Les groupes djihadistes s’emploient à étendre leurs opérations du Sahel vers les pays côtiers, selon des observateurs qui précisent qu’après le Mali, le Niger puis le Burkina Faso, la menace qui sévit dans la région progresse depuis un certain temps en direction du sud, notamment du Bénin à la Côte d’Ivoire, débouchant sur la multiplication des incursions et des attaques dans les zones septentrionales des Etats concernés. Une préoccupation ayant conduit les Etats du golfe de Guinée à affiner leur réponse sécuritaire et politique.

Redoutant la progression des groupes djihadistes vers leurs territoires, les pays côtiers comme le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire veulent tout mettre en œuvre pour chasser ces islamistes et éviter de reproduire les mêmes erreurs que leurs voisins sahéliens. Les dirigeants des Etats concernés cherchent également à renforcer leur dispositif militaire pour sécuriser leurs frontières avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, après une série de raids. De plus, ils s’inquiètent de possibles recrutements des groupes terroristes au sein des populations. Ce qui fait que les ministres en charge de la Défense en soient de plus en plus préoccupés au moment où la France, poussée dehors par la junte de Bamako, a retiré ses troupes du Mali, où la situation sécuritaire continue de se dégrader, comme au Niger et au Burkina Faso.

Au Bénin où la partie nord du pays a payé le plus lourd tribut, avec une vingtaine d’attaques ciblant les forces de sécurité depuis fin 2021, des engagements sont pris pour faire face aux éventuels assauts des insurgés. En témoigne le fait que les autorités sont actuellement en discussions avec le Rwanda pour qu’il fournisse à leur pays un soutien logistique et une expertise dans sa lutte contre le djihadisme. En attendant, l’armée béninoise est déployée dans cette partie pour contenir les groupes terroristes présents chez ses voisins nigérien et burkinabé, qui y mènent des incursions et attaquent les forces de sécurité. Elle cherche actuellement à renforcer son dispositif sécuritaire.

« Comme avec le Niger et le Burkina Faso, nous discutons avec le Rwanda pour l’appui logistique et la fourniture d’une expertise », a confirmé le porte-parole de la présidence, Wilfried Houngbédji, ajoutant que « l’accord à venir » entre Kigali et Cotonou « ne prévoit pas de déploiement au sol de troupes rwandaises ». La présidence béninoise s’exprimait après que Africa Intelligence, un média d’information spécialisé sur l’Afrique, a rapporté que des « négociations secrètes entre Kigali et Cotonou » étaient en cours pour le déploiement de plusieurs centaines de soldats et d’experts rwandais dans le nord du Bénin. « Le nombre d’éléments rwandais qui devraient être projetés, dans un premier temps, est estimé à 350. Un chiffre qui pourrait ensuite doubler », précise le média selon lequel les négociations sont sur le point d’entrer dans leur phase finale.

Une nouvelle ligne de front contre les groupes armés

Le porte-parole des forces de défense du Rwanda, Ronald Rwivanga, a, quant à lui, indiqué que les dirigeants béninois et rwandais se penchaient effectivement sur ce dossier. « Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet, mais ce que je peux confirmer, c’est qu’il existe une coopération en matière de défense entre nos deux pays », a-t-il déclaré. En attendant les conclusions des discussions entre les deux parties, des hommes armés ont attaqué, le 14 septembre, un poste-frontière isolé du nord du Bénin, une région secouée par la présence de groupes djihadistes mais aussi criminels.

Outre le Rwanda, la France est tout aussi sollicitée pour appuyer le Bénin dans la luttre contre les islamistes. A ce sujet, le président béninois, Patrice Talon, a demandé en juillet dernier à son homologue français, en visite à Cotonou, à l’aider à acquérir davantage d’équipements, notamment des drones pour les combattre. Dans sa réponse, Emmanuel Macron a exprimé l’engagement de la France à poursuivre « la lutte contre le terrorisme » en Afrique de l’Ouest, et souligné que son pays est tout aussi « disposé » à participer à l’action de renforcement de la coopération sécuritaire menée dans le cadre « l’Initiative d’Accra », lancée en 2017 par les pays côtiers et le Burkina Faso.

Devant la persistance des incursions djihadistes, la fondation allemande Konrad Adenauer estime qu’il est temps de prendre des mesures qui s’imposent pour stopper leur poussée continue du Sahel vers les pays côtiers et de renforcer les mécanismes de prévention de l’extrémisme. « La dégradation de la situation sécuritaire au Burkina Faso et au Mali fait du nord des pays côtiers la nouvelle ligne de front contre les groupes armés opérant au Sahel », note cette organisation non gouvernementale qui rappelle que le Togo a connu sa première attaque meurtrière en mai 2022, alors que le Ghana a été  épargné jusqu’ici en dépit d’incursions et de centaines de recrutements locaux. Ces pays ont déployé leurs armées dans le nord depuis plusieurs années, mais un rapport du groupe de réflexion marocain Policy Center for the New South prévient que «  militariser les frontières sera inefficace, comme ce fut le cas au Sahel ». Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, notons qu’elle a été la cible d’attaques entre 2020-2021 et n’en a plus connu depuis un an.