Après plusieurs mois d’investigations, la mission de l’ONU au Mali a rendu public son rapport d’enquête sur l’attaque de Koulogon, qui a fait 39 civils tués, tous peuls, le 1er janvier. Si le rapport pointe du doigt les chasseurs traditionnels dozos, les familles des victimes se disent inquiètes de les voir un jour jugés.

Le rapport définitif sur l’attaque du 1er janvier dernier à Koulogon, très attendu, est sans appel. « Nous avons identifié les auteurs de l’attaque de Koulogon, a précisé Guillaume Ngefa, directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma, la mission de l’ONU au Mali, en rendant public ce rapport le 6 juin. Il s’agit des chasseurs traditionnels dozos. Ils étaient accompagnés d’une dizaine d’individus en tenues civiles. Ces individus sont formellement identifiés comme étant des résidents des villages voisins ».

Le rapport de l’ONU va plus loin. Lors de cette attaque, les Dozos n’auraient pas utilisé que des armes de chasse, ce qui expliquerait en partie, selon l’ONU, le nombre élevé de victimes, au total 39 membres de la communauté peule.

Les Peuls étaient visés

« Les assaillants ont utilisé des armes de guerre de type AK-47 et l’attaque a fait 37 morts sur place et deux autres personnes ont succombé à leurs blessures », a affirmé Guillaume Ngefa. Selon ce rapport, les Peuls étaient systématiquement visés, dont certains « étaient tués dans leur maison ». Mais contrairement à l’attaque de Ogossagou, qui a fait au moins 160 morts au mois de mars dernier, les assaillants de Koulogon ont épargné les femmes.

À Koulogon, « le groupe d’assaillants a d’abord fait sortir les femmes se trouvant dans la case de la femme du chef du village, avant d’attaquer les hommes qui se trouvaient dans la case principale du chef du village peul », a expliqué Guillaume Ngefa.

Ce jour-là, près de cent hommes armés ont attaqué le petit village peul de Koulogon, dans le centre du Mali. La mission de l’ONU au Mali, dont une partie de son mandat consiste à protéger les civils, avait dépêché une équipe de dix personnes, huit de la section des Droits de l’homme et deux policiers spécialisés en balistique.

Pour élaborer son rapport, la commission de l’enquête a interviewé 110 personnes, tout en reconnaissant que certains témoins ont eu peur. « Les chasseurs dozos menacent les populations, y compris la communauté dogon qui, par peur, coopère de moins en moins avec les enquêteurs », a regretté Guillaume Ngefa.

Les familles des victimes inquiètent

Si ce rapport de la Minusma était très attendu, il n’a néanmoins pas de valeur juridique et ne peut pas peser directement sur les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire. Les responsables de la Minusma ont d’ailleurs évité de citer les noms des personnes identifiés comme étant les auteurs de l’attaque de Koulogon. La Minusma affirme que quatre personnes ont été arrêtées par la justice malienne et quatre autres sont sous contrôle judiciaire.

« C’est un travail qui revient à la justice malienne, pas à nous », a précisé Guillaume Ngefa. Le rapport contient néanmoins « des informations qui doivent aider la justice malienne dans son travail et aider l’opinion à être éclairée sur ce qui s’est passé », selon l’auteur du rapport.

Ce qui ne rassure pas les victimes et les parents des victimes. « Ce rapport de la Minusma ne nous servira à rien, car nous sommes sûrs qu’il y a une collusion entre l’administration et ceux qui nous ont attaqué. Donc on ne s’attend pas à de la justice dans cette affaire », a déclaré à Jeune Afrique Aminata Diallo, rescapée de l’attaque de Koulogon, lors de laquelle elle avait perdu son frère Abdoulaye et son oncle Adama.

Les responsables seront-ils jugés ?

Le procureur du tribunal de Mopti, conscient de l’inquiétude des victimes, tente pourtant de rassurer. « Nous avons reçu les ordres de notre hiérarchie d’aller au plus vite dans les enquêtes de l’attaque de Koulogon, mais nous travaillons avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur de notre mission et nous sommes confrontés à l’insécurité du terrain », a précisé le procureur Maouloud Ag Najim.

« Des personnes affiliées à des chasseurs dozos sont formellement identifiées comme membres des auteurs de l’attaque de Koulogon, ils sont en prison en attendant leur jugement, a précisé  Maouloud Ag Najim. Mais pour qu’ils passent devant un juge, il faudra d’abord boucler l’enquête, ce qui va prendre du temps car nous continuons les écoutes ».

Depuis le début de l’année, l’ONU a recensé 92 incidents en termes de violation des droits humain, sur fond de tension communautaire, qui ont fait 250 morts dans le centre du Mali.