Discuter avec les terroristes : l’idée n’est pas nouvelle. En 2017 déjà, la mission des bons offices, dirigée par l’imam Dicko avait tenté d’entamer des discussions avec Iyad Ag Ghali, mais celles-ci n’avaient strictement rien donné. Aujourd’hui, l’idée refait surface : pour certains, le dialogue avec les djihadistes est un passage obligé de la réconciliation nationale. Mais avant de pousser plus loin ce projet et de présenter celui-ci comme une solution à tous les maux du Mali, il est nécessaire d’en peser les risques. Avec sincérité et clairvoyance, parce que l’enjeu est la reconstruction durable du pays.

Le premier argument avancé par ceux qui soutiennent la thèse de l’ouverture au dialogue Etat-djihadistes est de dire et répéter que la solution militaire a montré ses limites. Mais c’est oublier qu’en 2012, ces terroristes tenaient Aguelhok, Ménaka, Tessalit, Kidal, Tombouctou et Gao, semant la terreur et la mort au nom d’un djihad dont ils brandissaient bien haut le drapeau. Aujourd’hui, dans la plupart de ces villes, l’étau terroriste s’est desserré, tandis qu’il n’est plus question pour les djihadistes de s’afficher : ils se cachent en brousse, vivant dans l’incertitude et la peur d’être dénoncés aux forces qui les combattent.

Le second argument est de considérer que les terroristes sont des « fils de la nation ». Mais c’est oublier un peu vite que beaucoup de chefs djihadistes ne sont pas Maliens. Et les Maliens djihadistes ne revendiquent pas leur nationalité, puisque leur finalité n’est qu’instaurer un califat qui transgresse les nations et leurs frontières.

Certains prétendent qu’il faut faire des concessions aux salafistes en raison de leur présence sournoise qui alimente la violence intercommunautaire. Or c’est prendre le problème à l’envers que de dire qu’il faut discuter avec eux pour faire cesser ces violences : les communautés concernées sont marginalisées et c’est à elles que l’Etat doit tendre la main, pas à leurs bourreaux.

D’autres avancent l’argument du soutien des populations aux terroristes, au prétexte que ces derniers leur rendent des services et compensent les manques de l’Etat. Là encore, la réalité est toute autre : les terroristes n’ont fait que forcer les populations à les accepter ou plutôt à vivre avec leur présence, et ce en instaurant la terreur, en usant de la menace ou encore en manipulant les communautés.

Enfin, les derniers prétendent que les groupes djihadistes ont un projet politique, ce qui justifierait selon eux la main que l’Etat devrait leur tendre. Mais les djihadistes n’ont pas de projet politique, ils veulent seulement imposer un califat basé sur la charia radicale, incompatible avec les fondements républicains laïcs du Mali. Et leur Islam n’est qu’un prétexte de plus pour camoufler leur entreprise criminelle.

Non, le dialogue avec les djihadistes n’est pas un passage obligé de la réconciliation nationale. Au Sahel, il ne faut pas négocier le terrorisme mais l’éradiquer, afin de reconstruire le Mali sur des fondations saines et durables.

Idrissa Khalou

Malijet