Constituées majoritairement de Peulhs et de Dogons, les populations du Centre du Mali, notamment celles de Koro, vivent désormais dans la peur et dans l’inquiétude au quotidien, tout en se demandant qui est qui ?  Qui fait quoi ? Aujourd’hui, elles sont divisées en frontières culturelles établies par des groupes qui y font la loi. Cette séparation ethnique est forcée et nourrie par des évènements localisés qui affectent toute la zone. Ce carnet de voyage fait le récit d’une tournée de cinq jours sur le tronçon Sévaré-Bandiagara-Bankass-Koro.  Nous révélons également quelques témoignages de populations qui vivent cette situation.

Une responsabilité partagée !

Ce récit est dans l’optique de secouer les consciences et les cœurs face à l’ampleur de la catastrophe. Le centre du Mali oublie aujourd’hui cette grande unité qui faisait sa force et la fierté du Mali. Cette crise du Centre du Mali touche en grande partie notre responsabilité de citoyens d’abord ; et ensuite celle de l’autorité de l’Etat. Ce qui se passe dans le Centre du Mali est l’affaire de tous. Et l’échec de cette situation interpelle toute l’humanité.

7 janvier 2020, je me rendais à Koro pour raison familiale. Le bus qui nous transportait depuis Bamako est un habitué du tronçon. De Bamako à San, notre chauffeur menait le bateau sans problème. Mais, à quelques kilomètres de Sévaré, les appels sur le téléphone du convoyeur alerte le chauffeur. Et pour cause, car depuis le matin, aucun bus ou véhicule de transports n’a pu quitter Bandiagara. Ils étaient tous bloqués avant le petit village à Bonguel, parce que des hommes armés tiraient des coups de feu.

Malgré tout, notre chauffeur nous conduisait aussi lentement que possible à travers les différents check-points tenus par des chasseurs dozos qui étaient en alerte maximale à travers la brousse.

Entre Sévaré et Bandiagara, j’ai compté environ 5 check-points. Si vous voulez 5 postes de contrôle commandés par des chasseurs. Ils sont une quinzaine d’hommes munis d’armes de guerre. Ils fouillent tous les véhicules  et à chaque fois, il faut leur donner ce qu’ils appellent «le prix du thé, ou de la cola».

Le long du trajet, des véhicules calcinés, souvent avec les occupants, des populations martyrisées, des villages incendiés sans aucune âme à la ronde, des infrastructures saccagées s’étalent à perte de vue. Ces images sont touchantes, mais elles ne reflètent pas assez l’horreur sur le terrain.  Ce qui se passe au Centre du Mali me touche profondément. Cela met en lumière, à la fois l’impuissance de l’Etat dans un système où le pouvoir a atteint ses limites, la vulnérabilité et la solitude de tout un peuple sans compter la manipulation des grandes puissances.

« La dernière attaque près de notre village a commencé à 02h12mns et pris fin à 04h17. J’ai moi-même personnellement appelé le gouverneur, le CB. Mais les renforts ne sont venus que plus de 5 heures plus tard. Pire, quand, ils sont venus trouver le corps de leurs deux frères d’armes, personnes n’a voulu les toucher. Je me demande comment peut-on ignorer un frère d’arme tombé l’arme à la main ? C’est moi avec l’aide du maire et quelques bonnes volontés qui avons embarqué les corps dans le véhicule pour l’hôpital de Mopti », confie un enseignant.

Quant à ce Caporal que nous avons embarqué en cours (sans frais de transport), venant de Touedenit: dira : « Le véritable problème se trouve en haut »

Mettre fin à la crise : arracher la proie du lion ?

Entre Koro et Bandiagara, il régnait un véritable métissage culturel et religieux. Aujourd’hui, un scénario désolant se déroule sous les yeux impuissants de ces hommes et femmes qui n’ont rien demandé pour subir cette situation. La souffrance est devenue naturelle et apparemment interminable. Car au jour le jour, nous vivons une évolution indigne et sans limite de conflits alimentés par des intérêts sous-jacents. Ils sont manifestés par un niveau de destruction et de cruauté impressionnant.

’Crise’’ quel euphémisme !

Cruauté, égoïsme, torture, destruction, avidité, l’indifférence de la course au pouvoir sont entre autres les maux. Les populations du Centre se meurent. Car ce qui s’y passe dépasse toute rationalité et éthique. Je voudrais faire plus qu’écrire, mais hélas ! Aujourd’hui je pleure le centre, la zone où j’ai vécu et que j’aime. Durant mon périple, j’ai eu l’occasion d’évaluer toutes les conséquences de cette guerre.

Nonobstant leur mission officielle, les forces étrangères sont devenues indésirables dans la zone. Toutefois, les spécialistes soutiennent que si ces forces quittent ces zones, la situation serait pire. Nous avons là une zone morcelée et une génération blessée au plus profond d’elle-même. Car témoin de l’horreur humaine.

Andiè A. Dara

Source: Bamako News