Après l’usage de balles réelles lors de la répression de la manifestation du 10 juillet et jours suivants ayant occasionné la mort de 23 personnes et une centaine de blessés par balles, les proches et parents des victimes ont déposé une plainte auprès du Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la commune V du district de Bamako contre le directeur général de la Police nationale, le Commandant de la Force spéciale anti-terroriste et autres pour assassinat et tentative d’assassinat, coups et blessures volontaires.

A l’entame de la plainte, les plaignants rappellent que dans le cadre de la mise en œuvre du mot d’ordre de désobéissance civile lancé par le Mouvement du 5 juin-Regroupement des forces patriotiques (M5-Rfp) contre la mal gouvernance au Mali, des manifestations ont eu lieu les journées du 10,11,12 juillet 2020 au cours desquelles les forces de l’ordre ont fait usage d’armes de guerre tuant 23 personnes et faisant plus d’une centaine de blessés dont certains gravement.

Et de poursuivre qu’il est universellement admis qu’en matière de maintien d’ordre, l’usage de la force doit répondre à un impératif constant de proportionnalité entre les moyens utilisés et le problème à l’ordre public. “C’est un élément important à prendre en compte pour respecter le droit à la vie si l’on doit faire l’usage de la force létale ou potentiellement létale pour maintenir l’ordre public”, peut-on lire dans la plainte.

Et de déplorer que dans le cas d’espèce, les forces de sécurité se sont attaquées à des jeunes aux mains nues dont le seul tort fut d’être des partisans de l’imam Mahmoud Dicko et de s’être retrouvés, à son domicile et dans sa mosquée, sis à Badalabougou, au moment où lesdites forces manifestaient une attitude de belligérance à l’endroit de ce dernier.

Pour les plaignants, ce comportement hostile ne devrait pas être adopté par les agents sur le terrain sans que cela ne leur fût instruit par le commandement opérationnel assuré par le directeur général de la Police nationale, l’Inspecteur général Moussa Ag Infahi. En effet, ajoutent-ils, en sa qualité de directeur général de la Police nationale, le susnommé est le premier responsable du maintien d’ordre et à ce titre, aucune force ne peut être engagée dans de telles opérations à son insu et la dotation des agents en armes de guerre participe à une décision concertée d’attenter à la vie des manifestants.

A les croire, cette volonté est plus manifeste que la Force spéciale antiterroriste (Forsat) a été engagée dans les opérations de maintien d’ordre en violation de l’Arrêté n ° 2016-0592 / MSPC-SG du 22 mars 2016 portant création de l’unité qui dispose, en son article 2 : “La Forsat est chargée de lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes.  Aucune autre mission de sécurité ne peut lui être assignée”.  “Les agents de ladite force se sont attaqués aux manifestants aux mains nues, en tirant sur eux avec des balles réelles, faisant 23 morts et plus d’une centaine de blessés tombés dont la liste, qui n’est pas exhaustive, sera jointe à la plainte.  Ainsi, Il apparait clairement que l’engagement de cette unité, qui a pour vocation de neutraliser les terroristes, avec des armes de guerre, dans une opération classique de maintien d’ordre, est une volonté manifeste et murement réfléchie d’attenter à la vie des manifestants”, ont-ils martelé.

Quant au commandant de la Forsat, poursuivent les plaignants, en l’absence d’un ministre chargé de la Sécurité, qui a engagé illégalement ses éléments, dans les opérations de maintien d’ordre du 10 juillet et jours suivants pour appuyer les unités des forces de sécurité déployées dans le cadre de la préservation de l’ordre public, il se rend pénalement responsable des bavures desdits agents. “Les faits ainsi relatés ne sont ni plus ni moins que de l’assassinat des 23 personnes et une tentative d’assassinat ainsi que de coups et blessures volontaires de la centaine d’autres, faits prévus et punis par les articles 199, 200, 207 et 3 du code pénal. C’est pourquoi, nous, soussignés, victimes de ces faits, portons plainte contre le directeur général de la Police nationale, l’Inspecteur Général de police Moussa Ag Infahi, le Commandant de la Forsat, le Lieutenant-Colonel Boubacar Diawara et ses agents exploités dans les tueries ainsi que tous  autres co-auteurs ou complices que l’enquête fera découvrir pour assassinat, tentative d’assassinat, coups et blessures volontaires aggravés et toutes autres qualifications qui pourraient se révéler utiles à  la manifestation de la vérité”, mentionne la plainte.

Pour finir, ils diront qu’ils font confiance à la Justice malienne et souhaitent vivement que leur plainte soit une occasion pour le Procureur et ses collègues de démentir ceux qui tentent d’expliquer le choix de certaines personnes ayant recours à la justice barbare des terroristes par les maux qui gangrèneraient la justice.   Les 15 plaignants sont : Adama Diallo (mécanicien, domicilié à Niamana Bamako) ; Ousmane N’Diaye (économiste consultant à Garantibougou), Abdoulaye Berthé, Bouafana Diaby, Mahamadou Diarra, Zoumana Sidibé, Mahamadou Doumbia, Abdoulaye Koné, Bourama Ballo, Aboubacar Diallo, Sidy Dramé, Oumar Coulibaly, Mohamed Kéita, Mohamed Sanogo, Adama Traoré.

                                                                                       Boubacar PAÏTAO 

Source: Aujourd’hui-Mali