La division des droits de l’Homme et de la protection de l’ONU au Mali a relevé dans son rapport trimestriel pour la période avril-juin 632 violations des droits humains entre avril et juin qui ont entraîné la mort de 323 personnes. Cela représente une hausse de 6% par rapport au trimestre précédent. Groupes armés, milices d’autodéfense, factions jihadistes, forces de sécurité… les responsables sont nombreux.

Selon la division des droits de l’homme de l’Onu. Du 1er janvier au 31 mars 2020, la situation des droits de l’homme est demeurée très préoccupante, notamment dans les régions du Centre (Mopti et Ségou) et du Nord (Gao, Ménaka et Tombouctou). En effet, le contexte sécuritaire a été caractérisé par des attaques récurrentes des groupes armés signataires et non-signataires ainsi que la persistance des violences armées intra et intercommunautaires dans le Centre du pays.

A cela s’ajoute la multiplication des exécutions sommaires et disparitions forcées ou involontaires lors des opérations militaires et de sécurisation des forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM). 6. Ainsi, au cours du premier trimestre 2020, la MINUSMA a documenté 232 incidents sécuritaires sur l’ensemble du territoire national dont 181 ont été perpétrés dans le Centre notamment dans les régions de Mopti et Ségou. Sur un total de 232 incidents documentés, 190 ont eu un impact direct sur la situation des droits de l’homme et du droit international humanitaire et ont causé la mort de 380 personnes, dont 16 enfants et huit (8) femmes. La Division a noté avec préoccupation que 82% des personnes tuées, soit un total de soit 315 personnes, ont été recensées dans les seules régions de Mopti (262) et Ségou (53). 7. Au total, 598 violations et abus de droits de l’homme ont été documentés au cours de la période en revue. Ces chiffres sont en hausse de 61,21% par rapport aux violations et abus documentés au cours du trimestre précédent (octobre à décembre 2019), où la Division a enregistré 232 violations et abus de droits de l’homme ayant causé la mort d’au moins 119 personnes. Cette tendance à la hausse s’explique notamment par trois facteurs à savoir : la multiplication des attaques des groupes armés au Nord et au Centre du pays, les cycles de représailles de plus en plus fréquents entre les membres des communautés peule et dogon et l’implication des FDSM dans des cas d’exécutions sommaires et extrajudiciaires et disparitions forcées ou involontaires. Les violations et abus de droits de l’homme documentés ont par ailleurs, été favorisés par l’impunité dont jouissent leurs auteurs. . Enfin, la tenue du premier tour de l’élection législative le 29 mars 2020 a aussi donné lieu à de nombreux incidents qui ont eu un impact sur la situation des droits de l’homme. A. La recrudescence des abus de droits de l’homme perpétrés par les groupes extrémistes. Les groupes extrémistes tels que Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), Ansar Eddine, la Katiba Macina, Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM), Al Mourabitoune et autres groupes similaires (ci-après AQMI et autres groupes similaires) constituent une sérieuse menace contre la paix au Mali. En effet, ces groupes ont été responsables de 103 abus de droits de l’homme sur un total de 598 violations et abus documentés, soit un pourcentage de 17,22%. Ces abus comprennent 39 cas de meurtre, 46 cas d’enlèvement et/ou disparition forcée ou involontaire, 18 cas de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants, plusieurs situations d’intimidation et de menace, quatre (4) attaques contre des écoles Il s’agit notamment de l’incendie de l’école de Tonka dans le cercle de Goundam, de deux écoles dans la région de Mopti (Manaco et Toula) ainsi que l’école de Tin-Hamma dans la région de Gao. 4 (3) attaques respectivement contre un hôpital, une sous-préfecture et un pont, six (6) attaques contre des humanitaires dans la région de Tombouctou ainsi que quatre (4) attaques contre la MINUSMA. Par ailleurs, les attaques de ces groupes ont occasionné un déplacement interne important des populations. Au cours de la période en revue, la Division a également noté avec préoccupation une expansion des activités des groupes extrémistes dans les régions du Sud. A cet égard, huit (8) attaques asymétriques ont été enregistrées dans les régions du Sud, notamment six (6) dans la région de Kayes et deux (2) dans la région de Sikasso. Bien qu’ayant visé les FDSM, ces attaques ont fait deux (2) victimes civiles. Enfin, sur un total de 232 incidents documentés entre le 1er janvier et le 31 mars 2020, le Service de l’action antimines des Nations Unies (UNMAS) a recensé 58 attaques par engins explosifs improvisés (EEI) ayant visé les FDSM et les forces internationales et entraîné la mort d’au moins 20 civils et blessé 7 autres. Sur le total de 58 incidents à l’EEI enregistrés au cours du premier trimestre de l’année, 28 ont été perpétrés dans les régions de Ségou et Mopti, 15 à Gao, 10 à Kidal, quatre (4) à Tombouctou et un (1) à Tessalit.

