Fait extrêmement rare au Mali, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans a publié une vidéo de preuve de vie de deux otages maliens en début de semaine. Face au silence et l’omerta sur la question des otages locaux, syndicats, familles de victimes et collectifs de soutien se mobilisent pour réclamer des libérations rapides.

De notre correspondant à Bamako,

Cheiche blanc autour du visage Ousmane Nialibouly marche dans un quartier périphérique de Bamako avec le regard plongé sur son téléphone. Sur internet, il scrute la moindre information, la moindre piste qui pourrait le mener à son frère Hamadoun enlevé dans le centre du Mali le 27 septembre. « On a peur pour sa vie, on a peur pour sa santé, neuf mois sans ces nouvelles, ça fait peur quand même », dit-il.

Le rapt s’est produit lorsque des hommes armés en tenue de chasseurs ont fait descendre son frère d’un bus de transport alors qu’il rentrait chez lui. Ousmane lui ne s’est pas rendu dans son village depuis mars 2020 par peur. « Dans cette zone, ce sont les civils qui récoltent les pots cassés. Tous ces groupes armés que ce soit les Dozos ou les jihadistes, comme ça seulement, ils t’enlèvent puis tu disparais », explique-t-il.

Une captivité de plus d’un an pour certains otages locaux

Des disparitions forcées qu’ont subies une dizaine d’administrateurs civils ces dernières années. Dans le nord et le centre du Mali, les agents de l’État sont après les forces de défense et de sécurité les principales cibles des groupes terroristes. Deux hauts fonctionnaires, le préfet de Gourma-Rharous Drissa Sanogo et le sous-préfet de Farako Ali Cissé sont toujours retenus depuis plus d’un an par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Filmés dans des endroits différents, les deux hommes apparaissent dans une vidéo de la coalition jihadiste datée de juillet 2020.

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Dans son salon et entourée de sa famille Seydou Sanogo le fils du préfet de Gourma-Rharous, n’avait reçu aucune nouvelle de son père depuis plusieurs mois. « En regardant cette vidéo, j’ai ressenti un soulagement, après avoir vu que mon père est en vie, mais je constate également qu’il est vraiment épuisé. Il est épuisé mentalement et puis physiquement et puis c’est vraiment dur de regarder ce genre de vidéo. On ne sait pas dans quelle condition il vit, donc ce n’est pas facile pour nous de digérer ça », s’inquiète Seydou Sanogo.

Le rôle de l’État à redéfinir

Une inquiétude partagée par de nombreux proches d’otages. La plupart des négociations sont réalisées dans le secret au niveau local par l’entremise de chefferies traditionnelles ou de dignitaires religieux. Pour Yacouba Kébé membre d’un collectif de libération d’otage le rôle de l’État est à redéfinir. « Il n’y a pas de contact direct avec les jihadistes, avec les preneurs d’otages sauf dans le cas des Occidentaux, où l’État essaie de jouer un rôle un peu plus important. Mais au niveau des nationaux, on a une sorte d’omerta sur le rôle de l’Etat et cette omerta pour moi, elle est liée à une inaction tout simplement. »

Au Mali et dans le reste des pays du Sahel, on comptabilise près d’une centaine de civiles en captivité, aux mains de groupes terroristes ou de milices communautaires.

RFI