et de l’usage des ressources (réelles et/ou supposées) à des conditions dignes pour tous ?

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,

Les clarifications sur ces points d’interrogation et sur tous les prolongements à en déduire d’office, pourront à coup nous éclairer ensemble sur les complexités et les simplicités de la crise malienne, mais aussi de la voie idoine d’emprunter les voies logiques et raisonnables de retour de la stabilité et de la réconciliation nationale au Mali, et certainement de la paix et de la sécurité dans tout le Sahel.

Au reste, nous vous suggérons d’approcher et d’écouter, sur la question du Mali, des personnes avisées comme les anciens Ambassadeurs M. Nicolas NORMAND et Christian ROUYER, mais aussi et surtout des sommités comme M. André BOURGEOT, Anthropologue émérite, Directeur de recherche au CNRS.

Fondant un grand espoir dans la réactivité et l’efficience d’une implication de l’Assemblée Nationale française dans le traitement par les autorités françaises, appelées dans le cadre de la légalité internationale au chevet de la crise malienne, nous prions d’agréer nos salutations déférentes.

Ampliation :

 Le Président du Sénat de France, Paris – France ;

 Le Président de l’Assemblée Nationale du Mali, Bamako – Mali ;

 Le Chef de mission de la MINUSMA, Bamako – Mali ;

 Le Président du Parlement Européen, Bruxelles – Belgique ;

 Monsieur le Président en exercice de la Conférence de l’Union Africaine ;

 Le Président de la Commission de l’Union Africaine, Addis-Abeba – Ethiopie ;

 Le Président du Parlement Africain, Johannesburg – Afrique du Sud ;

 Monsieur le Président en exercice de la Conférence de la CEDEAO ;

 Le Président de la Commission de la CEDEAO, Abuja – Nigéria ;

 Le Président du Parlement de la CEDEAO, Abuja – Nigéria ;

 Les ambassades étrangères au Mali ;

 La Primature du Mali ;

 Les partis, politiques et organisations socioprofessionnelles au Mali.

Bamako, le 29 novembre 2019

Dr IBRAHIM Ikassa Maiga

Source: L’Aube