 Les abus de droits de l’Homme perpétrés par les groupes armés signataires et non signataires\

Les groupes armés signataires et non signataires, notamment la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA/D) ont été responsables de 69 abus de droits de l’homme dont un (1) meurtre attribué au MSA/D, 23 enlèvements et une arrestation illégale attribués à la CMA dans la région de Ménaka ainsi que 45 arrestations arbitraires imputables à la CMA dans la région de Kidal. 15. Au cours de la période considérée, au moins 36 abus de droits de l’homme ont été imputés à des groupes armés non identifiés. Ces abus concernent entre autres, sept (7) meurtres, cinq (5) enlèvements, trois (3) cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants, cinq (5) cas de blessures par balles, deux (2) attaques contre des humanitaires ainsi que 12 cas d’atteinte au droit de propriété et une (1) attaque contre un centre de santé (à Kaboye dans le cercle de Gao). 4 Ces attaques ont été perpétrées dans la région de Mopti et concernent notamment la destruction du centre de santé de Fatoma, de la sous-préfecture de Diankabou et du Pont de Songho. Il s’agit d’attaques contre les convois des humanitaires. Bien que ces attaques n’aient pas fait de victimes civiles, les humanitaires ont été dépouillés de leurs biens, menacés et intimidés et se sont parfois vu refuser l’accès à certaines localités.

  La persistance des violences armées dans le contexte intra et intercommunautaire

. Le premier trimestre de l’année 2020 a été marqué par la multiplication des attaques armées entre les membres des communautés Peule et Dogon, notamment dans les régions de Mopti et Ségou. Au total, 35 attaques armées ont été documentées et ont causé la mort de 180 personnes pendant la période en revue. La Division a noté avec préoccupation la multiplication des attaques perpétrées par les membres de la communauté peule avec au moins 28 attaques ayant coûté la vie à 111 membres de la communauté dogon. Les chasseurs traditionnels dozos ont quant à eux, conduit sept (7) attaques qui ont tué 72 membres de la communauté peule. La plus emblématique des attaques reste celle du village Ogossagou, le 14 février 2020, quasiment un an après la première attaque contre ce même village Cette nouvelle attaque a fait 35 morts parmi la communauté peule dont une (1) femme et cinq (5) enfants. La Division a rendu public les conclusions de son enquête sur cet incident, le 18 mars 2020. 18. Trois autres incidents graves ont été documentés pendant cette période. En effet, le 19 février, des chasseurs traditionnels appartenant à la communauté dogon ont attaqué la commune de Ouenkoro (cercle de Bankass) tuant au moins 12 membres de la communauté peule. En représailles, le 28 mars dans la même commune, des hommes armés issus de la communauté peule ont perpétré une attaque ayant couté la vie à au moins 22 personnes de la communauté dogon. De nombreux ressortissants de cette localité sont toujours portés disparus à ce jour. Par ailleurs, le 22 mars, lors des attaques des villages de Yira, Dien et Dissa (commune de Baye) les membres de la communauté dogon ont exécuté 20 personnes de la communauté peule. 19. Au total, les milices et autres groupes d’autodéfense (notamment Dan Nan Ambassagou, les chasseurs traditionnels dozos et les groupes d’autodéfense peuls) ont été responsables de 218 abus de droits de l’homme, ce qui représente un pourcentage de 39% sur l’ensemble des cas documentés. La majorité de ces abus ont été commis dans les régions de Mopti et de Ségou. Les attaques de ces groupes ont occasionné le déplacement interne de plusieurs personnes notamment dans la région de Mopti.

 Violations commises par les FDSM et les forces internationales dans le cadre des opérations militaires

