L’armée malienne parade depuis jeudi à Farabougou au grand bonheur des 3000 habitants qui ont souffert le martyr pendant 18 jours de siège des djihadistes. Le vice-président de la transition, le colonel Assimi Goita, auteur du coup d’État, était lui-même à la tête de ses troupes sur la ligne du front pour la libération de Farabougou. Est-ce la montée véritable des FAMa pour la libération totale et entière du Mali ? Assimi Goita va-t-il rester avec ses hommes sur le terrain comme il en a l’habitude ? Les colonels au pouvoir vont-ils troquer leurs vestes de ministres contre des treillis militaires pour aller sur le terrain conformément à leur serment ?

Après le coup d’État du 18 Août, perpétré par des officiers colonels de l’armée, de surcroît des hommes de terrain, nombreux étaient les maliens à penser que le pays sera bientôt pacifié. Mais à la surprise générale de l’écrasante majorité du peuple, les libérateurs du 18 Aout 2020 que sont les membres du Comité National pour le Salut Peuple, CNSP se sont mus en véritables groupes politiques pour gérer les affaires du pays. Ils sont vice-président, ministres et chefs des principales structures de l’État, reléguant au second plan leurs missions régaliennes de sécurisation des personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire. Le siège de Farabougou ne pourrait être que la conséquence logique de l’immixtion d’une partie de l’armée dans le jeu, ce qui a entraîné la baisse de la garde des hommes sur le terrain et surtout leur refus de se battre alors que leurs frères d’armes se battent à Bamako pour des postes politiques et des privilèges.

Mesurant la gravité de la situation sur le terrain en général et à Farabougou en particulier, le colonel Assimi Goita, principal auteur du coup d’État, a pris son courage à deux mains pour abandonner son bureau climatisé afin d’être au plus près de ses troupes au village martyr de Farabougou.

La montée en puissance des troupes et l’imminence d’un assaut militaire ont certainement effrayé les assaillants qui ont fini par prendre la tangente, abandonnant le village qui est aujourd’hui sous le contrôle de l’armée malienne. Cet engagement du colonel Assimi Goita va-t-il se poursuivre sur les autres théâtres d’opérations pour la libération totale du Mali dont les 2/3 échappent au contrôle du pouvoir central. Que les colonels, auteurs du coup d’État, comprennent que s’ils ont été applaudis par une frange importante du peuple c’était dans l’espoir de pouvoir trouver enfin une solution à la sempiternelle question sécuritaire. C’est pourquoi beaucoup sont sur le point d’être déçus en constatant cette velléité des militaires à jouer des rôles politiques en oubliant leurs missions régaliennes.

Les colonels Assimi Goita, Malick Diaw, Sadio Camara, Modibo Kone et Ismaël Wague ne doivent pas perdre de vue que leur première mission reste la défense de l’intégrité territoriale, la sécurisation des personnes et de leurs biens. Alors après avoir posé l’acte le plus grave au regard de la Constitution du 25 février 1992, à savoir le coup d’État, ils devraient comprendre que la clémence, l’acceptation par le peuple malien que sa Constitution soit violée, n’est nullement une lâcheté, encore moins un chèque blanc donné aux coupables de ce crime imprescriptible, mais dans le seul espoir de sortir le Mali de l’ornière.

Farabougou enfin libéré sans coup férir, donc que cette prouesse de l’armée s’étende sur d’autres zones du Mali soumises au diktat des djihadistes notamment le centre et le Nord du Mali. La région de Mopti souffre énormément, car les hommes d’Amadou Kouffa y font régner la terreur. Ils ont transformé la presque totalité des villages derrière le fleuve en Califat, avec la charia comme norme constitutionnelle. Le grand Nord du Mali échappe également au contrôle de l’État central. Kidal est devenu une entité à cheval entre l’indépendance et l’autonomie. C’est pour mettre fin à toutes ces situations confuses et dont le règlement est à 80% militaire que le peuple a applaudi le coup d’Etat afin de voir enfin mettre fin à cette tragi-comédie qui a pignon sur rue au Mali depuis 2012.

En somme, les militaires putschistes ont désormais une occasion historique d’écrire l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de notre pays, en renonçant aux privilèges et en se consacrant à la libération totale et entière du Mali. En faisant cela, ils seront des immortels, comme Soundiata Keita, Babemba Traoré, Firhoun et Modibo Keita pour ne citer que ces quelques figures emblématiques.

Youssouf Sissoko

Source: Infosept