Alors que 13 militaires français ont trouvé la mort au Mali et que la situation est pour le moins confuse sur le terrain, notamment après l’attentat au Niger, nous avons interrogé Caroline Roussy, chercheuse à l’Iris et docteur en Histoire de l’Afrique contemporaine.

Comment jugez-vous l’évolution de l’opération française au Mali ?

On a le sentiment d’un enlisement. L’opération Barkhane tarde à porter ses fruits. La situation est confuse. La menace n’a peut-être pas été mesurée à sa juste valeur. La zone couverte est immense et les groupes armés sont extrêmement mobiles. Aujourd’hui, ce sont les terroristes qui ont l’initiative. Ils se régénèrent malgré les pertes, et ils se sont même renforcés. La présence des soldats français fait de plus en plus débat dans les populations africaines. Certains les perçoivent comme une force d’occupation au relent néo-colonial, d’autres désirent une plus grande implication de la France. Barkhane cristallise des tensions : on est loin du temps où François Hollande était accueilli en sauveur. Récemment, le général Bruno Clément-Bollée (2S), ancien directeur de la coopération de sécurité et de défense au ministère des Affaires étrangères, a signé une tribune dans Le Monde où il évoque un scénario crédible où les soldats français pourraient être contraints au départ sous la pression populaire.

Comment expliquer cette dégradation de la situation ?

Elle s’explique par plusieurs facteurs. La menace est trans-territoriale, elle se moque des frontières. Les écosystèmes du Mali et du Burkina sont fragiles ; les institutions sont en train de vaciller. La pauvreté et l’absence de perspectives économiques renforcent l’attractivité des groupes armées. On parle de terroristes, mais c’est une catégorie trompeuse….Reflets.info