Même si l’arrivée des mercenaires russes au Mali n’est pas encore confirmée par les militaires au pouvoir, la nouvelle a su verser de l’ancre dans la coopération militaire entre  Pari et Bamako. Au-delà de la puissance colonisatrice, cette « rumeur » pas comme les autres est en train d’affecter les relations diplomatiques du Mali avec certains pays de la CEDEAO, notamment le Niger.

Considérée, jusque-là, comme « rumeur », puisque aucune déclaration officielle confirmant la conclusion d’un supposé accord entre le gouvernement malien et le groupe de sécurité paramilitaire privé russe Wagner, cette nouvelle de recours du Mali aux mercenaires russes pour former les forces armées maliennes et assurer la protection des dirigeants, fait plus de bruit. Quand même, la nouvelle arrive à un moment où le sentiment anti politique française monte de cran au Mali. De nombreuses manifestations se sont tenues récemment à Bamako et dans d’autres capitales régionales pour demander le départ de la force française Barkhane et ses alliés de la lutte contre le terrorisme au Mali et dans le Sahel. Arrivée en secours en 2012, à travers l’opération Serval, le succès de cette composante de l’armée française s’est limité, selon certaines couches de la population malienne, au blocage, à l’époque, de l’avancée fulgurante des forces obscurantistes vers le sud. Après, elle est accusée de faire perdurer cette crise afin d’en tirer un maximum de profit. Huit ans après, la crise sécuritaire du Mali perdure. Pis, elle a infecté la partie centre du pays, voir, certains pays voisins du Mali. Cela, malgré une forte présence de 5 000 hommes de la force Barkhane appuyés par les Nations Unies (MINUSMA) et d’autres partenaires internationaux. Les premières mobilisations contre la présence française au Mali se sont manifestées lors des rassemblements de constations du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) contre le régime de l’ancien président de la république du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, l’année dernier. Ces manifestations au Mali et dans d’autres Pays de domination française avaient suscité « une clarification » lors d’un sommet à Pau, par le président Emmanuel Macron. Cette pression de l’Afrique renforcée par la question de la perte importante de soldats français dans une guerre qui n’est pas sienne avait conduit le président Macron à prendre la décision de diminuer progressivement l’effectif de de l’armée française à l’étranger, au sahel notamment.

Qu’à cela ne tienne, il faut reconnaitre que le départ de la France du Mali est synonyme de l’abandon de nombre de ses intérêts. Selon l’opinion publique malienne, l’intervention de la France dans la lutte contre le terrorisme, la formation et l’accompagnement de l’armée malienne est chiffrée à des centaines de milliards de franc CFA. C’est ce qui fait d’ailleurs toute la difficulté de la France à digérer cette nouvelle. Surtout qu’elle sera délogée par la Russie, un pays rival qui est en train de conquérir l’ensemble des positions de la France en Afrique. Même si Wagner n’est pas étatique, elle a su, successivement, intervenir en Syrie, en Libye, au Mozambique et actuellement en République centrafricaine. Le quai d’Orsay en alerte par ce qu’il considère Wagner comme une sorte d’armée souterraine du Kremlin.

C’est pourquoi, Paris menace de plier bagage. « C’est absolument inconciliable avec notre présence » a indiqué, devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le ministre français des Affaires Étrangères et de l’Europe Jean Yves Le Drian avant d’ajouter, selon « le Point », qu’une « intervention d’un groupe de ce type au Mali serait incompatible avec l’action des partenaires sahéliens et internationaux du Mali ».

Face aux multiples accusations et condamnations de la France, de l’organisation sous régionale de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de certaines organisations nationales comme la CMA, le gouvernement du Mali est sorti de son silence avec une réaction vigoureuse. Dans son communiqué, le gouvernement du Mali rappelle qu’il ne permettrait « à aucun État de faire des choix à sa place et encore moins de décider quels partenaires il peut solliciter ou pas ».

Même si ce communiqué ajoute que la question de mercenaire russes relève « d’allégations basées uniquement sur des rumeurs et des articles de presse commandités s’inscrivant dans le cadre d’une campagne de dénigrement de notre pays et de diabolisation de ses dirigeants », la ministre française des armées, Florence Parly, s’est rendue hier à Bamako afin de rencontrer son homologue malien, le colonel Sadio Camara sur la même question. « Mon objectif est de parvenir à clarifier la position des autorités maliennes et de réitérer des messages » a-t-elle expliqué. Ce qui est, toute cette mobilisation ne peut pas se faire sur la base d’une « simple rumeur ». Elle a indiqué également que la France ne « quittera pas le Mali ».

Avant l’éclaircissement de cette histoire, les rumeurs annoncent que ces services du groupe Wagner vont coûter près de 6 milliards de francs CFA par mois à l’Etat malien (soit 9,15 millions d’euros) ainsi que l’exploitation, par Wagner, de plusieurs sites miniers.

Issa Djiguiba

Source: LE PAYS