Vendredi dernier, la junte au pouvoir à Bamako avait conditionné la libération des soldats à l’extradition de personnalités maliennes vivant à Abidjan.

Nouvel épisode dans la crise diplomatique qui oppose les deux pays depuis début juillet. La Côte d’Ivoire a qualifié, mercredi 14 septembre, de « chantage inacceptable » les exigences du Mali en échange de la libération de ses quarante-six soldats détenus à Bamako depuis deux mois.

C’est la première réaction officielle de la Côte d’Ivoire, depuis les déclarations de la junte au pouvoir à Bamako qui avait, vendredi, conditionné la libération des soldats à l’extradition de personnalités maliennes vivant à Abidjan. « Le Conseil national de sécurité [CNS] considère ce chantage comme inacceptable et exige la libération sans délai de nos quarante-six soldats », annonce un communiqué de cette institution présidée par le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara. « Cette demande [malienne] confirme une fois de plus le fait que nos soldats ne sont en aucun cas des mercenaires mais plutôt des otages », poursuit le texte.

« Au regard des derniers développements qui sont de nature à porter atteinte à la paix et la sécurité dans la sous-région », la Côte d’Ivoire a également souhaité, mercredi, la tenue « dans les meilleurs délais d’une réunion extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement » de la Communauté des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao). Si, d’ici cet éventuel sommet, « rien ne se règle par la voie diplomatique, la Cédéao sera bien obligée de prendre des sanctions », avait prédit, dimanche, une source proche de la présidence ivoirienne à l’Agence France-Presse.

 

« Incompréhensions »

Le 10 juillet, quarante-neuf soldats ivoiriens avaient été arrêtés au Mali, présentés comme des « mercenaires », puis inculpés mi-août de « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat » et formellement écroués. Abidjan assure que ces soldats étaient en mission pour l’ONU, dans le cadre d’opérations de soutien logistique à la Mission des Nations unies au Mali (Minusma).

Début septembre, pourtant, la libération de trois femmes sur les quarante-neuf soldats détenus, « un geste humanitaire » du Mali et « un bon signe » selon Abidjan, avait suscité des espoirs de voir la situation se régler. « Plusieurs contacts avec les officiels maliens ont par la suite permis de conclure que des incompréhensions et des manquements étaient à l’origine de l’arrestation de nos soldats », souligne le communiqué du CNS.

Mais quelques jours plus tard, le chef de la junte au pouvoir au Mali, le colonel Assimi Goïta, avait parlé de nécessaire « contrepartie », évoquant l’extradition de personnalités maliennes vivant à Abidjan. « Ces personnalités bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour déstabiliser le Mali », avait-il insisté. Il faisait notamment allusion à Karim Keïta, le fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta renversé par les colonels en 2020, et de Tiéman Hubert Coulibaly, ministre de la défense et des affaires étrangères sous M. Keïta.

Des accusations balayées mercredi par la Côte d’Ivoire, qui assure être « un pays attaché à la paix, à la stabilité et au respect de l’Etat de droit dans la sous-région ». Plusieurs médiations sont en cours, dont celles du président togolais, Faure Gnassingbé, et de leaders religieux maliens, pour obtenir la libération des quarante-six soldats toujours prisonniers.

Les relations entre le Mali et son voisin ivoirien se sont dégradées depuis que des colonels ont pris par la force, en août 2020, la tête de ce pays confronté depuis 2012 à des attaques djihadistes et plongé dans une profonde crise sécuritaire et politique. Bamako accuse notamment Abidjan d’avoir incité ses partenaires ouest-africains à durcir les sanctions contre les militaires maliens. Les sanctions ont finalement été levées début juillet.

 

 

Source: lemonde