Alors que les terroristes reprennent du poil de la bête au Sahel, les États-Unis sont dans la dynamique de réduire leurs moyens consacrés à la lutte contre ces narcojihadistes dans cette partie du Continent. À Paris et dans les palais des pays du Sahel, la nouvelle provoque une certaine panique, en raison du rôle important des USA dans le dispositif actuel sur place. Après une rencontre avec les présidents des pays sahéliens la semaine dernière, la ministre française des armées, Florence Parly, était hier 27 janvier à Washington, pour tenter de convaincre son homologue américain, Mark Esper, que le moment est mal choisi.

 

Depuis un certain temps, Washington ne cache plus son agacement face à l’inefficacité des dispositifs de lutte contre le terrorisme au Sahel, pilotés par la France, à travers la force Barkhane qui est le bras armé de la communauté internationale contre les narcojihadistes dans cette vaste zone faiblement peuplée. Au Sahel, selon les sources, Washington apporte avec ses bases au Niger un soutien significatif aux 4 700 soldats français de l’opération « Barkhane » en matière de logistique, de ravitaillement et, surtout, de surveillance, avec des drones équipés d’un système d’interception des communications qu’ils sont à ce jour les seuls à pouvoir fournir.

Si la nouvelle pourrait enchanter certaines opinions africaines qui manifestent depuis peu pour le départ des troupes étrangères, ce n’est certainement pas le cas à Paris et les pays du Sahel de façon générale

« Je m’échine à éviter que les Américains s’en aillent », a confié la semaine dernière le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, qui assure que ses interlocuteurs militaires « conviennent que cela n’aurait aucun sens » au regard de l’ampleur de la menace djihadiste en Libye et au Sahel, où la branche locale du groupe État islamique (EI), en particulier, multiplie les attaques meurtrières.

« Il y a un risque réel de voir l’EI reconstituer au Sahel le sanctuaire qu’il a perdu au Proche-Orient », insiste-t-on dans l’entourage de Florence Parly.

L’ennui, c’est que la décision américaine, bien que prise au Pentagone, risque d’être influencée par l’agenda électoral d’un Donald Trump avide de prouver qu’il tient sa promesse de ramener des « boys » à la maison. Or le chef du Pentagone, Mark Esper, paraît moins enclin que le secrétaire d’État, Mike Pompeo, ou des parlementaires influents, comme le sénateur Lindsey Graham, à s’opposer aux décisions souvent impulsives du locataire de la Maison-Blanche – comme l’a illustré le retrait précipité des soldats américains du nord de la Syrie, en octobre.

Pour Florence Parly, il y a urgence à convaincre, le chef d’état-major des armées américaines, le général Mark Milley, ayant promis une décision sur le dispositif en zone sahélo-saharienne au plus tard début mars. Lors d’un entretien téléphonique avec des journalistes il y a dix jours, le commandant des opérations américaines en Afrique (Africom), le général William Gayler, s’est dit confiant qu’elle serait prise « en consultation et en coordination avec nos alliés européens ».

Selon plusieurs sources, dans les faits, la « réorientation » des moyens déployés par les États-Unis en Afrique se fait déjà ressentir sur le terrain, notamment en matière de renseignement aérien, ont déclaré des responsables américains à Reuters. Selon l’un d’eux, les drones américains ont par exemple déjà cessé de survoler la région du lac Tchad, zone d’influence du groupe nigérian Boko Haram. Un désengagement accru pourrait « plonger dans le noir » les soldats de « Barkhane », qui combattent plus à l’ouest les groupes affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), indique la source.

Pour l’instant, des sources affirment que Paris est déjà dans l’anticipation de ce retrait américain en armant ses drones au Sahel.

Par Sidi DAO

Source : Info-Matin