Dans soixante douze heures le paysage bancaire va connaitre des mutations importantes avec notamment l’entrée en vigueur des normes Bâle II et Bâle III. Cette nouvelle donne appelle de la part des banques un changement dans la démarche pour un renforcement du système financier et de la solidité des établissements de crédits.

Mais ce grand saut qui interviendra le 1er janvier ne se fera pas sans l’accompagnement de la Banque centrale. L’institution d’émission entend accompagner les établissements de crédit pour que le basculement ne soit pas un saut dans le vide. Dans cette interview exclusive accordé au journal de l’économie sénégalaise (LEJECOS) par la Direction de la Stabilité Financière, les autorités de la BCEAO font le point sur l’avancée de la réforme par les banques, le coût jugé onéreux de Bâle II et Bâle III, etc.. Entretien

  • On entend parler des normes Bale 2 et Bale 3 : C’est quoi exactement ?

Il s’agit de standards internationaux initiés par le Forum initialement crée par les gouverneurs des banques centrales du G10 pour traiter les sujets relatifs à la supervision bancaire. C’est ce comité qui édicté au cours de ces deux (2) dernières décennies une série de règles généralement appelées les Accords de Bâle II et Bâle III.
Les exigences de ces normes ont pour objectifs de renforcer la capacité de résistance des établissements bancaires et celle du système financier à des événements qui pourraient avoir des effets négatifs considérables sur l’économie tels que la faillite de banques.

  • Que vise la BCEAO (par le biais de ces antennes nationales) dans ses rencontres périodiques  avec les directeurs de banques sur les normes Bâle 2 et Bâle 3 ?

Les rencontres périodiques organisées par les Directions nationales de la BCEAO s’inscrivent dans un dispositif global d’accompagnement des établissements assujettis, par la Banque Centrale, dans le cadre des réformes structurantes.
En effet, l’objectif visé par la BCEAO, au titre de la réforme prudentielle, est d’accompagner les établissements assujettis à réaliser avec succès les diligences liées à la réforme dont l’entrée en vigueur est fixée le 1er Janvier 2018.
De façon spécifique, le dispositif d’accompagnement devrait permettre à la Banque Centrale :
– d’assurer une coordination efficace avec les établissements assujettis dans la prise en charge des diligences et des préoccupations liées à la réforme ;
– d’assister, dans les délais raisonnables, les établissements qui en éprouveraient le besoin ;
– de mieux appréhender les difficultés rencontrées par les établissements et d’assurer un meilleur suivi du respect des délais d’exécution des diligences attendues des établissements.

  • Des acteurs bancaires jugent onéreux les coûts de transpositions de ces normes  et les délais de migrations courts. Que répondez-vous ?

Permettez-moi de répondre par votre dernière question. Il est important de rappeler la démarche participative retenue par la BCEAO qui a conduit l’implication du secteur bancaire à toutes étapes des travaux du projet.
A cet égards, la Fédération des Associations Professionnelles des Banques et Etablissements Financiers (FAPBEF) a mis en place un comité scientifique de Bâle II/III qui a été régulièrement consulté sur toutes les orientations relatives à l’implémentation des règles de Bâle II/III. La date du 1er janvier 2018 a été donc fixée à la suite des échanges avec toutes les parties prenantes.
S’agissant des coûts liés à la réforme prudentielle, il est à noter que la mise en œuvre nécessite pour les établissements des travaux, notamment de conformité de leur système d’exploitation. C’est également une réforme qui fait intervenir des dispositions auxquelles les établissements ne sont pas tous familiers. Il ya donc des charges relatives à l’accompagnement de certains consultants ayant capitalisé de l’expérience dans la transposition de ces règles dans d’autres juridictions. Bien que ces coûts puissent paraître relativement élevés, les bénéfices attendus de cette réforme, notamment en termes de solidité de ces établissements et de renforcement de la confiance de la clientèle et des investisseurs devraient se traduire par un retour sur investissement nom négligeable.

  • Où  en sont les banques maliennes et sénégalaises à la date d’aujourd’hui ?

A l’instar des établissements de crédit de l’UMOA, les banques maliennes et sénégalaises s’attellent aux travaux préparatoires de la mise en œuvre de la réforme.

  • Peut-on s’attendre à des appels publics à l’épargne(APE) pour les banques qui ne parviendront pas à atteindre les objectifs de fonds propres édictés par la BCEAO ?

Sur cette question, il est à noter que dans le cadre de l’accompagnement des établissements assujettis, il est attendu de chacun d’eux un plan de mise en conformité aux nouvelles normes prudentielles sur la base de simulations qu’il aura effectuées. Ce plan donnera à la BCEAO la visibilité nécessaire pour les assister dans l’atteinte des objectifs fixés.

A cet égard, chaque établissement défini un plan d’optimisation de fonds propres pour tenir compte de sa situation individuelle. Ce plan d’optimisation des fonds propres pourrait intégrer une composante APE dépendamment de la stratégie de mobilisation de ressources de l’établissement.

  • Au 1er janvier 2018, qu’est ce qui va changer aussi bien pour la banque que l’usager ?

A partir du 1er janvier 2018, les établissements assujettis sont soumis à une nouvelle réglementation prudentielle dont l’objectif est de renforcer la résilience du secteur bancaire.

A ce titre, cette réforme nécessitera des établissements le renforcement de leur gouvernance, de leur contrôle interne et de leur gestion des risques. Elle devrait également réduire l’asymétrie d’information à travers la transparence et la communication financière qui exigent que les établissements mettent à la disposition du public des informations portant notamment sur le respect des exigences en fonds propres, les dispositifs de gestion des risques et de gouvernance. Le nouveau dispositif prudentiel devrait contribuer au renforcement de la confiance des usagers vis-vis du secteur bancaire de l’UMOA.

Par ailleurs, la réforme devrait se traduire par une meilleure de services aux usagers, tout en tenant compte de leur profil de risque.

  • La BCEAO va brandir des sanctions à l’encontre des banques de l’Union qui ne seront pas prêtes à date ?

Une fois encore, il est important de rappeler que la BCEAO  s’est inscrite dans une option d’accompagnement  des établissements assujettis en vue d’une mise en œuvre ordonnée et harmonisée de la réforme prudentielle.

Toutefois, l’Autorité de supervision qu’est la Commission Bancaire  pourrait prendre des mesures appropriées, voir des sanctions le cas échéant, pour l’application de la réglementation.

Propos recueillis par Ismaila BA

 

Source: lejecom