Au cours de la période en revue, la Division a noté avec inquiétude l’implication de plus en plus croissante des FDSM dans des violations de droits de l’homme dont la majorité a été perpétrée dans le Centre notamment dans les cercles de Douentza et Niono. Le même village avait été attaqué le 23 mars 2019. Au cours de cette attaque, au moins 157 personnes, toutes de la communauté peule avaient été tuées. 6 21. La Division a ainsi noté une multiplication des exécutions extrajudiciaires (101 victimes) ,32 cas de disparitions forcées et 32 cas de torture ou traitement cruel inhumain ou dégradant et 116 arrestations arbitraires imputables aux FDSM sur l’ensemble du territoire national. 22. Les enquêtes de la Division font ressortir l’implication des FDSM dans au moins 15 incidents dans le cercle Niono (région de Ségou) ayant fait 53 morts dont le plus emblématique reste l’arrestation, le 16 février 2020, de 19 personnes dont 13 ont été sommairement exécutés et les six (6) autres toujours portées disparues à ce jour. 23. Dans la région de Mopti, les FDSM ont été responsables de 46 exécutions sommaires principalement dans la commune de Mondoro, cercle de Douentza. 24. Par ailleurs, des allégations de disparitions forcées ou involontaires d’au moins 21 personnes imputables à la garde nationale dans les localités de Sevaré et Konna (cercle de Mopti) sont en cours d’investigation par la Division. Dans le cadre de la sécurisation et des opérations de lutte contre le terrorisme, les éléments des FDSM dont certains opérant sous l’égide du G5 Sahel ont également été responsables de multiples violations des droits de l’homme dont 18 cas d’exécutions arbitraires dans les localités de Kobou (1 victime le 13 mars), Tchiofol-Boulmoutaka (1 victime le 19 mars), Pogol-N’daki et dans les environs de Boulekessi (16 victimes le 14 mars). Les forces armées nigériennes quant à elles, se sont rendus responsables de (34) exécutions extrajudiciaires respectivement à Inekar, (24 victimes), Anderamboukane (5 victimes) et 5 autres victimes dans une localité située entre Anderamboukane et Chingola. Le premier cas documenté au cours de la période en revue s’est déroulé le 26 janvier 2020 à Sokolo dans le cercle de Niono où les FDSM ont exécuté deux (2) individus en représailles à l’attaque contre le camp de la gendarmerie de Sokolo. 99 autres exécutions extrajudiciaires ont été documentées dans plusieurs localités notamment, dans le cercle de Niono, le 27 janvier à Massabougou (13 victimes), le 30 janvier à Diabaly et Marakabassi (8 victimes), le 9 février à Sabaribougou (3 victimes), le 11 février à Sinkorangabe (5 victimes), le 3 mars à Dogofry (9 victimes), le 18 mars à Diabaly (1 victime), les 2, 3 et 16 février à Diabaly (16 victimes et 6 disparus). Dans le cercle de Mondoro, les incidents se sont déroulés le 20 février à Fetonelbi et Isseye (5 victimes), le 21 février dans le village de Isseye (6 victimes), le 21 février à Wouro Diam (19 victimes), les 5 et 6 mars à Godoware et Dioulana (12 victimes). Dans le district de Bamako, 2 incidents ont été documentés le 20 février et le 13 mars ont fait 2 victimes. 8 Les violations documentées dans les localités de Sevaré et Konna se sont déroulées respectivement le 23 janvier (1 victime) et le 6 février (20 victimes). Ces incidents ont eu lieu entre autres, le 23 février et les 4 et 5 mars 2020.

 Violations et abus commis dans le cadre du premier tour de l’élection législative

Le trimestre en revue a été marqué par la tenue du 1er tour de l’élection législative le 29 mars 2020, ayant donné lieu à plusieurs cas d’atteintes sérieuses aux droits de l’homme affectant le droit de vote, principalement dans les régions de Gao, Kidal, Ménaka, Mopti et Tombouctou. Au total, quatorze (14) abus des droits de l’homme ont été documentés, en l’occurrence le meurtre d’une (1) personne, 21 cas d’enlèvement ou disparition forcée ou involontaire, trois (3) cas de torture et de mauvais traitements ainsi que plusieurs cas d’intimidation et de menace de la population et de disparition du matériel électoral. Ces actes ont été imputables aux groupes extrémistes violents (notamment Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimeen (JNIM) ainsi qu’aux groupes armés signataires (la CMA et la Plateforme) et non signataires et les milices et autres groupes d’autodéfense (Dan Nan Ambassagou et les chasseurs traditionnels Dozos). Le cas le plus illustratif est celui de l’enlèvement, le 25 mars 2020, du chef de file de l’opposition (Soumaila Cissé) et de certains membres de son équipe. Cet enlèvement a été revendiqué par la ‘’Katiba Macina’’. A ce jour, les membres de son équipe de campagne ont été libérés mais ce dernier demeure en détention. 29. En conclusion, la région de Mopti demeure la plus affectée avec 54,34% de violations et abus de droits de l’homme, suivie des régions de Ségou (13,87%), Tombouctou (8,2%), Kidal (7,52%), Ménaka (6,8%), Gao (4,68%) et Bamako (4, 68%).Tous ces évènements ont conduit au déplacement interne de la population civile notamment dans la région de Mopti où le nombre de déplacés internes s’élevait à 99 598 au 31 mars 2020, selon la Direction Régionale du développement social et l’économie solidaire. 31. Pendant la période en revue, la Division a conduit deux enquêtes spéciales : l’une dans le village de Synda (cercle de Douentza), les 24 et 27 janvier suite à l’exécution de 14 personnes de la communauté peule, et l’autre à Ogossagou (cercle de Bankass), le 24 février 2020 suite à l’exécution de 35 membres de la communauté Peule. Elle a également fourni une assistance logistique et technique aux enquêteurs chargés de conduire des investigations dans la localité de Malemana où en décembre 2019, 26 personnes arrêtées par les FAMa avaient été portées disparues

Mémé Sanogo

Source: Journal l’Aube-Mali